D’après l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), le nombre de francophones dans le monde en 2022 était estimé à 321 millions, soit 21 millions de plus qu’en 2018, faisant du français la cinquième langue la plus parlée après l’anglais, le chinois, l’hindi et l’espagnol. Une cartographie publiée par l’OIF, montre qu’en Tunisie, 52% de la population est francophone. La Tunisie devance ainsi plusieurs pays africains comme le Maroc, 36%, l’Algérie 33% et le Sénégal 26%.
Cependant, la Tunisie est largement dépassée par des pays africains francophones comme notamment Maurice 73% et le Gabon 65%. Louise Mushikiwabo SG de l’OIF avait fait part de la volonté des 88 pays du bloc francophone de peser davantage dans le règlement des crises, notamment en Afrique, lors du dernier sommet de la Francophonie, en Tunisie en novembre dernier. Elle avait alors déclaré : « Nous sommes en route vers une francophonie de l’avenir, modernisée, beaucoup plus pertinente ».
Une certaine empreinte
La Tunisie a une histoire coloniale française qui a laissé une empreinte significative sur le pays, y compris sur la langue et la culture. De plus, le français est souvent associé à des domaines tels que l’éducation, les affaires et l’administration, ce qui peut inciter certaines personnes à vouloir améliorer leur maîtrise de cette langue pour obtenir de meilleures opportunités. Cependant, cela peut aussi entraîner des préoccupations quant à la préservation de la langue maternelle et de la culture tunisiennes. La langue maternelle est souvent un élément central de l’identité culturelle et peut jouer un rôle important dans la préservation des traditions, des valeurs et des liens sociaux. La situation peut varier d’une personne à l’autre et d’une génération à l’autre. Certains peuvent choisir d’apprendre et de parler davantage le français en raison de ses avantages pratiques, tandis que d’autres peuvent être plus attachés à leur langue maternelle et à leur identité culturelle.
Les avantages pour un pays, que ses citoyens soient bilingues, ou même multilingues, sont nombreux et variés, tant sur le plan économique que culturel. Être bilingue ou trilingue facilite la communication avec les partenaires commerciaux internationaux, ce qui peut renforcer les relations commerciales et attirer des investissements étrangers. De plus, les visiteurs apprécient les destinations où ils peuvent communiquer facilement. Être en mesure d’accueillir les touristes dans leur propre langue peut stimuler l’industrie touristique. Et puis, les entreprises d’un pays multilingue peuvent accéder à un plus grand nombre de marchés et de consommateurs. Quant aux entreprises étrangères, elles peuvent être plus enclines à investir dans un pays où elles peuvent communiquer facilement avec la main-d’œuvre et les partenaires locaux. Cela augmente leur compétitivité sur la scène internationale. La capacité de communiquer avec d’autres pays dans leurs langues respectives facilite la coopération dans des domaines tels que la recherche scientifique, la diplomatie et les initiatives humanitaires. Plus encore, les citoyens multilingues ont plus de facilité à voyager, étudier ou travailler à l’étranger, ce qui peut élargir leurs horizons et leurs opportunités. Les pays qui encouragent l’apprentissage et l’utilisation de plusieurs langues peuvent projeter une image de modernité, d’ouverture d’esprit et d’accessibilité à l’échelle internationale. D’ailleurs, dans un environnement bilingue ou trilingue, les établissements d’enseignement peuvent proposer des programmes d’éducation de haute qualité dans plusieurs langues, offrant ainsi aux étudiants plus de choix et d’opportunités. Promouvoir un bilinguisme ou un trilinguisme équilibré peut contribuer à préserver les langues et cultures locales, tout en permettant aux citoyens de participer pleinement à l’économie mondiale.
Cependant, en Tunisie, on remarque de plus en plus, surtout dans la région du Grand Tunis, que les citoyens utilisent de plus en plus le français, au point d’oublier leur langue maternelle. Il est important de maitriser plusieurs langues. C’est même très enrichissant, mais non au point de parler seulement la langue étrangère. Combien d’exemples de famille tunisiennes, dont les enfants ne parlent pas un seul mot en arabe. C’est juste honteux ! même dans les pays étrangers, bien que certains citoyens soient multilingues, cela n’empêche que leur langue maternelle soit toujours prioritaire. Par exemple, c’est rare de voir un Français, qui est né et qui vit en France, et qui a des parents français, parler une langue étrangère et ne pas parler le français. Mais en Tunisie, c’est malheureusement le cas de plusieurs familles. S’agit-il d’un complexe d’infériorité ? d’une crise identitaire ? ou seulement de l’ignorance ?! Le pire est que l’on ose, en plus, critiquer ceux qui ne maitrisent pas le français ou ceux qui ne le parle pas. Sommes-nous vraiment obligés de maitriser le français ? Pourquoi pas l’anglais dans ce cas, ou l’espagnol ?
Perte d’identité ?
Aujourd’hui même certaines enseignes de commerces, bien que ce soit interdit par la loi, sont écrites seulement en français. C’est devenu limite un complexe pour une majorité de Tunisiens de parler uniquement le français et oublier leur langue maternelle. D’ailleurs, renier sa langue natale et ne parler qu’une langue étrangère peut avoir plusieurs inconvénients, tant sur le plan individuel que culturel. Notamment la perte d’identité culturelle. La langue maternelle est souvent profondément liée à l’identité culturelle d’une personne. En abandonnant cette langue au profit d’une autre, on risque de perdre des liens avec ses racines culturelles, traditions, histoires et valeurs. La langue maternelle peut être le moyen de transmettre des histoires familiales, des traditions et des valeurs aux générations futures. En la négligeant, on peut compromettre la transmission de cet héritage. Renier sa langue maternelle peut signifier renoncer à une partie de son identité. Les Tunisiens qui ont un problème avec la langue arabe, doivent se rappeler que le fait de parler, par choix, seulement une langue étrangère, ne fera pas d’eux des gens différents.
Il est important de trouver un équilibre entre l’apprentissage et l’utilisation de langues étrangères pour les avantages qu’elles offrent, tout en préservant sa langue maternelle pour les liens culturels et familiaux qu’elle représente. Parler sa langue maternelle et la maitriser est un atout. Aujourd’hui, comme l’a dit un jour le président de la République, Kais Saied : « Commettre des erreurs en langue arabe est devenu un fait habituel alors que celui qui commet une erreur dans une langue étrangère est considéré, par ceux-là, comme un inculte ». « Nous sommes attachés à la langue arabe mais restons ouverts aux autres langues, sans complexes et sans fioritures ».
Leila SELMI