Que ce soit dans la sphère estudiantine ou au niveau de l‘opinion publique, la question de la réforme du régime LMD ne cesse d’être soulevée lors des différentes protestations parmi les étudiants au sein des facultés et des instituts supérieurs. Les revendications sont unanimes et ce, depuis la Révolution de 2011, et portaient sur l’abolition du régime LMD qui, après une expérience de plus de vingt ans, n’a pas tenu ses promesses.
Rappelons que l’enseignement supérieur en Tunisie est conditionné par le système LMD, acronyme de Licence – Master – Doctorat, pour toutes les formations, à part les filières d’ingénierie, de médecine et d’architecture. Le système LMD a pour objectif d’instaurer un modèle de formation flexible et efficace, à caractère académique et appliqué et équivalent au niveau international. Cette réforme de l’enseignement supérieur en Tunisie vise la création d’une nouvelle génération de diplômés polyvalents qui s’adaptent à un contexte mondial en constante progression.
LMD, va-t-il changer ?
Le système LMD, entré en vigueur en Tunisie depuis 2006, a été copié directement du système français. Après plusieurs décennies, il semble que ce régime n’a pas fait ses preuves, quand bien même il serait censé valoriser les compétences des étudiants et les différents diplômes universitaires. A l’heure où plusieurs pays ont mis fin au régime LMD (comme le Maroc) pour le remplacer par un système anglo-saxon, jugé plus efficace, la Tunisie continue encore à appliquer un régime jugé « has been ». Cela fait des années que les ministres qui se sont succédé au département de l’enseignement supérieur, étant convaincus de la nécessité de porter de nouvelles réformes universitaires, se sont penchés sur la question de LMD, mais en vain !
La majorité des étudiants dénoncent tout d’abord le choix concernant l’adoption du régime LMD, qui est responsable à leurs yeux de la régression qualitative de l’enseignement supérieur dans les établissements publics. Ils appellent donc à l’abandon de ce système pour un régime d’études plus démocratique et qui préserve les intérêts de la patrie. Dans le détail, on revendique dans le cadre de ce système la reconnaissance aux étudiants licenciés ou maîtrisards du droit au passage automatique en première année de master. Les autres revendications portent sur la note préférentielle dans les unités transversales, la fréquence quotidienne des devoirs sur table, la prolongation de la période des révisions prévue avant les épreuves du contrôle continu et celles des examens semestriels, l’enrichissement, la mise à jour des programmes, la clarification des critères d’évaluation et la proposition de sujets en parfaite adéquation avec les cours dispensés. En effet, critiquée et décriée aussi bien par les étudiants que les professeurs universitaires, quant à son efficacité à long terme, le système LMD ne semble pas s’adapter à l’évolution des systèmes d’enseignement et d’apprentissage des compétences à l’échelle internationale. Bref, nous sommes en présence à un système de plus en plus défaillant qui ne répond plus aux exigences du marché d’emploi marquée d’une grande concurrence à l’échelle nationale et internationale, ce qui explique le taux élevé du chômage auprès des diplômés du supérieur. Voir un bon nombre de bacheliers quitter le pays pour aller poursuivre leurs études universitaires à l’étranger n’est-il pas la preuve que le système de l’enseignement supérieur est devenu obsolète et qu’il faut y remédier ? Espérons que les prochaines réformes du système éducatif se pencheront sur cette question pour mettre notre enseignement supérieur au diapason des normes internationales.
La nécessité de réviser le système de l’enseignement supérieur
L’appel récent du président de la République à l’organisation d’une consultation électronique nationale du système éducatif en Tunisie est une initiative qui vient à temps et qui doit tenir compte des anomalies et des dysfonctionnements du système actuel, concernant tous les niveaux de l’enseignement (primaire, collège, lycée, université). Cette consultation doit se baser d’abord sur l’identification des problèmes ayant abouti à une crise de l’enseignement qui sévit depuis des décennies dans nos établissements afin de formuler, dans un second temps, les solutions et proposer un projet de réforme qui puisse répondre aux exigences de l’ère moderne.
D’ailleurs, il existe de nombreux systèmes éducatifs performants dans le monde dont on peut s’inspirer. Selon les classements internationaux tels que l’Indice de développement de l’éducation (IDE) de l’UNESCO, les systèmes éducatifs les plus performants sont ceux de la Finlande, de la Suisse, de l’Estonie, de la Chine et de Singapour. Ces systèmes se distinguent par leur accent sur la qualité de l’enseignement, l’équité et la pertinence pour la vie professionnelle. Les étudiants ayant bénéficié d’un système éducatif performant comme celui des Pays mentionnés ci-dessus ont eu la chance d’être très bien formés sur le plan théorique et la maîtrise des langues notamment l’anglais et ont eu la possibilité de travailler dans des multinationales.
Il s’agit donc d’une refonte globale de l’éducation qui va du primaire vers le supérieur et qui nécessite la prise de conscience et la mobilisation des acteurs concernés (professeurs, pédagogues, sociologues, psychologues, techniciens, informaticiens…). Pour résoudre le problème de l’inadéquation du système, il faut revoir la valeur ajoutée de l’enseignement transmis. Un enseignement basé sur le développement de l’initiative, l’adaptation et la créativité ainsi que la capacité de dénouer les différents problèmes est à préconiser.
Hechmi KHALLADI