Le confinement et les gestes barrières avaient permis une diminution des infections hivernales et, par conséquent, une nette baisse de consommation d’antibiotiques. Et forcément, le retour à une vie plus normale a engendré un regain d’infections et de prescriptions d’antibiotiques. La consommation d’antibiotiques ne cesse d’augmenter en Tunisie. La Tunisie est le 2e plus grand pays consommateur d’antibiotiques dans le monde, derrière respectivement la Turquie, l’Espagne et la Grèce, l’Algérie. Elle consomme deux fois plus que la France et une fois et demie plus que la Grèce, classée premier consommateur d’antibiotiques en Europe. Cette hausse fulgurante fait craindre le développement de bactéries résistantes aux antibiotiques, qualifiées par l’Organisation mondiale de la santé de menaces majeures pour la santé mondiale.

Riadh Daghfous, professeur de pharmacologie à la faculté de Médecine de Tunis et directeur général du Centre national Chalbi-Belkahia de pharmacovigilance, explique que les causes de cette surconsommation semblent multiples avec en premier lieu l’automédication et en particulier la prise d’antibiotiques lors d’infections virales, qui reste par ailleurs le plus souvent inutile. Il y a également la pression que subit le prescripteur par le patient qui attend toujours une ordonnance à la sortie de la consultation Mais c’est aux antibiotiques. Il y a également, ce qui constitue aussi un facteur déclenchant de la résistance. Parmi les autres causes, il y a également la pression que subit le prescripteur par le patient qui attend toujours une ordonnance à la sortie de la consultation. Chaque antibiotique a des effets secondaires qui lui sont propres. Les plus fréquents restent les troubles digestifs et l’allergie avec une gravité variable, mais il faut préciser que les antibiotiques peuvent entraîner des effets secondaires touchant n’importe quel organe de notre organisme (foie, rein, système nerveux…). Ils peuvent exposer les femmes à la survenue d’une mycose vaginale à cause du déséquilibre de la flore microbienne qu’ils peuvent provoquer. La consommation abusive des antibiotiques représente l’un des principaux facteurs responsables de l’augmentation des résistances bactériennes »

Mieux utiliser les antibiotiques doit être une priorité

À l’heure où la résistance des bactéries aux antibiotiques est responsable de plusieurs morts par an, les chercheurs poussent un cri d’alarme et appellent à réduire les taux de consommation d’antibiotiques dans les pays à haut revenu et de ralentir le taux de croissance de la consommation dans les pays à revenu faible et intermédiaire pour contenir le problème de l’antibiorésistance, Les médecins, ne cachent pas leur inquiétude. 25% des décès dans le monde sont dus à des maladies infectieuses et ce n’est pas toujours faute de moyens, les résistances à l’antibiothérapie y sont pour quelque chose. Selon les chiffres de l’OMS, les principales causes des décès les pays à faible revenu, en Asie du Sud-Est et en Afrique, sont à 45% en rapport avec les maladies infectieuses. Le risque est d’autant plus sérieux qu’il promet de prendre des proportions plus alarmantes à l’avenir. Le marché des antibiotiques est peu connu en termes de besoins et de consommation, peu encadré en termes de référentiel de prescription, peu cohérent en termes d’offre, même si des efforts appréciables ont été consentis ces dernières années Face aux enjeux, il y a urgence, selon lui, à lancer « un véritable programme de communication et sensibilisation sur le bon usage des antibiotiques, et une formation sur les bonnes pratiques de prescription…».

Mieux utiliser les antibiotiques est une priorité. Il faut investir dans la prévention des infections, ce qui pourrait diminuer la nécessité de prescrire des antibiotiques. Ceci concerne par exemple l’encouragement aux vaccinations ou le recours à des prophylaxies de courte durée dont l’utilité a été démontrée. Investir dans la qualité du diagnostic qui permet de cibler au mieux le pathogène afin d’éviter des prescriptions d’antibiotiques inutiles ou inefficaces (cas d’infection virale). Ceci sans oublier la mise en place de protocoles thérapeutiques validés pour le traitement des infections courantes, la formation et l’information du personnel de santé et du public sur l’antibiothérapie rationnelle. Le bon usage des antibiotiques repose notamment sur une utilisation prudente et responsable

                                     Kamel Bouaouina