Un voisin, un membre de la famille, un collègue ou peut-être même un ami proche… Nous avons tous connu quelqu’un confronté à des auditions pour chèques sans provision. Aujourd’hui, l’urgence de réviser l’article 411 du code de commerce se fait de plus en plus pressante, selon les experts. Plusieurs parties prenantes se sont exprimées sur cette thématique, notamment le président de la République, Kais Saied, qui avait souligné, en mai 2023, que « ce projet s’inscrit dans une perspective de conciliation entre les intérêts des créanciers et les droits des personnes impliquées dans des affaires de chèques sans provision. »
Pour leurs parts, les représentants du ministère de la Justice ont été invités à donner leur avis, le 12 juillet 2023 au palais de Bardo, sur une question fracassante tant pour le justiciable que pour le justicier, celle des chèques sans provision. Lors d’une réunion avec les membres de la commission de la législation générale dédiée à l’examen des dispositions du fameux article 411 du Code de commerce relatif aux dispositions relatives aux chèques sans provision, les experts du département de la justice ont avancé une série de propositions tendant à améliorer la rédaction et l’esprit des dispositions régissant la question des chèques sans provision, a rapporté l’agence TAP. Dans le même contexte, ils ont recommandé de favoriser la dépénalisation et de supprimer l’emprisonnement.
La sanction pécuniaire maintenue ..
Par ailleurs, ils ont maintenu la sanction pécuniaire et proposé la révision des procédures de règlement outre le plafonnement des chèques. Cités dans un communiqué de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), les experts ont souligné que leur département est conscient de la nécessité de réviser au plus vite les dispositions relatives aux chèques sans provision en raison de ses répercussions sur l’économie nationale et d’adopter une approche conforme à la législation nationale et aux engagements internationaux ratifiés par la Tunisie.
Et d’ajouter que les experts d’ajouter que la révision des dispositions liées aux chèques sans provision est une action qui s’inscrit dans le droit-fil d’une stratégie élaborée par le ministère pour faire évoluer le système législatif, notamment en ce qui concerne les aspects économiques et financiers, lit-on sur le site de l’agence TAP. Ils voient que le projet de révision devrait mettre l’accent en premier et dernier ressort sur le rôle de la justice économique contrairement aux approches adoptées par le passé, plutôt soucieuses de faire prévaloir la protection des droits et des libertés.
De leur côté, les membres de la commission de la législation générale ont saisi l’occasion pour prendre connaissance des statistiques et données relatives au nombre officiel de cas liés aux délits et infractions des chèques sans provision ainsi que du nombre de personnes arrêtées et condamnées. Ils ont mis l’accent sur la responsabilité qui revient aux banques dans ce domaine, dès lors qu’elles sont un partenaire incontournable.
Rappelons que la Commission de la législation générale avait eu l’occasion, il y a quelques semaines, d’auditionner des représentants de l’Ordre national des avocats, du Syndicat des magistrats tunisiens, du ministère des Finances, de la Banque centrale de Tunisie et de l’UTICA dans le cadre des concertations en vue d’une proposition de révision de l’article 411 du code de commerce sur les chèques sans provision.
Que stipule l’article 411?
A noter que selon l’article 411 du code de Commerce, est puni d’un emprisonnement pour une durée de cinq ans et d’une amende égale à quarante pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision à condition qu’elle ne soit pas inférieure à vingt pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision :
Celui qui a, soit émis un chèque sans provision préalable et disponible ou dont la provision est inférieure au montant du chèque, soit retiré après l’émission du chèque tout ou partie de la provision, soit fait opposition auprès du tiré de le payer en dehors des cas prévus à l’article 374 du présent code,- celui qui, en connaissance de cause, a accepté un chèque émis dans les conditions visées à l’alinéa précédent.
Celui qui a aidé sciemment, dans l’exercice de sa profession, le tireur du chèque, dans les cas visés à l’alinéa premier ci-dessus, à dissimuler l’infraction soit en s’abstenant de procéder aux mesures que la loi prescrit de prendre, soit en contrevenant aux règlements et obligations de la profession.
D’après le même article, est passible de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 12000 dinars sans qu’elle puisse être inférieure au montant du chèque ; celui qui a contrefait ou falsifié un chèque ou celui qui, en connaissance de cause, a accepté de recevoir un chèque contrefait ou falsifié.
Il est à mentionner que selon Khamis Ifa, le nombre des affaires liées à des chèques sans provision jusqu’à mars 2020 a atteint environ les 4 millions. Selon la même source, la valeur totale des chèques sans provision a atteint, durant les neuf premiers mois de l’année 2022, 2,2 millions de dinars.
Ghada DHAOUADI