Les troubles psychologiques demeurent, malheureusement, un sujet tabou en Tunisie. Pour certains parents, il suffit d’acheter des jouets, de nourrir et de vêtir leur enfant, ainsi que de l’emmener dans des parcs d’attractions pour répondre à tous leurs besoins. Dès le premier jour d’école ou de jardin d’enfants, ils prodiguent des conseils à leurs enfants sur la façon de se comporter, d’écouter attentivement l’enseignant et de le respecter. Mais ont-ils déjà pensé que l’enfant pourrait rencontrer des problèmes sur son chemin, tels que l’intimidation et la violence ? L’enfant est un être doté de sentiments et d’une intelligence bien plus grande qu’on ne le croit ? Pourtant, de nombreux parents sous-estiment cette réalité. En réalité, les enfants sont conscients de tout ce qui se passe autour d’eux. Les chiffres alarmants relatifs au fléau du suicide chez les enfants en Tunisie sont la preuve qu’il est grand temps de prendre des mesures pour limiter cette tragédie
La ministre de la Famille, de la femme, de l’enfance et des séniors Amel Belhadj Moussa, a déclaré que les cas de suicide et de tentative de suicide chez les enfants sont en augmentation. Au cours des quatre premiers mois de cette année, 8 cas de suicide chez les enfants ont été enregistrés, avec une moyenne de 2 cas par mois, ainsi que 102 tentatives de suicide, avec une moyenne de 26 tentatives par mois au cours de la même période. Lors de l’ouverture du forum annuel des délégués de la protection de l’enfance à Hammamet, elle a ajouté que 80% des tentatives de suicide sont commises par des filles. La ministre a également déclaré qu’elle avait décidé de lancer une étude scientifique approfondie sur ce phénomène afin de comprendre les causes et de déterminer les politiques et les interventions préventives nécessaires dans ce domaine. Et d’ajouter que la culture de signalement des menaces à l’intérêt supérieur de l’enfant est en augmentation, et cela reflète la prise de conscience croissante des dangers qui menacent l’enfant et les efforts importants déployés par les délégués à la protection de l’enfance dans toute la République, en effet le nombre de signalements est passé de 17000 en 2000 à 22000 signalements annuellement en 2023 et de 5500 à 7 500 signalements au cours des quatre premiers mois des deux mêmes années.
Rappelons que La ministre de la Famille Moussa, a annoncé que les directions régionales de l’enfance relevant de son département avaient enregistré 17.069 signalements de cas de violence à l’égard d’enfants en 2021. A l’occasion de sa participation à une journée d’étude le 2 avril 2022, Amel Belhadj moussa a affirmé que 194 tentatives de suicide d’enfants ont été enregistrées durant l’année 2021
Facteurs
La tentative de suicide se définit comme tout acte délibéré, sans issue fatale, visant
à accomplir un geste de violence sur sa propre personne ou à ingérer une
substance toxique ou des médicaments à une dose supérieure à la dose
thérapeutique, selon l’OMS.
Ce n’est qu’à un stade ultime que l’enfant acquiert la notion de pouvoir se donner la mort. Les enfants développent une compréhension du suicide par 3 sources : les discussions avec les enfants plus âgés, par les adultes ou la télévision, et enfin par l’acte suicidaire d’un membre de l’entourage. En effet, certains auteurs soulignent l’influence majeure des comportements suicidaires d’un membre de l’entourage de l’enfant, d’autant plus que cette personne est investie affectivement par l’enfant. L’influence de la télévision, des médias, semble aussi jouer un rôle significatif chez les plus jeunes pour qui la distinction entre réalité et imaginaire n’est pas encore parfaitement établie, et qui entre en résonance avec la toute-puissance infantile. Les phénomènes de mimétisme, d’identification de la part de l’enfant, sont importants à prendre en compte, d’après l’étude « les tentatives de suicide chez les enfants de moins de 13 ans »
Le geste suicidaire viendrait alors révéler une dépressivité, et/ou une accumulation de stress vécue comme excessive. En effet, l’accumulation d’adversités durant l’enfance est fortement
corrélée aux tentatives de suicide durant l’enfance (4-12 ans) . Lorsqu’une pathologie est diagnostiquée, la dépression et les troubles du comportement (trouble des conduites/ trouble déficit de l’attention/hyperactivité) sont les diagnostics les plus fréquemment évoqués. L’existence de comorbidités constitue un facteur de risque supplémentaire, lit-on dans l’étude susmentionnée.
Selon la même source, les perturbations familiales sont des facteurs de risque fréquemment retrouvés. La dynamique personnelle semble souvent dépassée par la dynamique familiale. Les antécédents de pathologie psychiatrique des parents (dépression, tentative de suicide, suicide, trouble de la personnalité, alcoolisme…) ainsi que la perception par l’enfant d’un « support familial faible » sont des facteurs de risques importants chez l’enfant suicidant.
Les conduites suicidaires constituent une préoccupation majeure de santé publique et interrogent les cliniciens devant leur complexité et la diversité des facteurs de risque. Ainsi, la compréhension de ces facteurs permet de mieux cibler les actions de prévention. Le processus suicidaire est de déroulement rapide chez l’adolescent avec un caractère souvent impulsif. Pour ce qui est des conduites suicidaires chez l’enfant de moins de 13 ans, Brian Mishara souligne que même si la compréhension et la représentation de la mort n’est pas encore achevée, ceci n’empêche pas la survenue chez l’enfant d’un acte suicidaire avec l’intention de se donner la mort, d’après l’étude « profil épidémiologique et clinique des tentatives de suicide chez l’enfant et l’adolescent en Tunisie en post révolution ».
Ghada DHAOUADI