Intervenant récemment sur les ondes d’une radio privée, Naoufel Amira, président du Syndicat des propriétaires de pharmacies privées, a indiqué que la pénurie en médicaments avait débuté en 2018 et s’était compliquée en 2020. Il a expliqué que le manque était notable au niveau des médicaments importés de l’étranger. Naoufel Amira a considéré que le système des médicaments n’était plus efficace et que sa configuration a causé l’affaiblissement de la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT). Ceci a provoqué une pénurie au niveau de 250 à 300 médicaments, selon ses dires.
Par ailleurs, le président du syndicat des pharmaciens officinaux, a attiré l’attention, sur le marché parallèle et incontrôlé de médicaments qui est en train de se mettre en place, en Tunisie, devant le manque flagrant de produits sur le marché officiel. Il a expliqué que ce marché parallèle se base sur la vente des produits sur les réseaux sociaux, ainsi que leur importation à travers les passagers qui font les navettes vers les autres pays. Il a averti de la gravité de ces faits, car un marché pareil sera difficile à éliminer, plus tard.
Phénomène mondial
Le problème de pénurie des médicaments est désormais un problème mondial. Il n’est pas nouveau mais s’est aggravé avec les crises successives du Covid-19 et de la guerre en Ukraine. “D’après notre étude annuelle, la situation affecte tous les pays et tous les types de médicaments. […] Au cours des sept, huit dernières années, nous avons vu le problème empirer” a déclaré à Euronews Ilaria Passarani, secrétaire générale de l’association des pharmaciens de l’Union européenne. D’après Ilaria Passarani, il y a des raisons de fond, et d’autres plus circonstancielles. Les premières sont liées à la mondialisation de la fabrication de médicaments, phénomène qui s’est accentué ces dernières années avec pour conséquence un éclatement des différentes étapes de production dans de multiples sites à travers le monde. La Chine et l’Inde produisent ainsi entre 60% et 80% des principes actifs selon une étude de 2017.“La production de certains ingrédients est très concentrée. Ainsi, un problème avec un seul fabricant peut entraîner une pénurie dans le monde entier”, explique Ilaria Passarani. L’interconnexion fait qu’un problème au niveau de la chaîne de production entraîne beaucoup plus facilement des risques de rupture…
Autrement dit, les causes des pénuries en Tunisie, parfois dépassent le niveau des pharmacies et des acteurs de la santé. Ajoutant à cela, l’Indisponibilité des matières premières et les problèmes économiques rencontrés par la pharmacie centrale qui compliquent davantage la situation. Toutefois, quel que soit la cause, le phénomène des pénuries est devenu préoccupant. On craint de vivre une rupture générale où même ceux qui ont les moyens de se procurer des médicaments à des coûts très élevés seraient incapable de trouver le médicament qu’ils sont censés utiliser quotidiennement. Et là on parle des patients dont certains médicaments sont indispensables, notamment les médicaments anticancéreux.
Pas d’alternatives pour nombre de médicaments
En novembre 2022, l’association Attahaddi de lutte contre le cancer a lancé un cri de détresse quant à la non-disponibilité de plusieurs médicaments anticancéreux. Le président de l’association Nabil Fathallah avait déclaré que cette pénurie a causé la perte de certaines vies ainsi qu’une dégradation de l’état de santé et de l’état psychologique de plusieurs patients.
Naoufel Amira, avait précisé qu’une partie des médicaments avait été substituée par des génériques fabriqués en Tunisie. « Il n’y a pas d’alternatives à certains médicaments… La quête des médicaments est devenue un calvaire pour le malade… Les solutions sont difficiles à mettre en place et nécessitent un peu de temps… La cotisation de 6,75% au nom de l’assurance maladie sert à payer les pensions de retraite… Si ce prélèvement est directement effectué par la CNAM , la CNSS pourrait ne plus avoir les moyens de verser les pensions de retraite », a-t-il ajouté. Naoufel Amira a expliqué que les pharmacies fournissaient aux malades les médicaments génériques disponibles. Certains laboratoires pharmaceutiques, selon lui, ne répondent plus aux demandes des pharmaciens. Dans certains cas, les malades sont dans l’obligation de se réorienter vers le médecin traitant afin de changer de protocoles et de traitement. Naoufel Amira a conclu en disant « Il n’y a pas d’autres solutions… Nous avons choisi cette politique de monopolisation de l’importation de médicaments par l’État… La dette de la Pharmacie centrale s’élève à 800 millions de dinars », a-t-il rappelé.
Une solution à ce problème de pénurie doit être trouvée le plus tôt possible, sinon il serait impossible de contrôler la contre bande et le marché parallèle. Quand un patient se trouve dans le désespoir et a un besoin urgent d’un médicament, il s’en fout de sa provenance, ce qui compte pour lui est seulement la disponibilité du médicament. Avant de faire la guerre à la contrebande, il faudrait commencer par trouver des solutions à ce problème de pénurie.
Leila SELMI