Les chefs d’état-major de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest ont reporté une réunion clé prévue samedi 12 août sur le déploiement d’une force d’intervention au Niger. Cette réunion, initialement prévue samedi à Accra, a été repoussée sine die pour « des raisons techniques », selon des sources militaires régionales. Tandis que des manifestants se rassemblaient devant la base française à Niamey, les forces armées du Mali, soutien de la junte, s’en sont pris aux groupes Touaregs avec le soutien de Wagner.

Les chefs d’état-major de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) devaient faire part à leurs dirigeants « des meilleures options » pour donner suite à leur décision d’activer et de déployer sa « force en attente ». Cette réunion devait se tenir deux jours après un sommet de la Cedeao à Abuja qui a autorisé une possible intervention militaire pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. Le calendrier et les modalités d’une éventuelle intervention militaire ouest-africaine n’ont pas été dévoilés. Mais selon le président ivoirien Alassane Ouattara, dont le pays contribuera à cette force, elle devrait pouvoir intervenir « dans les plus brefs délais ». « L’option militaire envisagée sérieusement par la Cedeao n’est pas une guerre contre le Niger et son peuple, mais une opération de police contre le preneur d’otages et ses complices », a réagi samedi le ministre des Affaires étrangères nigérien, Hassoumi Massaoudou, sur X (ex-Twitter).

Parallèlement, un rassemblement près de la base française à Niamey a réuni vendredi des milliers de partisans des militaires ayant pris le pouvoir. « A bas la France, à bas la Cedeao », ont scandé les manifestants dans le calme. Ils ont brandi des drapeaux russes et nigériens et crié leur soutien aux militaires au pouvoir, en particulier à leur chef, le général Abdourahamane Tiani. Les militaires nigériens ont pris la France, ex-puissance coloniale, pour cible privilégiée, l’accusant d’être à l’origine de la décision de la Cedeao. La France, alliée du Niger avant le coup d’Etat et soutien indéfectible du président renversé, y compte quelque 1.500 hommes engagés avec l’armée nigérienne dans la lutte contre les groupes djihadistes au Sahel.

Chez le voisin malien, l’ex-rébellion touareg du nord a affirmé avoir été attaquée vendredi par l’armée et le groupe paramilitaire russe Wagner, en pleine montée des tensions avec la junte qu’elle accuse de remettre en cause l’accord de paix de 2015. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) est une alliance de groupes indépendantistes et autonomistes à dominante touareg entrés en rébellion contre l’Etat malien dans le nord en 2012. Elle est l’une des parties à l’accord de paix d’Alger, signé en 2015 avec le gouvernement malien.

Jeudi, l’ex-rébellion touareg avait annoncé le départ de Bamako de tous ses représentants pour des raisons de « sécurité », creusant encore davantage le fossé avec la junte au pouvoir au Mali depuis 2020. L’insoumission dans le nord est un sujet majeur d’irritation pour la junte. Celle-ci fait de la souveraineté son mantra depuis qu’elle a pris la tête du pays, rompu l’alliance avec la France et ses partenaires contre le jihadisme, pour se tourner militairement et politiquement vers la Russie.

Plus de deux semaines après le coup d’Etat qui l’a renversé le 26 juillet, les inquiétudes s’accentuent pour le président Mohamed Bazoum, retenu prisonnier avec sa femme et son fils, dans des conditions « inhumaines », selon l’ONU. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken s’est dit « consterné » vendredi par le refus des militaires de libérer, « en signe de bonne volonté », la famille de M. Bazoum. Selon un des proches de M. Bazoum, les nouveaux maîtres de Niamey ont brandi « la menace » de s’en prendre à lui si une intervention armée avait lieu. « L’intervention va être risquée, il en est conscient, il considère qu’il faut un retour à l’ordre constitutionnel, avec ou sans lui », car « l’état de droit est plus important que sa personne », a assuré à l’AFP un de ses conseillers.

A Abuja, la Cedeao a toutefois réaffirmé son espoir d’une résolution par la voie diplomatique : le président du Nigeria Bola Tinubu, qui assure la présidence tournante de l’organisation, a dit espérer « parvenir à une résolution pacifique », un recours à la force n’étant envisagé qu’en « dernier ressort ». Les décisions de la Cedeao ont reçu le « plein soutien » de la France, ainsi que des Etats-Unis. Ces deux pays avaient fait du Niger un pivot de leur dispositif dans la lutte contre les djihadistes armés qui sèment la mort dans un Sahel déstabilisé. La menace d’intervention avait été brandie une première fois le 30 juillet par les dirigeants ouest-africains qui avaient lancé un ultimatum de sept jours aux militaires de Niamey pour rétablir le président Bazoum, sous peine d’utiliser « la force », non suivi d’effet.

Depuis, les militaires nigériens se sont montrés intransigeants. Ils ont refusé mardi d’accueillir une délégation conjointe de la Cedeao, de l’Union africaine (UA) et de l’ONU. Ils ont également annoncé la formation d’un nouveau gouvernement dirigé par un Premier ministre civil, qui s’est pour la première fois réuni vendredi. Le Mali et le Burkina Faso voisins, eux aussi dirigés par des militaires, ont affiché leur solidarité avec Niamey. Selon un conseiller de la présidence malienne sous couvert d’anonymat, l’un des hommes forts du régime nigérien, le général Salifou Mody, nouveau ministre de la Défense, a effectué une courte visite au Mali vendredi.

(avec agences et médias)