Alors que l’opposition reste profondément divisée et incapable de restaurer un crédit entaché par les errements de la décennie 2011-2021, les organisations nationales montent au créneau pour tenter de sauver le pays de l’impasse. En plein deux tours des élections législatives voulues et conçues par le président Kaïs Saied, une réunion s’est tenue, mardi 27 décembre, entre le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail, Noureddine Taboubi, le bâtonnier Hatem Mziou, et le président de la ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH), Bassem Trifi.
« La rencontre organisée au siège du Conseil national de l’Ordre des avocats a examiné la situation générale en Tunisie et la manière d’élaborer une vision commune pour la prochaine étape, dont l’objectif est de sauver le pays à travers une initiative pilotée par les trois organisations », a indiqué la LTDH dans un communiqué publié à l’issue de la réunion.
Lundi, le secrétaire général de l’UGTT avait annoncé que la centrale syndicale a entamé des consultations avec les organisations et les forces de la société civile, dans le but de lancer un dialogue pour sortir le pays de l’impasse.
« L’Union n’a pas encore lancé d’initiative, mais elle a commencé à se concerter et à échanger des idées avec l’Ordre des avocats et elle poursuivra, mardi, ses consultations avec la Ligue tunisienne des droits de l’homme afin de parvenir à une initiative permettant de sortir la Tunisie de la crise », a-t-il déclaré.
Force est d’abord de constater que l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), qui avait fait part du quartet ayant conduit l’initiative du dialogue national fin 2013, n’a pas été associée aux consultations. L’organisation patronale n’a pas jusqu’ici commenté le fiasco des législatives, ni l’annonce du lancement d’une initiative de sauvetage par la société civile. Elle n’a même pas commenté la loi de finances 2023.
Le flou règne encore sur les contours et les visées de l’initiative de sauvetage annoncée. Débouchera-t-elle sur un dialogue national semblable à celui engagé en octobre 2013 et qui avait valu aux organisations nationales le prix Nobel de la paix en 2015 ? Qui sont les acteurs qui pourrait participer à un éventuel dialogue national alors que le président Kaïs Saïed refuse toujours d’admettre des « couacs et des maladresses » entachant le processus de redressement qu’il engagé un certain 25 juillet ? Les partis seront-ils autorisés à participer à un éventuel dialogue ?
Des éléments de réponse commencent ont été apportés à certaines de ces interrogations même si plusieurs zones d’ombres demeurent.
Le secrétaire général de l’UGTT a déjà exclu la participation des partis politiques aux consultations.
« Nous ne nions pas le rôle fondamental des partis, mais nous craignons de tomber à nouveaux dans les tiraillements politiques et dans le populisme », a-t-il déclaré.
Le secrétaire général adjoint de l’organisation ouvrière, Samir Cheffi, a de son côté précisé que l’initiative de sauvetage devrait aboutir à une feuille de route comportant un ensemble de mesures qui seront soumises au pouvoir en place.
« Nous espérons que les autorités vont interagir avec cette feuille de route car les organisations nationales et la société civile ne cherchent pas à prendre le pouvoir ou à occuper des postes. Notre objectif final est de sauver le pays », a-t-il dit.
Le président de la LTDH a, quant à lui, fait savoir que l’initiative en cours d’élaboration « sera soumise au peuple tunisien », sans plus de précision.
Reste désormais à savoir si le locataire de Carthage qui a été toujours rétif à un véritable dialogue national acceptera-t-il de prendre part à ce dialogue ou, du moins, à mettre en œuvre la feuille de route qui en émanera. Cela est d’autant plus improbable que le président de la République s’est efforcé à marginaliser les organisations nationales et l’ensemble des corps intermédiaires depuis son coup de force opéré le 25 juillet 2021.
Walid KHEFIFI