Certaines réserves et objections ont été enregistrées récemment pour ce qui est de la situation des droits de l’homme en Tunisie, notamment de ce qui a été qualifié de « crise socio-économique et politique alarmante » par certaines organisations et associations. Dans ce sens, l’Ordre national des avocats tunisiens (ONAT) a annoncé son intention de lancer une initiative nationale en coordination avec les organisations de la société civile. Pour sa part, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH), au-delà de son rôle d’observation et de protestation contre les restrictions, a présenté une perception qui se veut « concrète » : le dialogue participatif pour « surmonter la crise ». Tour d’horizon.

Dans un communiqué publié samedi 24 décembre, la LTDH a annoncé que le Président de la République, Kais Saied, avait reçu le 23 courant, le Président de la Ligue Bassem Trifi au palais de Carthage. D’après ce communiqué, cette rencontre a été l’occasion de féliciter le président de la LTDH ainsi que le nouveau bureau, pour la tenue de son 8ème congrès et pour l’élection de son nouveau comité directeur. Le Président a souligné par ailleurs le rôle historique joué par la Ligue dans de nombreuses stations de lutte au niveau national ainsi qu’aux niveaux régional et international.

Selon la même source, Bassem Trifi a évoqué, lors de cette rencontre, la situation préoccupante des droits de l’Homme en Tunisie à différents niveaux et a également mis l’accent sur la nécessité d’engager un dialogue national participatif afin de surmonter la crise « que traverse la Tunisie à tous les niveaux ». Dans le même contexte, le président de la Ligue a signalé, durant cette réunion, de nombreuses autres questions qui préoccupent les Ltdhiens en raison de leur impact négatif sur la réalité des libertés : notamment les poursuites des blogueurs, des journalistes et des militants en application du décret n ° 54 de 2022, et ce à quoi le pouvoir judiciaire est exposé, en particulier les juges exemptés qui n’ont pas repris leur travail en application des décisions du Tribunal administratif et le retard dans la délivrance du mouvement judiciaire. 

Bassem Trifi s’est également déclaré préoccupé par les conséquences de la crise générale dans le pays, en particulier la détérioration des services de base dans les domaines des transports, de la santé, de l’éducation, de la justice et d’autres établissements, la hausse des prix, le manque des produits de base et la perturbation quant au cycle de la production et des investissements. Il s’est également dit préoccupé par le fait que le gouvernement n’ait pas divulgué le contenu des accords avec le Fonds monétaire international (FMI), « ce qui détériorera davantage le pouvoir d’achat des citoyens et contribuera à augmenter les prix des produits de base en raison de la suppression des subventions », d’après le communiqué de la LTDH.

De son côté, l’Ordre des avocats a annoncé que son conseil national, réuni le 24 décembre courant à Sousse, a décidé de déléguer le bâtonnier Hatem Mziou et le conseil de l’Onat pour lancer une initiative nationale visant à « aider à surmonter la crise sociale, économique et politique », et ce, en coordination avec les organisations nationales et les composantes de la société civile civile. Cette décision a été prise après avoir abordé un nombre d’affaires professionnelles et d’autres nationales relatives à la situation socioéconomique, la situation politique et celle des droits de l’homme en Tunisie, en présence du bâtonnier Mziou, des membres du Conseil de l’ONAT et des membres des branches régionales. Outre que le lancement d’une initiative nationale, il a été indiqué que cette réunion a également été l’occasion de mentionner d’autres recommandations à l’instar de la mise en garde « contre la gravité de la détérioration du service de la justice » et contre « la détérioration de la situation des libertés, en particulier après la publication du décret n ° 54 de 2022 », tout en autorisant le président de l’Ordre National des Avocats et son conseil à « prendre toutes les formes de lutte pour défendre les droits et les libertés en l’absence de toute vision participative quant à la gestion des affaires publiques ». 

 Mais si l‘ONAT a souligné, à travers le même communiqué datant du 24 décembre courant, son refus catégorique des conclusions du décret de finances de l’année 2023 tout en considérant que le pouvoir en place est entièrement responsable des répercussions négatives de ce décret sur plus d’un plan, notamment le pouvoir d’achat de la population, l’Association Tunisienne des Jeunes Avocats a publié, à son tour, un communiqué exprimant son refus de la loi de finances de l’année 2023. Tout en considérant qu’il s’agit d’un nombre de dispositions «  injuste à l’encontre du peuple », l’ATJA a tenu le Président de la République responsable et a également appelé l’ONAT et la réunion des branches à adopter  « les mesures d’escalade et de lutte nécessaires », tout en considérant que la situation est alarmante compte tenu de « la gravité de la situation socioéconomique et des répercussions des lois pareilles sur la substance des tunisiens et sur leur pouvoir d’achat ». 

Il est utile de rappeler, dans ce contexte, la rencontre déroulée entre Noureddine Taboubi et Hatem Mziou, le président de l’Ordre national des avocats, au siège de l’UGTT le 23 décembre courant. Selon le journal électronique officiel de l’UGTT « Echaab News », différents sujets relatifs à la situation générale du pays, aux résultats des élections législatives récemment tenues et à la situation socioéconomique ont été abordés lors de cette rencontre. D’après la même source, Taboubi et le bâtonnier Mziou se sont engagés au maintien de la coordination dans le but de « sauver le pays de tout dérapage ». À la lumière de toutes ces données, seules les jours qui viennent peuvent dévoiler si la Tunisie va témoigner prochainement la naissance d’une initiative nationale conjointe entre certaines organisations nationales et différentes composantes de la société civile… 

Rym CHAABANI