Qui ne se rappelle pas des images illustrant des agriculteurs en train de verser du lait dans les rues ? Des photos que les Tunisiens partagent, aujourd’hui sur les réseaux sociaux, tout en exprimant leur ras-le-bol. La crise de la pénurie du lait frappe de plein fouet la Tunisie, depuis plusieurs semaines. Les chiffres et les statistiques annoncés dans les plateaux médiatiques ne sont pas rassurants. La visite du président de la République le 5 décembre 2022, à l’ usine de lait à Soliman et l’appel à l’augmentation de la production du lait a été perçue comme étant une lueur d’espoir aux Tunisiens pour mettre fin à cette crise. « L’Etat tunisien est en guerre contre le monopole et ceux qui provoquent les pénuries », avait-t-il indiqué. Mais, un mois et demi après cette déclaration, le problème de l’approvisionnement du lait persiste encore.
Crise du lait : des chiffres et des lettres
« Le lait ne se trouve pas dans de nombreux espaces commerciaux » avait indiqué le Vice-président de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), Anis Kharbeche sur les ondes de la radio « IFM » le 16 janvier 2022. Et d’ajouter que » la production du lait a diminué d’un pourcentage entre 30 et 35% » « La moyenne de la consommation du lait quotidiennement est estimée à 1,8 million de litres », selon la même source. » En contrepartie, » le taux de production est égal à 1.2 million litres de lait par jour ». « En consommant le lait en poudre, on va revenir 40 ans en arrière », avait ajouté Kharbeche
Le vice-président de la Chambre nationale des producteurs de lait, Ali Kelabi, avait déclaré, sur les ondes de « Mosaïque FM » ce mercredi 11 janvier 2022, que la Tunisie ne dispose pas d’un stock stratégique de lait pour le mois de ramadan, précisant que durant la dernière période on avait recouru à ce stock. Selon la même source, Kelabi a expliqué que la production du lait ne va pas s’arrêter et qu’il y aura une pénurie. Et d’ajouter que les besoin en lait, durant le mois de ramadan, augmentent d’environ 30%.
Le lait en poudre n’est pas l’ultime solution
La Tunisie avait décidé l’annulation des taxes sur l’importation du lait en poudre et du beurre, Dans la loi de finances de l’année 2023, dans une mesure que le gouvernement juge nécessaire pour approvisionner le marché laitier et suite aux demandes des agriculteurs d’augmenter le prix du lait frais, selon l’agence TAP. Il est bien établi que l’ingestion de lait en poudre peut être à l’origine d’une allergie chez l’enfant intolérant aux protéines du lait de vache. En revanche, les risques potentiels d’une inhalation de poudres de lait n’avaient pas fait jusqu’ici l’objet de recherches spécifiques, avait indiqué Jean-Yves Nau dans l’article « L’exposition professionnelle au lait en poudre augmente le risque de troubles respiratoires »
Une étude dirigée par Maritta Jaakkola de l’Université de Birmingham, en collaboration avec l’Université Mahidol de Thaïlande, a été menée auprès de 167 travailleurs d’une fabrique de laits infantiles thaïlandaise, selon la même source, Parmi eux, 130 intervenaient directement dans le processus de fabrication ou d’emballage, 22 étaient chargés de l’enrichissement du lait en vitamines, et 15 étaient affectés aux contrôles de qualité. Par ailleurs, 76 employés de bureau travaillant soit dans cette usine, soit dans d’autres fabriques thaïlandaises ont également été inclus dans l’étude, en tant que sujets témoins. Tous les participants ont été invités à remplir un questionnaire de santé portant sur la présence, pendant les douze mois précédents, de symptômes respiratoires, nasaux, oculaires ou cutanés. Ces informations ont été complétées par des tests spirométriques systématiques.
Les auteurs parviennent à la conclusion que les travailleurs du groupe exposé souffrent d’un excès significatif de sifflements respiratoires, d’essoufflement ainsi que de divers symptômes ORL : nez bouché ou qui coule, démangeaisons nasales, éternuements… «Les taux de sifflements respiratoires et d’essoufflement (respectivement 24% et 33%) étaient en effet deux fois plus importants que dans le groupe témoin (12 et 16%)», précisent les auteurs. «Après ajustement des autres variables et notamment du tabagisme, le risque relatif concernant ces deux symptômes reste élevé (1,74 et 2,20) (…). Des symptômes ophtalmologiques et cutanés ont été déclarés beaucoup plus fréquemment chez les ouvriers chargés de l’ajout de vitamines dans les poudres lactées que chez les autres employés.», lit-on encore dans l’article susmentionné. Et d’ajouter que les explorations fonctionnelles respiratoires ont d’autre part permis d’objectiver une baisse significative du volume expiratoire maximum en une seconde chez les employés exposés aux poudres de lait qui se plaignaient de signes respiratoires. Pour les auteurs, la nature des symptômes observés fait plus songer à un mécanisme d’hypersensibilité qu’à un simple phénomène irritatif. Ils observent notamment les faibles concentrations de l’air en poussières (principalement constituées de poudres de lait) mesurées dans l’usine, concentrations largement inférieures aux seuils autorisés pour les poussières inhalées.
Ghada DHAOUADI