Par Raouf Khalsi
Qu’elle soit dans ses droits, ou qu’elle soit en train d’outrepasser les limites de son propre champ d’intervention, les pouvoirs publics feraient preuve de discernement s’ils prenaient ses rugissements en considération. Du moins, s’ils prenaient la peine de l’écouter. L’affaire de l’étudiant comparaissant devant la Justice pour son statut facebook dans lequel il se solidarise avec « les mouvements nocturnes de la Cité Ettadhamen » n’est finalement que l’arbre qui cache la forêt. Perce que, dans leurs déclarations (cf Le Temps News du lundi 31 octobre) les responsables de l’UGET ont aussi pointé du doigt les horizons fermés au nez des étudiants et le chômage auquel ils sont irréversiblement condamnés.
Quelque part, l’UGET fait de ses propres doléances tout un package. Et cela va de la prise de position pour les lycéens, jusqu’à la précarité dans les foyers universitaires, en passant par la défense d’ Ahmed Bahaeddine Hamada, pour aboutir aux magmas existentiels des étudiants et à l’interminable chômage des diplômés du supérieur. L’UGET est-elle dans sa vocation première ? Sur le dernier volet, oui. Et c’est à ce niveau que les pouvoirs publics ne devraient pas se suffire à l’approche sécuritaire.
Historiquement, l’UGET, première organisation estudiantine d’Afrique et du monde arabe, est née dans le ferveur de la lutte contre le colonialisme. Bourguiba croyait pouvoir l’instrumentaliser après l’indépendance. Mais elle était déjà dans les conflits idéologiques. A cette époque-là, les étudiants ne se posaient pas de questions sur leur avenir. Ils se sont, donc, implantés sur le terrain politique, chose qui irritait Bourguiba (Voyez le mouvement Perspectives dont l’icône était Serfati) au point de les envoyer en prison. Donc, déjà l’approche sécuritaire, mais qui s’est révélée être contre-productive à la longue. Avec Ben Ali, l’UGET t a été tout bonnement étouffée et très habilement infiltrée par les Rcédistes. L’organisation estudiantine revint néanmoins en force après la révolution, parce que les islamistes se réorganisaient, ces islamistes contre lesquels se battaient Chokri Belaïd et les siens à l’université, tout en se battant contre Ben Ali. Sur ce plan, Ben Ali n’a pas su dégager le bon grain de l’ivraie.
Sauf qu’aujourd’hui, l’UGET n’est plus dans le combat politique, mais plutôt dans la revendication. Lorsque le taux de chômage des diplômés du supérieur dépasse les 32%, quand les doctorants et docteurs sont plus que quarantenaires qu’ils ne voient rien venir, on n’a plus à se demander pourquoi Lampedusa et la Serbie nous hantent. Ni à s’indigner que la France, l’Allemagne et l’Occident tout entier nous prennent nos cerveaux. « Tout est relatif, telle est la seule chose absolu », nous enseigne Auguste Comte.
C’est que les combats changent de physionomie d’une époque à l’autre. Les vérités aussi. Ceci est parfaitement illustré dans un échange de propos entre Einstein et un étudiant :
-L’étudiant : « Monsieur Einstein, ces questions ne sont-elles pas les mêmes que l’examen final (de physique) de l’année dernière ? »
-Einstein : « Oui, mais cette année, les réponses sont différentes »