Le Festival international de Hammamet s’ouvre ce soir , par une pièce théâtrale « Prométhée » la tragédie d’Eschyle, une coproduction tuniso-italienne de Simone Mannino. L’acteur tunisien Jamel Madani qui joue dans le rôle de Prométhée a bien voulu se confier au Temps News.
Le Temps News: Pourquoi Prométhée à l’ouverture du festival de Hammamet?
Jamel Madani : Prométhée est le titan protecteur de la race humaine. Il s’oppose à Zeus en dérobant le feu du ciel pour en faire don aux Hommes. Prométhée incarne la désobéissance, la remise en cause de l’ordre établi et le rempart face à la parole des puissants. Prométhée est une voix de la contestation. Il pense que l’ordre hiérarchique implique toujours, pour ceux qui sont en bas, une situation douloureuse et vécue comme une injustice. Le monde connait des mutations profondes qui menacent l’homme dans son existence notamment les changements climatiques. La destruction de la nature menace l’Homme au moins autant que le changement climatique et mérite donc autant d’attention pour éviter des impacts dévastateurs. La dégradation de la nature a des conséquences sur la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau, la régulation du climat et la Méditerranée que nous partageons avec nos amis italiens risque de disparaitre et devenir un lieu désertique avec l’apparition de ce kangourou bleu. Le mythe de Prométhée est d’abord une invitation à comprendre le sens de l’engagement. Convaincu de la justesse de sa cause, Prométhée est prêt à subir le pire plutôt que de se soumettre à un ordre injuste
Donc c’est une alerte aux pays du Sud ?
Non, à tout le monde même les pays du Nord qui malgré leurs moyens de défense sont menacés. Un million d’espèces menacées d’extinction, des écosystèmes en lambeaux: la nature qui permet à l’humanité de vivre est condamnée à poursuivre son déclin si les hommes n’arrêtent pas de l’exploiter. Pouvons-nous nourrir le monde sans détruire la nature ni changer le climat ?Il y a des moyens pour que tout concorde, mais cela nécessite une véritable transformation. Nous ne pouvons pas continuer à faire comme nous le faisons aujourd’hui. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies et nos moyens de subsistance
Qu’est-ce qui vous a intéressée dans Prométhée ?
J’ai adoré le scénario, l’ambiance, le fait de participer à une création différente. C’est un autre théâtre. Dans la période où nous vivons, nous ressentons le besoin urgent d’un théâtre qui résonne. La longue habitude des spectacles de distraction nous a fait oublier l’idée d’un théâtre engagé et profond qui sort des sentiers battus. Cette coproduction tuniso-italienne que signe Simone Mannino , qui en revisitant un classique du théâtre, monte une pièce complètement reconstituée et résolument actuelle. Dans un registre tragique, il mêle les questionnements d’un texte philosophique à la rigueur d’une nouvelle esthétique dramatique pour dénoncer les politiques actuelles, bien loin de la surpuissance des dieux et des héros mythiques. … En transposant les caractéristiques de la dramaturgie antique, il brosse à grands traits le tableau de notre monde actuel avec ses problèmes liés à l’environnement et au cynisme du genre humain.
Propos recueillis par Kamel BOUAOUINA