Le mémorandum d’accord signé dimanche 16 juillet 2023 entre la Tunisie et l’Union Européenne porte sur un partenariat stratégique et global entre l’Etat tunisien et l’institution européenne. Signé en présence des chefs de gouvernement italien, Giorgia Meloni, et néerlandais, Mark Rutte, qui accompagnaient la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen après une première visite il y a un mois, ce mémorandum est basé sur les cinq piliers suivants : « Stabilité macroéconomique », « Économie et commerce », « Transition énergétique verte », « Rapprochement entre les peuples » et « Migration et mobilité ».  

« Nous sommes déterminés à concrétiser ce mémorandum dans les meilleurs délais », a affirmé le président Saïed lors du point de presse organisé, dimanche, en présence de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni et le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte. Saïed a ajouté que « l’identification de nouveaux cadres de coopération en dehors du système monétaire international établi après la deuxième guerre mondiale, figure parmi les défis auxquels font face les pays aujourd’hui ». « Ce système, qui a divisé le monde en deux, une moitié pour les riches et l’autre pour les pauvres, n’est plus valide sous la même forme et avec le même contenu », a-t-il encore dit. Saïed a précisé que « la Tunisie n’a pas de missiles intercontinentaux, mais elle a une souveraineté qui traverse les océans et les continents », ajoutant que le pays aspire à un nouvel avenir pour répondre aux ambitions de chacun ».

« Nous sommes prêts à mobiliser 100 millions d’euros pour approfondir le partenariat et la coopération dans les domaines de la recherche, du sauvetage, de la gestion des frontières, de la lutte contre le trafic de citoyens et de l’application de la loi », a indiqué pour sa part la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Elle souligné que ce partenariat est important et fructueux pour les peuples des deux rives de la Méditerranée. « Nous avons plus que jamais besoin d’une coopération plus effective pour frapper les réseaux criminels et les passeurs qui exploitent la misère humaine », a-t-elle notamment déclaré.

De son côté, la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni a qualifié le mémorandum d’entente « d’étape importante vers la mise en place d’un partenariat effectif entre la Tunisie et l’UE pour faire face de manière globale et intégrée à la crise migratoire en Méditerranéen « . « Ce mémorandum est l’aboutissement d’un grand travail diplomatique « , a-t-elle précisé. La responsable italienne a exprimé la disposition de son pays à « apporter un gros de soutien pour mettre en oeuvre le mémorandum ». Meloni a fait savoir que l’Italie accueillera, dimanche prochain, une réunion sur la migration et le développement avec la participation du président de la République, Kaïs Saïed et plusieurs présidents et chefs de gouvernements de pays africains.

Pour sa part, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a indiqué que la signature du mémorandum d’entente entre la Tunisie et la Commission européenne est un début prometteur pour un partenariat stratégique qui profitera à l’Union européenne et à la Tunisie. Il a estimé que la Tunisie est un partenaire important et qu’il existe plusieurs opportunités d’élargir la coopération bilatérale entre la Tunisie et les Pays-Bas surtout dans les domaines de l’énergie verte et de la transition numérique. Il a mis l’accent sur la volonté de son pays d’intensifier la coopération avec la Tunisie, notant que le ministre du commerce extérieur néerlandais se rendra en Tunisie en septembre 2023 et qu’une délégation économique visitera également la Tunisie pour discuter des perspectives d’investissement dans divers secteurs dont la gestion de l’eau, l’agriculture, l’environnement et les énergies renouvelables.

Abordant l’aspect de « la stabilité macro-économique », le premier pilier de l’accord met en lumière l’engagement de l’Union Européenne à « assister la Tunisie dans ses efforts consistant à dynamiser la croissance économique dans l’objectif d’asseoir un modèle de développement durable et non exclusif, et ce, à travers des politiques appropriées, incluant les réformes socio-économiques conçues par la Tunisie ». Il est noté, dans le même contexte, que la mise en œuvre de cette approche « sera discutée au cours du troisième trimestre de l’année 2023 ». 

S’agissant de l’axe de l’économie et commerce, le texte de l’accord indique que les parties signataires s’engagent à :

  • « s’employer à renforcer leur coopération économique et commerciale en vue de développer les échanges commerciaux des biens et services, tout en instaurant un climat des affaires favorable et attrayant », 
  •  « s’efforcer de mettre en œuvre des actions pour promouvoir et renforcer la modernisation du cadre des relations commerciales et d’investissement entre l’Union Européenne et la Tunisie afin d’améliorer les conditions d’accès au marché, et de recenser les possibilités d’investissements publics, de partenariats publics-privés et de projets privés, notamment dans le cadre du Fond européen de développement durable ( FEDD+ ) dans les domaines qui suivent : le développement de la compétitivité et du secteur privé,  la modernisation des circuits de distribution et la surveillance du marché, l’accès au financement,  l’eau et  l’agriculture durable, les technologies propres et \ ou dans le cadre d’une économie circulaire des énergies renouvelables, la préparation de la production d’hydrogène renouvelable », 
  • et s’évertuer à assurer « l’intégration dans des secteurs stratégiques des chaînes de valeurs de l’UE, dans les secteurs stratégiques à fort potentiel d’exportation ». 

Comprenant cinq points principaux relatifs aux questions suivantes « Agriculture », « Économie circulaire », « Transition numérique » et « Transport aérien », « Investissements »; ce deuxième axe précise que les parties :

  • « s’emploient à renforcer leur partenariat dans le domaine de la gestion durable de l’eau pour : garantir l’accès à une eau potable de qualité, œuvrer à une irrigation agricole soutenable et développer les infrastructures stratégiques de gestion et de transfert de l’eau », 
  • « s’efforcent de renforcer leur coopération dans la transition vers une économie circulaire à faible intensité de carbone et basée sur l’utilisation efficace des ressources, qui comprendrait, entre-autres, la gestion durable des déchets y compris au travers des partenariats publics-privés », 
  • « conviennent de coopérer dans le secteur numérique, en tirant profit de toutes les opportunités de coopération, y compris en matière de renforcement des capacités, coopération technologique, financement et projets communs », 
  • « s’efforcent d’évaluer les moyens d’accroître le trafic aérien à destination et en provenance de la Tunisie, tout en préservant la flexibilité de la Tunisie pour s’adapter à un marché de plus en plus compétitif », 
  • et « s’engagent à organiser conjointement un Forum  » UE – Tunisie  » sur les investissements dont les secteurs porteurs ciblés seront déterminés d’un commun accord, et ce, dans le cadre de la Conférence internationale sur l’investissement que la Tunisie envisage d’organiser ». 

Il est mentionné, à cet égard, que l’UE «  veillera à une participation active du milieu européen des affaires dans les travaux de cette conférence et à préparer en amont les activités et secteurs cibles à proposer aux investisseurs et prérequis pour faciliter la prise de décision d’investissement ». En ce qui concerne la transition numérique, il est indiqué, en outre, que « le projet du câble numérique sous-marin ( MEDUSA ) pourrait être une opportunité qui permettra à la Tunisie de bénéficier d’une connexion à haut débit » et que « d’autres opportunités pourraient être soutenues par des programmes sur mesure, compte tenu du rôle possible de la Tunisie en tant que plaque tournante pour fournir une connectivité internet à d’autres parties du continent africain ». 

Sur le plan de la transition énergétique verte, la Tunisie et l’Union Européenne s’emploient à « conclure un partenariat stratégique dans le domaine de l’énergie, renforçant ainsi la croissance verte et la création des emplois ». D’après les mots de cet accord, ce partenariat qualifié de « stratégique » contribuera à :  « renforcer la sécurité de l’approvisionnement énergétique » et à « fournir aux citoyens et aux entreprises une énergie à faible teneur en carbone à des prix compétitifs », et visera, d’autre part, à « renforcer l’infrastructure du réseau en Tunisie, y compris le réseau intelligent ». 

Quant à l’aspect « Migration et mobilité », les deux parties ont marqué leur « intention de développer une approche holistique de la migration » en convenant que la question migratoire « doit être appréhendée sous le nexus migration \ développement permettant de faire valoir les avantages de la migration dans le développement social et économique, le rapprochement entre les peuples, et de remédier aux causes profondes de la migration irrégulière ». Les deux parties ont également souligné que « la lutte contre la migration irrégulière afin d’éviter les pertes de vies humaines » et « le développement des voies légales pour la migration » font partie de leurs priorités communes. 

Pour sa part, la Tunisie a réitéré sa position de « ne pas être un pays d’installation de migrants en situation irrégulière » et a aussi réaffirmé sa position de « ne garder que sa propre frontière ». 

« ..  À cet égard, les deux parties conviennent de favoriser un développement durable dans les zones défavorisées à fort potentiel migratoire en soutenant l’autonomisation et employabilité des tunisiens en situation de vulnérabilité notamment par l’appui à la formation professionnelle, à l’emploi et à l’initiative privée … Les deux parties conviennent de soutenir davantage le retour et la réadmission depuis l’UE des nationaux tunisiens en situation irrégulière, dans le respect du droit international, de leur dignité et des droits acquis … Cette approche sera basée sur le respect des droits humains et comprenant la lutte contre les réseaux criminels de passeurs de migrants et de trafiquants d’êtres humains, dans le cadre du partenariat opérationnel renforcé contre le trafic des migrants et la traite des êtres humains ( annoncé en avril 2023 et dont le contenu est en course de discussion ), gestion efficace des frontières, le développement d’un système d’identification et de retour des migrants irréguliers déjà présents en Tunisie vers leurs pays d’origine …  », lit-on notamment dans le mémorandum d’accord récemment signé entre la Tunisie et l’Union Européenne. 

En revanche, l’Union Européenne s’est engagée à s’efforcer à « fournir un appui financier additionnel adéquat notamment pour les acquisitions, la formation et le soutien technique nécessaires pour améliorer davantage la gestion des frontières tunisiennes » et de « prendre les mesures adéquates pour faciliter la mobilité légale entre les deux parties, y compris à travers la facilitation d’octroi des visas par la réduction des délais, des coûts et des procédures administratives ».

 

Rym CHAABANI