Le substitut du procureur de la République et porte-parole du Tribunal de première instance de Kasserine, Riadh Nouioui annonçait, vendredi 11 août 2023 l’arrestation de six suspects pour trafic d’organes, placés actuellement en garde à vue. Cela montre bien que le trafic d’organes se pratique encore chez nous. Heureusement que parfois, dans le cadre d’une investigation sur un réseau de traite d’êtres humains et de trafic d’organes, ces malfaiteurs tombent dans le piège. Le trafic d’organes humains, quoiqu’interdit par la loi, est pratiqué un peu partout dans le monde par des réseaux clandestins très bien organisés. Selon les estimations de l’OMS, 10 000 transplantations illicites d’organes humains sont effectuées chaque année. Le commerce de trafic d’organes humains génère ainsi plus d’un milliard d’euros de profits par an.
Ces réseaux jouent généralement le rôle d’intermédiaire entre des clients d’une classe aisée qui ont besoin d’une greffe d’organe et les éventuels donneurs à qui on achète ou on vole l’organe demandé. Pour arriver à leur fin, ces réseaux tombent sur des individus, souvent dans des familles défavorisées, qu’ils essayent d’arnaquer, moyennant une somme d’argent. Et pour éviter les poursuites judiciaires, ces trafiquants d’organes prétendent le consentement du donneur. La Tunisie n’est pas épargnée, bien que la loi tunisienne interdise formellement de procéder à un prélèvement moyennant une contrepartie pécuniaire ou toute autre forme de transaction. Si de tels réseaux n’existent pas en grand nombre chez nous ou s’ils exercent par personnes interposées, notre pays sert pourtant aux trafiquants internationaux d’un marché pourvoyeur d’organes où les trafiquants cherchent leurs proies. Comme ce réseau de trafic d’organes très actif entre la Turquie et la Tunisie qu’on avait démantelé il y a quelques années.
Un commerce prospère
Le trafic d’organes est un commerce illégal où l’organe est considéré comme une marchandise qu’ils vendent aux plus offrants parmi les gens riches en quête d’un organe. Ces réseaux criminels exploitent la pénurie d’organes grandissante face à une demande toujours plus importante et développent le trafic, en proposant des greffes à des prix très élevés. Ainsi, les hommes riches et puissants, devant la liste d’attente trop longue du don d’organes, doivent débourser une somme très importante d’argent à ses réseaux clandestins en vue d’obtenir un organe.
Ce trafic illégal exercé par des réseaux mafieux et criminels, va pourtant à l’encontre de la loi relative au don d’organes qui, lui, est autorisé dans plusieurs pays du monde, la Tunisie entre autres, et qui repose sur le principe de la gratuité du don et du consentement du donneur. Mais, c’est l’ignorance, la mentalité et la réticence des gens envers cette loi qui incite à la prolifération de ces réseaux, étant donné que certains citoyens tunisiens ignorent que le don d’organes est légal et gratuit ; peu de gens connaissent l’utilité de la greffe d’organes. Pas mal de gens ne savent pas dans quelles conditions se fait un don d’organe, ignorant ainsi ce que c’est qu’une mort cérébrale et que l’organe à transplanter ne peut être prélevé que d’un donneur en état de mort et pas encore vivant.
Pour une meilleure sensibilisation
Bon nombre de citoyens ignore même l’existence la loi n° 91-22 du 25 mars 1991 qui régit le prélèvement et l’implantation des organes. C’est que cette question n’a pas fait vraiment l’objet d’une véritable sensibilisation auprès de la population. Là-dessus l’information demeure insuffisante ! C’est pourquoi, ces réseaux internationaux trouvent facilement des « recrutés » prêts à donner l’un des organes de leur corps contre une somme d’argent, exploitant leur misère et leurs conditions de vie lamentables. On croit savoir que les opérations de prélèvement d’organes humains sont toutes effectuées dans des cliniques privées en Turquie et que le prix d’un rein s’élève à 15 000 dollars.
La technologie moderne, notamment les réseaux sociaux, a permis à ces trafiquants d’organes de mieux mener leurs opérations à travers le monde en concluant leurs marchés sans être repérés par la police, sachant que ce genre de transaction est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 20 ans avec de lourdes amendes. On raconte qu’en 2020, un citoyen tunisien a vendu son rein en Turquie après avoir été contacté via les réseaux sociaux. L’homme a été victime d’un réseau de trafic d’organes humains actif en Turquie qui dirige des gangs dans un certain nombre de pays. De même l’exemple de cet habitant de Zaghouan est encore en mémoire : ce citoyen tunisien originaire d’une région rurale a avoué aux autorités avoir vendu un rein en contrepartie de 16 000 dollars dans un pays étranger. Le récent démantèlement d’un réseau de trafiquants a mis au jour la gravité d’un fléau qui commence à s’étendre chez nous et qui appelle d’urgence à la plus grande vigilance de la part des autorités. Avec l’arrestation récente des six suspects à Kasserine, peut-on dire que le trafic d’organes en Tunisie est encore sous contrôle !
Hechmi KHALLADI