Entre Tabarka et Bizerte, la Côte Bleue est appréciée pour la grande beauté de ses plages. Les falaises s’y succèdent le long d’un sentier du littoral aménagé pour les escapades nature. En chemin, vous pourrez faire une halte à Bizerte, Ghar Melh, Rafraf pour y déguster des spécialités de poissons. Incontournable aussi, Bizerte, surnommée « la Venise méditerranéenne ». Elle envoûte aussi par la beauté de son arrière-pays. L’authenticité et art de vivre caractérisent ce territoire aux multiples facettes, qui a su se réinventer au fil des siècles pour devenir également une destination touristique.
Le tourisme balnéaire n’a pas disparu. Il est encore très actif, avec une clientèle avide d’un soleil qu’elle n’est pas certaine d’avoir dans d’autres contrées. Le tourisme nautique complète et transforme le tourisme balnéaire classique. Le littoral bizertin est devenu aussi une destination de plaisance. Mais d’autres formes de tourisme se sont diffusées au cours des vingt dernières années : une profusion de festivals et de grands événements internationaux, une gastronomie gorgée de soleil, les régates, le tourisme vert, le tourisme alternatif …la tendance annuelle du secteur, orientée à la hausse, se confirme. Sans surprise, les plages et le littoral bizertin tirent la demande .En août, mois qui marque, comme chaque année, la pointe de fréquentation estivale, l’hôtellerie de ville affiche un bon taux d’occupation. Une tendance qui devrait se confirmer pour septembre et octobre puisque les hôtels sont d’ores et déjà en mesure d’afficher un gain de fréquentation de 2 points par rapport à l’année dernière.
Mondher Bayram, hôtelier à Bizerte et propriétaire de l’Hôtel Le Corniche, a construit une culture d’entreprise qui repose sur la notion de service, et il partage avec son équipe la passion et la fierté du «bien recevoir». Il affirme que, pour faire ce métier, il faut aimer faire plaisir. Économiste, industriel et aussi agriculteur, Mondher est bien décidé à rester en contact avec le monde du business et notamment le tourisme . Dans cet entretien, il dévoile les atouts touristiques de Bizerte, ses défis et ses limites
Le Temps News : L’activité touristique a repris au grand bonheur des professionnels, mais aussi des touristes. Quelle en-est votre évaluation ?
Mondher Bayram : Le Gouvernorat de Bizerte, avec ses 200 Km de côtes ,ses innombrables atouts naturels, son histoire, son patrimoine est une région magnifique qui a le potentiel pour se positionner comme une destination touristique internationale à part entière.
Du soleil, un cadre de vie agréable, une terre de tourisme. Bizerte qui a tous les atouts touristiques a vu défiler toutes les cultures et les civilisations.
Ville méditerranéenne et marine par excellence, elle bordée et pénétrée de toutes parts par la mer, les canaux et les lacs .Bizerte dispose d’un littoral riche et varié, falaises et criques au nord, corniches à l’Est et plages de sables, bordées de forêts de pins, au sud. Elle est connue par sa Corniche, ses grottes, sa forêt du Nadhor, son Vieux Port, la Médina, le quartier des Andalous sans oublier son arrière pays le Cap Blanc, le Ghar el Melh, Sidi Ali Mekki, Rafraf, Cap Angela (ou Ras Angela) le point le plus au nord du continent africain. Bizerte est entourée par la mer Elle comprend un port de plaisance, un port de pêche et un important port de commerce. Elle a son charme surtout sur le plan architectural.
C’est la plus française des villes tunisiennes. Bizerte compte environ 1% de la capacité d’hébergement touristique nationale. C’est insignifiant par rapport aux autres destinations comme Hammamet et Sousse. Le tourisme a enregistré une « vraie reprise » à Bizerte durant les sept premiers mois de 2023. On est loin des chiffres de 2019, année de référence pour le tourisme tunisien. Par nationalité, ce sont les touristes français qui ont séjourné le plus avec, suivis des Italiens ,des Algériens et des Allemands. Quant au tourisme intérieur, il ne cesse de se développer dans la zone touristique de Bizerte
Pourquoi Bizerte n’attire pas les investisseurs ?
Il fallait attendre un déclencheur, un déclic pour donner le signal de la relance touristique de Bizerte. En effet, afin de réveiller « ce géant endormi », et le mener à bon port, il faudrait un plan d’investissement. Soit le temps d’une génération, car une destination touristique se construit ou se reconstruit dans la durée. Pour booster le tourisme dans la région il faut une volonté politique. Il faudrait un code d’investissement propre à Bizerte . Il faudrait une vision, des idées novatrices, des moyens colossaux. Seule condition sine qua none pour booster le tourisme dans la région. On ne peut pas continuer à travailler avec 7 à 8 hôtels . Les touristes sont pourtant de plus en plus nombreux à choisir Bizerte comme destination pour leurs vacances. Les responsables de notre région ainsi que le ministère de tutelle doivent mettre à profit les atouts de la région et lancer des projets touristiques nouveaux. Il existe des sites magnifiques, mais qui doivent être aménagés et développés pour attirer les investisseurs.
Pensez qu’il faut remettre en question le modèle du tourisme à Bizerte ?
Le tourisme de masse avait baissé de façon insupportable la qualité de la visite des sites. C’était bondé partout. Il faut récupérer ce concept de la qualité de la visite, qui sera peut-être même une découverte pour certaines personnes. Plusieurs voyageurs ne voudront pas revenir au système précédent où ils étaient une sorte de mouton transporté dans des bus, dans des musées affolés.Pour augmenter la qualité de la visite, il faut être créatif et développer le tourisme à thèmes .Il est temps de changer de cap et de diversifier l’offre et proposer des activités touristiques en dehors des périodes de pointe, telles que des événements culturels, des festivals, des excursions, des circuits touristiques ou des activités sportives. De cette manière, il est possible d’attirer des voyageurs pendant la basse saison. Il faut en effet explorer d’autres créneaux. Et la région n’en manque pas. Je cite à titre d’exemple le tourisme de randonnées, les festivals, la plaisance, l’agrotourisme. Il faut aussi explorer de nouveaux marchés touristiques en ciblant des voyageurs qui ne sont pas limités par les contraintes saisonnières.
Beaucoup de particuliers ont installé des maisons d’hôtes. Y êtes-vous favorable ?
Depuis quelques années, cette alternative à l’hôtellerie traditionnelle gagne du terrain au point qu’aujourd’hui Bizerte en compte une bonne centaine dont certaines offrent une prestation qualitative. Ce type d’hébergement intéressait essentiellement les touristes, à la recherche d’une interaction avec la population locale et désireux de découvrir les traditions bizertines.
Comment réinventer le tourisme à Bizerte ?
Il faudrait réinventer le tourisme à Bizerte , une destination qui pourra se rattraper par de nouvelles formes touristiques. Plus de nature, plus d’écologie, plus de sensation, plus de virtuel et plus culturel . Contraint par les crises écologique, énergétique, économique et sanitaire, le tourisme n’a pas d’autre choix que de se réinventer. Il n’y a pas que le balnéaire. Il faut en effet explorer d’autres créneaux et d’autres thèmes . Et la région de Bizerte n’en manque pas .Il faudrait réfléchir sur le tourisme de demain, à condition de ne pas se contenter de discours, ou de recettes d’antan, mais de changer vraiment de cap. Il est donc évident que le tourisme doit se réinventer en privilégiant des formes plus douces, plus écologiques, plus humaines. Réinventer dans le tourisme consiste à mettre le tourisme le plus souvent avec les habitants, des lieux . On parle alors de « touristification du quotidien » On ne peut pas booster l’hôtellerie avec seulement 4 restaurants ou développer la plaisance sans centres de shopping.
Quels sont les défis majeurs qui se posent à une entreprise d’hôtellerie comme la vôtre?
Le premier défi c’est l’entretien de l’établissement. La propreté visuelle est garante de l’image de marque d’un hôtel. Le second défi est la maîtrise des coûts, dans lesquels les frais de personnel représentent la plus grande part, tout de suite suivis par les achats alimentaires et de boissons surtout avec l’inflation et la hausse des prix. Enfin, le recrutement de personnel qualifié représente aussi un défi permanent. Nous devons aller chercher les candidats .Les difficultés de recrutement que nous rencontrons dans la profession sont liées à plusieurs facteurs : les jeunes générations veulent travailler à Hammamet et Sousse. Il y a une grande mobilité des jeunes qui veulent multiplier les expériences pour consolider leur CV. Cela ajoute une difficulté de plus pour fidéliser les bons éléments. Ceci dit nous misons de plus en plus sur la qualité et là s’inscrit notre projet de reconversion de notre hôtel de 3 à 5 étoiles ainsi que l’édification d’un complexe immobilier.
Kamel BOUAOUINA