Par Raouf Khalsi
« Obscure clarté », pour reprendre le célèbre oxymore de Corneille. Or, le contexte actuel et la cacophonie qui y règne ne sauraient légitimer les figures de style qui allient l’impossible.
Sommes-nous dans l’impossibilité de voir clair dans ce contexte politique pour le moins embrouillé ? La réponse est, malheureusement, oui. On en peut pas s’inventer des ballons de baudruche, alors que la sinistrose règne, que les indicateurs clignotent vers le rouge, pas plus que le peuple ne puisse se faire une idée exacte de ce qui pourrait l’attendre.
Pour autant, instrumentalisation et fausses pudeurs mettent au goût du jour toutes les formes d’imprécations sociétales à l’endroit d’un feuilleton (Falloujah) dont on ne sait trop par quel bout le tenir.
La société tunisienne est à la recherche de dérivatifs, sinon d’exutoire à ses fantasmes refoulés, son mal-vivre et ses névroses tournant au délire. Quand ces monuments que sont Steve Mc Qeen et Paul Newman ont joué dans « La Tour infernale », on ne les a pas accusés d’avoir conçu (le scénariste et le réalisateur avec eux) les Tours Jumelles du 11 septembre. Il y a l’imagination, il y a la fiction et il y a la réalité.
Chaque jour, en somme, depuis la première soirée du ramadan, on attend ce qui se passerait le lendemain. Interdiction ? Non, poursuite de feuilleton ? Et, extrême légèreté, voilà qu’on appelait la cheffe du gouvernement à la rescousse et qu’on s’est mis à attendre une réaction du président de la République.
C’est cela « l’obscure clarté ». Celle qui consiste à s’emmêler dûment les contextes et les pinceaux. Et plus que cette impossibilité (obscur et clair à la fois), c’est la schizophrénie : on revendique les libertés et, en même temps, on appelle à la censure
Les pulsions sociales, de tout temps, font le lit des soubresauts politiques. Car les politiques n’ont d’attitude que par rapport aux comportements sociaux. Qu’on ne vienne donc pas nous parler de « dérive dictatoriale ».
La Tunisie fait face à une crise aigüe ; ce n’est pas « Fallujah » qui la cristallise, ni qu’elle la résoudra.