Vingt membres du congrès américain, dont les démocrates Gregory W. Meeks (membre de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants) et Gerry Connolly, ont appelé, dans une lettre adressée mardi au secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, l’administration Biden à plus de fermeté à l’égard des autorités tunisiennes après la récente vague d’arrestations d’opposants et la dégradation de la situation des migrants originaires d’Afrique subsaharienne en Tunisie.
« Nous sommes particulièrement alarmés par des informations crédibles selon lesquelles les autorités tunisiennes ont inculpé des individus de complot contre la sûreté de l’État et de machination visant à renverser le régime en vertu de la loi antiterroriste pour avoir rencontré des diplomates américains. Suite à ces accusations, les autorités ont procédé à des arrestations en violation des procédures régulières, ont refusé aux personnes détenues de communiquer avec leur famille pendant 48 heures et ont fait un usage excessif de la force lors d’une arrestation qui a causé des blessures graves à au moins un détenu. D’autres voix dissidentes continuent d’être arrêtées ou convoquées pour être interrogées presque quotidiennement », ont écrit les élus américains.
Ils ont également indiqué que « des migrants avec ou sans papiers ont été arrêtés arbitrairement, des fonctionnaires ont séquestré des enfants dans des crèches et des personnes ont été expulsées de leur domicile sous l’impulsion de la rhétorique anti-migrants subsahariens du président Kaïs Saied.
Les membres du congrès ont également indiqué que les agissements du pouvoir tunisien « semblent viser à semer la division et à créer des boucs émissaires pour leur faire assumer la responsabilité de la crise économique aiguë que traverse pays, à un moment où la mobilisation populaire contre ses politiques ne cesse de croître ».
Ils ont d’autre part fait remarquer que ces « tentations autoritaristes » mettent la stabilité du pays en danger soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir des relations entre les États-Unis et la Tunisie qui, depuis 2011, ont été bâties sur un engagement commun en faveur des principes démocratiques.
« Nous demandons instamment à l’administration de continuer à souligner la régression démocratique significative de la Tunisie et d’insister sur la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues arbitrairement. En outre, nous encourageons l’administration à s’assurer que toute aide étrangère américaine à la Tunisie soutienne la restauration de la gouvernance démocratique inclusive et de l’état de droit, ou soutienne directement les Tunisiens en grande difficulté économique, et ne renforce pas les mains de ceux, y compris les services de sécurité intérieure, qui ont exacerbé la répression et l’autoritarisme sous la présidence de Kais Saied », ont-t-il indiqué.
L’Europe craint une déferlante migratoire
Les parlementaires américains ont par ailleurs fait savoir que l’administration Biden doit faire savoir aux autorités tunisiennes que « la répression sape la confiance dans l’État de droit qui est essentielle pour une relation florissante entre les États-Unis et la Tunisie et pour le soutien monétaire international qui pourrait bénéficier au peuple tunisien et atténuer les difficultés économiques ».
La lettre adressée par les membres du congrès au chef de la diplomatie américaine accentue la pression étrangère sur les autorités tunisiennes alors que l’Union européenne semble avoir modéré sa position, sous l’effet du lobbying qu’exerce l’Italie, et à un degré moindre, la France en faveur de la Tunisie sur fond de craintes d’un effondrement économique qui déboucherait sur un afflux massif des migrants vers les côtes européennes.
Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, n’a pas cessé ces derniers temps à appeler le Fonds monétaire international et l’Union européenne à soutenir financièrement la Tunisie pour éviter une déstabilisation de ce pays d’Afrique du Nord aux portes de l’Europe.
« On ne peut pas commettre l’erreur d’abandonner la Tunisie. Tout le monde bouge. Ne commettons pas l’erreur de laisser la Tunisie aux Frères musulmans […] Nous sommes favorables à une solution de compromis : apporter un soutien initial, car les Tunisiens affirment que sans argent, ils ne peuvent pas engager des réformes. Si l’UE ou le FMI n’interviennent pas et que la Chine ou la Russie interviennent, comment va-t-on l’expliquer », a-t-il martelé dans un entretien accordé, dimanche dernier, au quotidien italien Corriere della Sera.
De leur côté, le président français Emmanuel Macron et la Première ministre italienne Giorgia Meloni ont appelé à soutenir la Tunisie afin de contenir la « pression migratoire » que ce pays représente pour l’Europe.
« En Tunisie, la très grande tension politique, la crise économique et sociale qui sévit en absence d’accord avec le Fonds monétaire international, (sont) très préoccupantes », a déclaré Emmanuel Macron, indiquant que cela « conduit à une très grande déstabilisation du pays et de la région et à une pression migratoire accrue sur l’Italie et l’Union européenne ».
Walid KHEFIFI