L’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap) a tiré, hier, la sonnette d’alarme sur une nouvelle pénurie de lait qui commencerait à partir de septembre prochain. Un nouveau casse-tête pour les citoyens déjà confrontés à des pénuries de nombreuses denrées alimentaires, comme le sucre blanc, le café, le riz, le beurre, et même les boissons gazeuses et l’eau minérale en bouteille.
Les grosses tensions attendues sur le marché du lait pourraient être similaires, voire plus prononcées que celles enregistrées durant la période allant de l’automne 2022 au printemps 2023.
Les pénuries de cet aliment indispensable pour les enfants en bas âge ont en effet un caractère saisonnier.
« Des tensions devraient être enregistrées à partir du mois de septembre qui coïncidera avec le début du repos biologique des vaches laitières. La production devrait ainsi baisser de 200 à 300 mille litres par jour », explique Naceur Amdouni, membre du Bureau exécutif de l’UTAP.
Le marché tunisien absorbe 2 millions de litres quotidiennement en automne, en hiver et au printemps contre 2,2 millions de tonnes en été, en raison de la hausse de la fréquentation touristique. Ces besoins sont majoritairement couverts par la production nationale. Mais les pénuries récurrentes sont le symptôme d’une filière laitière à bout de souffle. Le secteur est mal en point depuis des années à cause de la hausse du prix mondial de l’alimentation animale, à base de maïs et de soja importés. Cette augmentation atteint de 30 % à 40 % par an du fait de la guerre en Ukraine.
Les difficultés sont accentuées par la sécheresse qui sévit depuis plusieurs années et compromet la céréaliculture et les autres cultures fourragères, avec des barrages remplis au maximum à 30%.
Par ailleurs, une partie de la production laitière est acheminée via des circuits parallèles vers la Libye voisine. Les experts estiment cependant que ce marché noir ne représente désormais que moins de 5% de la production nationale.
Des éleveurs contraints de se séparer d’une partie de leur cheptel
Face à la hausse des prix des fourrages, les éleveurs se trouvent obligés de se séparant d’une partie de leurs bêtes pour limiter la casse. La vente d’une partie de cheptel à des bouchers locaux ou à des éleveurs algériens constitue une solution pour adapter le stock de fourrage au nombre de vaches.
Selon l’Utap, les troupeaux tunisiens se sont réduits de 18 % durant l’été 2023 comparativement à la même période de 2022.
Les professionnels du secteur estiment aujourd’hui que l’Etat, qui avait soutenu énergiquement l’émergence d’une filière lait nationale après l’indépendance, doit désormais reprendre l’initiative pour éviter un effondrement total de la filière laitière.
Jusqu’ici, l’Etat a pris deux mesures qui se sont avérées insuffisantes pour sauver la filière. Il s’agit en premier lieu de la levée des taxes sur l’importation de lait en poudre instaurée par la loi de finances 2023, au risque de concurrencer la production locale, et de l’augmentation des prix du lait à la production de 200 millimes, à 1340 millimes le litre, décidée en mars dernier par le ministère de l’Agriculture, de la pêche et des ressources hydriques.
L’Utap a cependant réclamé en mai dernier une nouvelle augmentation de pas moins de 500 millimes du prix à la production, afin que les éleveurs ne vendent plus le lait à perte et ne se trouvent plus obligés de réduire leur cheptel d’une année à l’autre.
Le syndicat agricole plaide également pour l’utilisation des eaux traitées pour l’irrigation des cultures fourragères et limiter l’envolée des prix des divers produits d’alimentation animale durant les prochaines années.
Walid KHEFIFI