Alors que le pays lutte contre une crise économique aigue et fait face à des problèmes sociaux complexes, une pénurie des médicaments bat son plein, entraînant une véritable explosion du commerce pharmaceutique sur le marché parallèle. Ce marché informel des médicaments couvre l’ensemble des échanges non contrôlés, depuis le marché noir jusqu’aux transactions sur internet. Cet inquiétant essor du marché irrégulier est encore aiguillonné par une constante dévaluation du dinar tunisien qui menace la stabilité du secteur pharmaceutique.
En effet, la dévaluation du dinar, est l’un des principaux facteurs responsables de la pénurie des médicaments et de déséquilibre financier de la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT) , outre entre autres, le déficit des caisses sociales (CNAM et CNSS) qui empêche les remboursements desquels dépend la PCT, selon l’Observatoire Tunisien de l’Economie.
Dans une note publiée le 26 juillet 2023, intitulée, « La pénurie de médicaments est une crise aggravée par la dévaluation du dinar et la dépendance du secteur pharmaceutique tunisien aux importations », l’ OTE a souligné que la dévaluation du dinar a fait augmenter le montant que la PCT doit payer pour acheter les mêmes médicaments à l’étranger alors qu’elle continue de les vendre aux mêmes prix qu’avant, pour garantir l’accessibilité financière aux médicaments, a rapporté l’agence TAP.
Selon la même source, près de 46% des besoins nationaux en médicaments sont couverts par les importations, ce qui accroît le coût de cette dévaluation. Dans ce sens, la production locale de médicaments contribue à plus de 18% des besoins nationaux, avec des recettes s’élevant à 332,8 millions de dinars, en 2022, selon directeur général du Centre de Promotion des Exportations de la Tunisie (CEPEX).
Une perte de 62% sur le résultat net de la Pharmacie centrale
La dévaluation du dinar a donc causé une perte de 62% sur le résultat net de la PCT de l’année 2018 par rapport à l’année 2017, passant de 144,8 millions de dinars à -234,6 millions de dinars. Et d’ajouter que « l’inefficacité » tant décriée de la PCT n’est pas directement due au mécanisme de compensation, dont l’impact social est indéniablement positif, mais au phénomène en amont de la compensation, celui de la forte dévaluation du dinar depuis 2016, qui a affecté négativement la capacité de la PCT à garantir l’approvisionnement en médicaments sur le territoire tunisien.
D’autre part, la dévaluation a aussi directement impacté les filières locales de production des médicaments , la plupart des machines et des matières premières utilisées pour produire des médicaments génériques étant importées de l’étranger en devises.
A noter qu’une stabilisation du taux de change et des financements publics dans la santé et les caisses de sécurité sociale pourraient permettre de rétablir l’équilibre au sein du secteur pharmaceutique à court ou moyen terme. A plus long terme, la fin des pénuries dépend aussi d’alternatives qui réduiraient la dépendance du secteur aux importations en appuyant les filières de production locale.
« La pénurie de plusieurs médicaments a conduit à l’éclosion du marché noir »
Depuis des mois, des experts lancent des sonnettes d’alarmes. Rappelons que le président du Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie, Naoufel Amira, avait indiqué, dans une déclaration accordée à « Mosaïque FM » le jeudi 20 juillet, que la pénurie de plusieurs médicaments a conduit à l’éclosion du marché noir.
D’après Amira, la vente des médicaments sur les réseaux sociaux connaît une hausse considérable et que l’Etat est appelé à lutter contre ce phénomène. Il a ajouté que les produits vendus illicitement sont généralement contrefaits et représentent un danger pour les consommateurs. Il a ajouté que le syndicat a intenté un procès contre des plateformes de vente électronique qui commercialisent des produits en Inde et au Bangladesh.
Le président du Syndicat a mis en garde contre la détérioration de la situation financière de la Pharmacie centrale, estimant que cela risque de causer l’effondrement du secteur pharmaceutique.
Ghada DHAOUADI