Courant mars de cette année, le ministère autrichien de l’Action climatique (BMK), et l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) ont organisé un atelier technique sur l’hydrogène vert et les impacts liés à l’eau.
Une sorte de continuité au projet : Hydrogène vert pour une croissance durable et une économie bas carbone en Tunisie.
L’hydrogène vert est de l’hydrogène (corps simple, gazeux, très léger, incolore, et inodore) produit à partir d’énergies renouvelables telles que l’énergie solaire, l’énergie éolienne ou encore l’hydroélectricité. Il est souvent présenté comme une alternative aux hydrocarbures fossiles, et comme un levier pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre de certains secteurs, comme l’industrie ou les transports.
30 % de l’électricité par des systèmes photovoltaïques
Chez nous, un projet a vu le jour en 2022 et s’étendra à 2025. Hydrogène vert pour une croissance durable et une économie bas carbone en Tunisie, tel est l’intitulé de ce projet mandaté par le ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement (BMZ), en partenariat avec notre ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, qui est le principal exécuteur.
Selon les décideurs, ce projet est parti du constat qu’avec d’importantes ressources solaires et éoliennes à sa disposition, notre pays dispose d’un grand potentiel de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables. Notre pays vise à produire 30 % de son électricité à partir de systèmes photovoltaïques et de centrales éoliennes à 2030.
D’après les experts, ce potentiel permettrait à notre pays de produire de l’hydrogène vert et des produits dérivés, dont le Power-to-X. Expliquons que Power-to-X désigne la possibilité de stocker l’électricité excédentaire en convertissant l’énergie électrique en gaz, en carburants synthétiques ou en solides. En cas de besoin, ces substances stockées peuvent ensuite être reconverties en énergie électrique et utilisées.
Il a été noté que malgré une volonté politique et le potentiel, notre pays n’était pas encore suffisamment préparée pour développer une économie de l’hydrogène.
Ce projet a été basé sur trois piliers : la promotion d’une stratégie nationale de l’hydrogène, avec la mise en place du cadre stratégique et réglementaire nécessaire et l’amélioration des conditions politiques d’une économie de l’hydrogène vert, l’optimisation des conditions d’investissement du secteur privé, le développement des capacités professionnelles des responsables politiques et scientifiques.
Le manque de coordination et d’aptitudes en barrières
Un peu dans la continuité de ce projet, en mars dernier, un atelier technique sur l’hydrogène vert et les impacts liés à l’eau a été co-organisé par l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) en coopération avec le ministère autrichien de l’action climatique (BMK) pour discuter de la collaboration et des projets futurs dans le domaine de l’hydrogène entre la Tunisie et l’Autriche. Il est à noter que plus de 80 parties prenantes tunisiennes et autrichiennes, avec 30 % de représentation féminine, se sont réunies dans pour cet atelier.
Suite aux discussions qui se sont tenues, il est ressorti qu’il était fondamental de prendre en considération et de comprendre comment l’hydrogène vert pouvait être intégré dans le portefeuille d’énergies renouvelables de notre pays et être déployé dans les industries. Il a, également, été noté que le développement du marché de l’hydrogène vert ouvrait de nouvelles opportunités. Cependant, pour réussir, les barrières commerciales existantes devaient être levées. Des barrières comme le manque de coordination (ce qui est vraiment une habitude chez nous et dans n’importe quel domaine), d’aptitudes et de compétences, de mécanismes de financement et d’investissement, de politiques et de réglementations.
La Tunisie, un potentiel de productrice et d’exportatrice
Pour l’ONUDI, la situation géographique stratégique de notre pays, et son vaste potentiel d’énergie renouvelable, entre autres, sont d’excellentes conditions pour qu’il devienne un producteur d’hydrogène vert, tant pour les marchés intérieurs qu’extérieurs.
Selon cette organisation, la production d’hydrogène vert peut contribuer à décarboner les filières métallurgiques, céramiques et verrières tunisiennes, et créer de nouvelles filières durables telles que les engrais à base d’ammoniac vert. Notre pays a, également, le potentiel de devenir un catalyseur pour répondre aux besoins en hydrogène de l’Europe centrale, y compris de l’Autriche dans les industries, les transports et l’énergie.
D’ailleurs, lors de cet atelier, il a été discuté du fait que le corridor gazier actuel entre l’Afrique du Nord et l’Europe du Sud pouvait être réaffecté au transport de grandes quantités d’hydrogène vert à prix compétitif de notre pays à travers l’Italie vers l’Europe centrale, y compris l’Autriche, en tirant parti des infrastructures gazières existantes.
Il est à signaler que l’Autriche est prête à investir dans des technologies de pointe et neutres pour le climat pour l’acier et les produits chimiques verts, et à minimiser leur empreinte carbone ; ce pays, comme d’autres en Europe, est doté d’un secteur industriel solide. De ce fait, l’Autriche est le principal donateur du programme mondial pour l’hydrogène dans l’industrie de l’ONUDI.
L’UE lorgne sur notre pays
Fin mars, un communiqué a été publié par notre ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie (dont, soit-dit en passant, le site web est en refonte depuis un certain temps). Ce communiqué faisait état que l’UE souhaitait renforcer la coopération bilatérale dans le domaine de l’hydrogène vert avec notre pays. Le Directeur Général pour le Voisinage et les Négociations d’Elargissement à la Commission européenne aurait déclaré que le partenariat avec la Tunisie est gagnant-gagnant pour les deux parties et que l’UE était prête à développer la coopération bilatérale dans le domaine de l’hydrogène vert avec notre pays.
De toute manière, dans la Stratégie de développement neutre en carbone et résilient aux changements climatiques à l’horizon 2050, document publié en octobre 2022, il a été indiqué que la Tunisie se propose de nouer des partenariats internationaux, en vue de se positionner sur les grandes recherches portant sur l’hydrogène ainsi que sur ses prolongements industriels, et ses articulations avec le renouvelable (hydrogène vert). La Tunisie porte un intérêt particulier sur le développement : de la production, du stockage, et de la distribution de l’hydrogène et notamment l’hydrogène vert…
Notons que notre pays accuse quand même un retard en ce qui concerne ce domaine. En effet, d’après l’Indice MENA de l’hydrogène vert de Fitch Solutions, publié le 6 février de cette année, notre pays a été classée 106e (rang mondial), et 13e de la zone MENA, soit à l’avant-dernière place…
Zouhour HARBAOUI