Le feuilleton « Fallujah », de la réalisatrice Saoussen El Jomni, diffusé sur la chaîne télé El Hiwar Ettounsi à l’occasion du mois de Ramadan a été massivement attaqué et critiqué depuis la diffusion du premier épisode. En plus de la controverse suscitée sur les réseaux sociaux, certains syndicats ont considéré qu’il s’agit d’une atteinte à l’image des personnes appartenant aux secteurs qu’ils représentent. 

En effet, exposer une partie des problèmes existant dans le milieu éducatif et les différents phénomènes propagés dans les rangs des élèves ouvre la voie à l’évaluation, au questionnement et au débat. Bien que la manière de la présentation des évènements soit discutable, exagérée d’après certaines personnes, acceptable selon d’autres ou choquante pour quelques uns, l’échange des diverses opinions dans le cadre du dialogue et des débats demeure un phénomène sain.

Une discussion, un dialogue ou un débat nécessitent bien évidemment une certaine capacité d’accepter la différence au niveau des avis et des points de vue, une sorte d’indépendance de la logique du sectarisme exagéré et de la patience. D’ailleurs, l’avancement des évènements d’El Fallujah a prouvé qu’il fallait juste patienter pour voir par exemple la présentation d’un ensemble de morales après une série de positions et de situations qui ont fait l’objet de nombreuses critiques. 

À travers la scène poignante du décès du personnage de l’adolescente « Maram » suite à la consommation de la drogue, celle de la leçon de morale et les conseils adressés, en marge de cet incident tragique, par la professeure aux collègues de cette jeune adolescente, et la scène dans laquelle l’acteur Houssem Sahli a parfaitement joué le rôle du papa repenti pour avoir été tout le temps occupé et moralement loin de sa fille, l’équipe du feuilleton a, au moins, essayé de transmettre un nombre de messages aux parents, aux adolescents et aux jeunes élèves jusqu’à présent. 

Dans d’autres scènes, on a pu avoir une idée approximative en ce qui concerne l’implication des élèves dans des réseaux de vente des drogues aux alentours des lycées et les chantages qu’ils puissent subir s’ils expriment leur volonté de se retirer.

On a, toutefois, pu avoir une idée de ce que cette catégorie d’adolescents intériorise comme vides émotionnels ou sentimentaux et des failles et déséquilibres psychologiques dus, à titre d’exemple, à des problèmes familiaux ou à un certain manque de contrôle et suivi parentaux. 

En plus de la critique, la fiction, comme d’autres expressions artistiques, ne peut que mettre en lumière les différents dysfonctionnements. Quant aux initiatives et projets des réformes la proposition et la mise en œuvre de solutions concrètes, cela fait purement partie des autorités concernées qui doivent recevoir et analyser attentivement des faits et des messages pareils, et intensifier les efforts pour pouvoir atténuer l’impact de certains phénomènes et afin de contrôler la situation d’une manière pédagogique efficace. 

Prendre des mesures comme : l’achèvement d’un nombre de politiques et stratégies incluant des études socio-psychologiques, l’établissement d’un cadre de discussions continues entre les différentes parties prenantes, la prise en considération des revendications des enseignants.tes et l’amélioration de leurs situations sans adhérer à la diabolisation absolue et généralisée, la diffusion d’une certaine atmosphère de tolérance, s’ouvrir à la société civile, ouvrir la voie aux spécialistes (sociologues, psychiatres, etc…) pour contribuer à l’élaboration des solutions, mener des approches correctives bien étudiées et basées sur des statistiques et des chiffres actualisés, et le passage à la concrétisation de la résolution des problèmes; peuvent constituer à une réelle réforme possible. 

Hommage au Président Bourguiba

« Moi, je suis optimiste. Quand on parle de la Tunisie d’après Bourguiba, je me dis « je crois que j’ai fait quelque chose de solide, qui tiendra après moi », le générique du feuilleton « Fallujah » a repris cet extrait d’une déclaration accordée par le Président Habib Bourguiba en 1972 dans le cadre d’une interview avec Jean-Pierre Enkiri. 

Cet hommage au Président Habib Bourguiba et le choix de cet extrait peut traduire plus d’un message et appel, notamment un appel à être à la hauteur de la confiance et les sacrifices de plusieurs militants et militantes de différentes idéologies et orientations politiques et un message relatif à la nécessité de préserver cet héritage, nos acquis et la qualité de notre enseignement grâce à laquelle, le diplôme tunisien représentait, à un certain moment, un repère partout dans le monde. D’un autre point de vue, il s’agit probablement d’une sonnette d’alarme tirée en guise de reconnaissance pour les efforts fournis de la part de plus d’une génération et de plusieurs personnalités qui ont cru à l’intelligence et aux capacités tunisiennes, et pour préserver l’enseignement comme étant un élément fondamental au niveau de l’établissement de l’État-nation moderne. 

Rappelons, dans ce contexte, qu’en 1958 Mahmoud El Messaadi, en tant que Secrétaire d’État à l’Éducation Nationale à l’époque, avait appliqué une réforme éducative énonçant la suspension de l’enseignement traditionnel et l’établissement d’un enseignement national, tunisien, unifié, moderne, gratuit et obligatoire pour les deux sexes à partir de 6 ans jusqu’à 12 ans. 

Finalement, il est peut-être important de mentionner qu’en dépassant le boycott comme moyen d’expression du refus ou de contestation et en passant directement à lancer des appels à interrompre la diffusion, il s’agit en toute clarté d’appels à la censure et d’une atteinte explicite à la liberté de création et d’exécution artistiques.  

Rym CHAABANI