Par Raouf khalsi 

Cette affaire Ghannouchi est désormais du ressort de la Justice. Et il n’y pas lieu de spéculer, ni de porter des jugements moraux. Et même si l’on cherche à s’en tenir aux faits, le fil ténu entre ce qui est révélé et ce qu’il ne l’est pas n’est pas vraiment palpable.

Ce qui est sûr, c’est que l’arrestation de Rached Ghannouchi, celles de deux autres caciques d’Ennahdha et celles qui l’ont précédée, sonnent le glas pour un mouvement né en 1981 sur la base de l’idéologie de Hassen Al Banna, et qui a opéré la plupart du temps dans la clandestinité, avant de verrouiller le pays depuis la révolution et jusqu’au 25 juillet 2021.

C’est peut-être la fin d’une course folle pour le remodelage de la société tunisienne vers un intégrisme récurrent, mais qui s’est habilement travesti dans les fastes absolument factices d’une démocratie de façade.

Durant toute une décennie, Ennahdha a été le maitre absolu du jeu politique. Et c’est cela l’islam politique : mainmise sur les leviers stratégiques de l’Etat, extrême habileté à jouer aux marionnettistes, ascendant sur Marzouki, puis le subterfuge de la « Taqia », pour ensuite condamner Béji Caïd Essebsi à une longue agonie politique. En toile de fond, une savante alchimie pour s’approprier la révolution, pour en spolier ceux qui l’ont faite (les jeunes réclamant le travail et la dignité), pour, enfin, l’exporter dans l’aveuglement d’un salafisme meurtrier.

Sans doute, cette réouverture des canaux diplomatiques avec la Syrie nous édifiera-t-elle sur la vérité des six mille Djihadistes tunisiens, endoctrinés et soumis à un méthodique lavage de cerveau, pour finalement s’engouffrer dans les tentacules sataniques de Daech.

Il y a tout de même à s’étonner de ce qu’une certaine « bienpensance », libéraux en perte d’audience et de partisans, s’acoquinent avec un mouvement qui leur voue une sainte horreur, et croient pouvoir organiser une véritable opposition contre Saied. L’opposition est légitime : c’est une vérité sacro-sainte. Mais qu’elle soit l’émanation d’une connexion gaucho-intégriste, c’est un peu le jour et la nuit.

Rached Ghannouchi a dit samedi que, sans l’islam politique et sans la gauche, le pays se retrouvera amputé de ses repères. Et ce fut la formule assassine : « guerre civile » !

Est-ce le véritable déclencheur de cette arrestation ? Le communiqué du ministère de l’Intérieur l’affirme. Mais il y a aussi ces affaires pour lesquelles le chef d’Ennahdha était régulièrement auditionné ces derniers temps.

Maintenant, il faudra peut-être s’attendre à ce que les cadavres dans les placards « parlent », enfin…