« Une nouvelle histoire de la Tunisie est en train de se créer ». C’est ce qu’a déclaré Kais Saied au début des législatives, auxquelles il a exhorté les citoyens de participer en masse. C’est malheureusement par la réticence d’une grande partie de ces derniers à aller voter, qu’a été marquée la nouvelle histoire du pays, avec une absence totale des partis politiques et un processus électoral des plus troubles, l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), s’emmêlant les pinceaux pour essayer de camoufler au maximum cet échec.
Cependant que le Président de la République a déclaré que le taux de participation ne peut se mesurer qu’au deuxième tour. Acceptons-en l’augure. Toutefois on peut affirmer d’ores et déjà que la nouvelle histoire de la Tunisie va également être marquée par un nouveau parlement sans partis d’opposition. Des neuf millions d’électeurs, seulement un million parmi eux ont voté. La question de la légitimité de la prochaine Assemblée des représentants du peuple est donc posée, s’agissant d’une assemblée représentative d’une infime minorité. L’ISIE a-t-elle fait correctement son travail ? Les avis sont partagés. D’aucuns affirment qu’elle n’a pas commis de fraudes ou de falsifications. Le syndicaliste et secrétaire général du parti « Tunisie en avant », Abid Briki, a avancé, en effet, que « l’ISIE était innocente des accusations de fraude, le taux de participation aux législatives en est la preuve ». Le syndicaliste a accusé plutôt « l’absence de communication du côté de la présidence de la République, le mode de scrutin ou encore le contexte international, le Mondial de football, entre autres ». Tandis que la présidente du Parti Destourien Libre (PDL), Abir Moussi a « assimilé les membres de l’ISIE à des « braqueurs », considérant que ces derniers essayaient de dissimuler la gravité du faible taux de participation. Elle les a accusés d’avoir « trafiqué les résultats en gonflant le nombre de participants aux élections ». Elle a argué du fait que « le faible nombre de voix ne nécessitait pas de longues périodes de vérification et que l’opération ne devait pas prendre 48 heures ». Il s’agit, selon elle, d’une simple opération de quelques instants. Elle a conclu que « le retard dans l’annonce des résultats, était dû aux falsifications des chiffres ». Elle a indiqué d’ailleurs avoir adressé une mise en demeure à l’ISIE où elle y demande « la suspension immédiate du processus électoral et du trucage des résultats ». Par ailleurs l’association Mourakiboun a reproché des erreurs dans l’annonce des résultats, ce que l’ISIE semble avoir minimisé.
L’ISIE ne reconnait pas sa mauvaise gestion des élections
Mais en tous les cas, l’ISIE a finalement passé outre les observations de falsifications ou d’erreurs, qui lui ont été faites et son silence ne milite pas du tout en sa faveur, car il la met en porte à faux vis-à-vis des citoyens qui veulent connaître la vérité. Par ailleurs le syndicat national des journalistes (SNJT) a publié, mardi, dernier, un communiqué dans lequel il déplore le fait que les membres de l’ISIE aient refusé de répondre aux questions des journalistes, lors d’un point de presse. Notamment en ce qui concerne les variations des taux de participation annoncés. Il considère qu’elle « est en train de cacher sa mauvaise gestion du processus électoral ». On va attendre ce que va donner le second tour. Pas grand-chose, en tous les cas car il ne va grandement influer sur les résultats initiaux, étant donné le faible taux d’électeurs.
Quoi qu’il en soit, on va se retrouver avec un parlement composé de membres qui ne sont pas totalement représentatifs, puisqu’ils ont été élus par une infime partie des citoyens tunisiens.
Et on se demande quelle serait l’efficacité d’un tel parlement.
Quel rôle joueront les nouveaux députés ?
L’histoire étant un éternel recommencement, le parlement nous rappelle quelque part et selon certains observateurs, ceux de l’ancien régime, lorsqu’il n’y avait qu’un seul parti et que les partis d’oppositions étaient interdits, ou qui, ultérieurement, lorsque l’interdiction leur a été levée, jouaient le rôle de parade. En l’occurrence, les partis ont été absents, car ils ont boycotté les élections. Aussi le résultat des élections s’en-est-t-il ressenti. Et on se demande également si les nouveaux députés seront là pour entériner uniquement les décisions de l’exécutif, ou s’ils vont défendre vraiment les vœux, du moins de ceux qui les ont élus. L’enjeux est grave, car il y va de l’intérêt du pays. Oui mais il y a aussi le conseil des régions qui n’est pas encore installé et qui pourrait peut-être influer en partie sur le fonctionnement du parlement.
C’est en sortant de son silence et en s’adressant aux citoyens, pour leur expliquer beaucoup de points obscurs et , comme l’a déclaré, Noureddine Taboubi, le chef de la centrale syndicale, en consentant à un dialogue sérieux, entre toutes les parties prenantes, pour débattre des problèmes qui menacent le pays et inciter à ce que toutes les institutions de l’Etat y compris l’Assemblée des représentants du peuple œuvrent à trouver des solutions efficaces, afin de sortir du marasme économique actuel, que le Président de la République contribuera à écrire une nouvelle page de l’histoire de la Tunisie. Une gageure dont dépend la stabilité du pays et la pérennité de l’Etat démocratique. Sinon et comme l’a bien affirmé Taboubi « Qui va parler au peuple ? ».
Ahmed NEMLAGHI