Plusieurs milliers de personnes ont manifesté, hier, à Tunis, à l’appel de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) pour protester contre les « violations du droit syndical », les « attaques visant l’action syndicale », « le retour de l’Etat policier » et les « réformes économiques impopulaires » convenues entre le gouvernement et le Fonds monétaire international ».
« Liberté, liberté, à bas l’Etat policier », « stop à l’appauvrissement », « Non au règne d’un seul homme » et « Arrêtez les attaques contre les syndicats », « A bas la dictature, nous n’avons pas peur » ont notamment scandé les manifestants qui se sont rassemblés devant le siège historique de la puissante centrale syndicale à la Place Mohamed Ali, avant de défiler dans le centre-ville.
Le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, a dénoncé dans un discours prononcé au siège de l’organisation les attaques contre les syndicats ainsi que les arrestations de plusieurs opposants et d’un syndicaliste ayant déclenché une grève au niveau des points de péage des autoroutes.
« Nous n’accepterons jamais ces pratiques et ces arrestations. Je salue les juristes et les militants incarcérés dans la prison de Mornaguia », a-t-il lancé en référence aux récentes arrestations de plusieurs politiques et du secrétaire général du syndicat de la société Tunisie Autoroutes. Et d’ajouter : « Non aux atteintes au droit syndical et au droit de grève. Le despotisme n’aura pas lieu en Tunisie, quelque soit le prix à payer. Nous résistons pour défendre notre droit syndical et sommes unis comme les cinq doigts de la main. Nous avons choisi une voie difficile, celle du militantisme et nous sommes prêtes à supporter les frais ».
Le secrétaire général de l’UGTT a également fustigé l’important dispositif policier déployé dans les principales artères de la capitale. « Je déplore les scènes que j’ai vues alors que j’étais en route vers le siège de l’organisation. Quelles sont les raisons de cette forte présence policière. Nous sommes des militants pacifiques et on ne prêche pas la violence, et nos seules armes sont les arguments dont nous disposons », a-t-il déploré.
Dialogue
Taboubi aussi appelé le président Kais Saied à accepter l’initiative de sauvetage national lancée par l’UGTT en collaboration avec d’autres organisations nationales, de l’Ordre national des avocats, la Ligue tunisienne des droits de l’Homme et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, indiquant que cette initiative sera dévoilée dans les jours à venir.
«Nous avons présenté une initiative de réformes avec d’autres, et c’est comme si nous avions commis un crime. C’est initiative a provoqué des campagnes de diabolisation visant l’UGTT. Les discours visant à semer la division le mépris et le règlements de comptes ne peuvent pas mener la Tunisie à bon port. Il n’y a pas des alternatives autres que le dialogue pour apaiser les tensions et trouver des solutions à nos problèmes », a-t-il dit, tout en appelant les forces progressistes et civiles doivent aujourd’hui s’unir pour défendre le pays.
Il a cependant annoncé la tenue d’une réunion du Bureau exécutif élargi le 7 mars et d’une réunion de la commission administrative nationale le 13 mars à Kerkennah, à l’occasion de la commémoration du 24ème anniversaire du décès du leader syndical Habib Achour.
Le responsable syndical a d’autre part critiqué les politiques économiques et financières du gouvernement basées sur l’application d’un programme de réformes visant la levée de la compensation sur les produits de consommation, et assuré que l’UGTT n’a pas été informée en détail des réformes proposées.
« L’UGTT plaide en faveur des réformes basées sur la garantie de la survie des entreprises publiques et l’amélioration des conditions de vie des Tunisiens », a-t-il affirmé, soulignant non-application par le gouvernement des conventions relatives aux majorations salariales dans le secteur public.
Le dirigeant syndical a par ailleurs défendu « les droits des migrants » subsahariens.
« La Tunisie est un pays de tolérance, non au racisme » a-t-il déclaré.
L’UGTT avait d’abord salué le gel du Parlement et la dissolution du Parlement qui ont conduit à la concentration du pouvoir entre les mains du président de la République depuis le 25 juillet 2021 alors que certains partie ont qualifié ces actes de « coup d’Etat ». Mais, à mesure que le président a consolidé son emprise sur le pouvoir et marginalisé la centrale syndicale et d’autres acteurs politiques, l’UGTT a commencé à critiquer le pouvoir.
Un plan grand raidissement du régime opéré suite aux dernières législatives marquées par une forte abstention, et dont le point culminant a été l’arrestation du secrétaire général du syndicat de Tunisie Autoroutes et l’interdiction aux dirigeants syndicaux étrangers d’entrer en Tunisie pour participer à des rassemblements organisés par l’UGTT, a conduit l’organisation à hausser davantage le ton, tout en veillant à ne pas couper les ponts du dialogue avec le palais de Carthage, hésitant ainsi quant à son positionnement entre opposition frontale et cohabitation critique avec un régime qui ne cesse de se durcir.
Walid KHEFIFI