D’après les chiffres publiés par l’Agence Tunisienne de Coopération Technique (ATCT), le nombre de Tunisiens recrutés à l’étranger dans le cadre de la coopération technique a atteint 826 personnes soit une hausse de 6,6% par rapport à la même période de l’année 2022. Les recrutements en question touchent essentiellement les secteurs de santé avec 365 cadres médicaux et paramédicaux, représentant ainsi 14% du total des placements réalisés, suivi des secteurs de l’ingénierie avec 137 personnes recrutées, de l’informatique avec 66 personnes recrutées et de l’éducation avec 51 personnes recrutées. Selon la même source, les pays européens ont occupé la première position en matière de recrutement des compétences tunisiennes avec 372 personnes recrues, soit 45% du total des recrutements, suivis des pays arabes avec 228 personnes recrutées, puis des pays des continents africains et asiatiques avec 178 personnes recrutées et enfin des pays africains avec 24 recrutements. D’après l’ATCT, le Canada occupe la première place en matière de recrutement des compétences.
Le phénomène de la « fuite des cerveaux » est un problème constaté dans le monde entier : des travailleurs hautement qualifiés (chercheurs, ingénieurs, professionnels internationaux, etc.) migrent vers les pays développés, leur pays d’origine y perdant de l’une de ses ressources les plus rares, le « capital humain ». Cet exode des cerveaux conduit à une perte substantielle de talents pour les pays de départ et à un gain pour les pays d’arrivée. Selon l’OCDE la Tunisie était classée en 2020 au deuxième rang des pays arabes en matière de fuite des cerveaux, après la Syrie. Environ 8 200 cadres supérieurs, 2 300 ingénieurs, 2 300 enseignants-chercheurs, 1 000 médecins et pharmaciens, et 450 informaticiens ont quitté le pays en 2018, d’après l’Office des Tunisiens à l’étranger. Malheureusement, la situation économique et politique en Tunisie joue un rôle important dans cette tendance. Si le marché du travail en Tunisie est instable ou difficile, de nombreux Tunisiens peuvent chercher des opportunités à l’étranger pour améliorer leur situation financière et économique.
Selon l’OCDE, plus d’un million de personnes issues du continent africain et titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur quittent chaque année leur pays d’origine pour partir vers les pays du Nord, plus attractifs en matière de salaire et de niveau de vie. La mondialisation, la compétitivité du marché du travail, l’émergence de nouveaux métiers et technologies, ainsi que la mobilité internationale croissante des travailleurs qualifiés sont les parmi les premiers facteurs responsables de la hausse du nombre des Tunisiens recrutés à l’étranger. En outre, en analysant les raisons pour lesquelles les travailleurs partent à l’étranger, il ressort que les motifs financiers demeurent les plus importants. C’est pour cette raison que les entreprises doivent donc revoir leur politique de rémunération et accorder une variété d’avantages, comme les primes, les promotions, mais aussi la reconnaissance, en responsabilisant davantage leurs cadres. Elles doivent aussi accorder aux seniors, tout comme aux juniors, la possibilité de se former de manière continue, et de faciliter leur participation aux conférences et aux salons nationaux et internationaux de leur domaine d’activité.
En cette ère de crises successives, le phénomène de la fuite des cerveaux doit être pris en charge par les autorités tunisiennes afin d’éviter le départ ou au minimum le non-retour de ces personnes particulièrement compétentes. Le capital humain, élément- clé pour la prospérité économique du pays, doit être valorisé dès la formation, grâce à l’offre d’un climat favorable à l’enseignement et à l’amélioration de la qualité de la formation. Pour dissuader les personnes qualifiées de quitter leur pays, la Tunisie doit parvenir à créer des conditions pouvant contribuer à leur épanouissement et instaurer des mesures opérationnelles et concrètes de création de richesse et d’emploi, c’est-à-dire offrir des formes de reconnaissance aux plus méritants, assurer de meilleurs emplois et des salaires intéressants, davantage de perspectives et un niveau de vie plus élevé.
Leila SELMI