Le président nigérien, Mohamed Bazoum, au pouvoir depuis 2021 et dernier allié des Occidentaux dans le Sahel, a été renversé mercredi 26 juillet par des putschistes. Le sort du chef de l’État, retenu depuis mercredi dans sa résidence par la garde présidentielle, restait incertain jeudi. Dans la nuit du 26 au 27 juillet 2023, des militaires ont annoncé, dans un message diffusé sur la télévision nationale, avoir pris le pouvoir. Dans cette allocution, les putschistes ont annoncé la suspension des institutions et la fermeture des frontières du pays. Ils justifient leur coup d’État par « la dégradation continue de la situation sécuritaire ».
Au terme d’une journée confuse, marquée par d’apparentes négociations avortées entre le président Bazoum et les putschistes, et les multiples appels de la communauté internationale au respect des institutions, un groupe de militaires, emmené par le colonel-major Amadou Abdramane, s’est présenté mercredi 26 juillet au soir devant les caméras de la télévision nationale. « Nous, forces de défense et de sécurité (FDS), réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez », a déclaré M. Abdramane. « Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale », a-t-il ajouté.
Parmi les personnes présentes durant cette allocution, il y a d’abord le colonel-major Amadou Abdramane, officier de l’armée de l’air, qui a lu l’allocution sur Télé Sahel, rapporte RFI. À ses côtés, le général Mohamed Toumba, chef d’état-major adjoint de l’armée de terre. Parmi les putschistes, on trouve également le colonel-major Abdoulkarim Hima, haut-commandant en second de la gendarmerie, le colonel Sidi Mohamed des sapeurs-pompiers, Assahaba Ebankawel, directeur général adjoint de la police, et le colonel Ahmad Sidien, commandant en second de la garde nationale du Niger. Tous les corps des hommes en uniformes semblent donc représentés. Et le ralliement du chef d’état-major général des armées, le général Abdou Sidikou Issa, est évidemment une prise de poids pour les putschistes.
Selon la BBC, les putschistes ont « dissous la Constitution, suspendu les institutions, fermé les frontières du pays » et décrété un couvre-feu national. Ils ont également assuré qu’ils respecteraient « les engagements souscrits par le Niger » à l’international, ainsi que « l’intégrité physique et morale des autorités déchues ». CNN rapporte, de son côté, que « des centaines de manifestants » s’étaient rassemblés à Niamey dans la journée pour défendre la démocratie et apporter leur soutien au président Bazoum, avant d’être dispersés par des tirs de sommation par la garde présidentielle à leur arrivée devant le palais présidentiel. Mais « jusqu’à 400 d’entre eux » étaient encore dans les rues dans la soirée de mercredi, “certains brandissant des photos de Bazoum et des pancartes où l’on pouvait lire : ‘Non à la déstabilisation des institutions de la république’ », ajoute la chaîne américaine.
« La partie est donc terminée » pour le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum, soupire le journal burkinabé Wakat Séra. « Le Niger renoue-t-il avec la tradition des coups d’État ? Le pays en est à son cinquième putsch militaire depuis son indépendance, en 1960. » Le quotidien burkinabè souligne en outre que le coup de force « intervient au moment où le Niger, comme d’autres pays du Sahel et de la sous-région, fait face à des attaques terroristes qui endeuillent, constamment, les forces de défense et de sécurité et les populations civiles ».
Après le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Tchad et le Soudan, le Niger passe donc à sous tour sous la coupe des militaires, au grand dam des Occidentaux. Le Niger est en effet « le dernier grand allié de l’Occident dans une région troublée, traversée par les principales routes migratoires vers l’Europe, et marquée par la violence terroriste, la pauvreté et le changement climatique », observe le journal espagnol El País. Le Niger est en outre « le pays qui accueille l’essentiel des soldats de l’opération militaire française Barkhane, depuis son expulsion du Mali par la junte militaire », ajoute le quotidien madrilène. La ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna, a condamné mercredi « toute tentative de prise de pouvoir par la force » au Niger, rapportent pour leur part des médias français.
Les États-Unis, qui ont exigé que « les membres de la garde présidentielle libèrent le président Bazoum et s’abstiennent de toute violence », et rappelé que le Niger était « un partenaire crucial » de Washington, ont également tout à craindre de ce nouveau putsch au Sahel, analyse le correspondant à Washington d’Al-Jazeera, notant que les Américains « ont deux bases de drones » et 800 soldats au Niger. Mais surtout, le pays est « le dernier allié américain dans cette région particulière du monde. Les gouvernements du Mali voisin et du Burkina Faso ont été renversés par des coups d’État militaires », ont « expulsé les soldats français qui s’y trouvaient » et se sont tournés vers « les forces soutenues par la Russie pour se protéger » – le groupe Wagner, en l’occurrence. « Cela pourrait bien être la prochaine étape » au Niger, augure-t-il.
(avec agences et médias)