Le conseil de la Choura du mouvement islamiste a approuvé, lors de sa réunion tenue le week-end dernier, la tenue du 11ème congrès du parti en octobre prochain, à l’issue de divergences profondes entre une aile réformiste et une autre plus conservatrice.
Le premier camp a plaidé pour le report de la tenue de ce congrès en signe de solidarité avec les dirigeants du parti incarcérés, dont son président Rached Ghannouchi, alors que l’autre sensibilité a estimé que seul un congrès permettrait au mouvement de faire peau neuve indépendamment de l’éviction ou du maintien de sa direction actuelle.
« La plupart des bases du parti sont contre la tenue du 11ème congrès et considèrent que cela représenterait une trahison envers les dirigeants qui croupissent en prison. Mais une autre partie de militants estimé que le congrès doit se tenir dans les plus brefs délais et pourrait consacrer le maintien des dirigeants actuels », a souligné conseiller du président du mouvement Ennahdha Rached Ghannouchi, Belgacem Hassen, indiquant que le deuxième camp a finalement obtenu gain de cause après le passage au vote.
Grand perdant de la nouvelle séquence politique intense qui se joue en Tunisie depuis le 25 juillet 2021, le mouvement Ennahdha vit depuis plus de deux ans au rythme d’une lutte larvée entre une aile réformiste qui tente d’imposer un renouvellement du leadership du parti et de rompre avec les errements de la décennie 2012-2021 durant laquelle le parti était la pièce maîtresse de toutes les coalitions parlementaires ayant soutenu une dizaine de gouvernements éphémères, et une vieille garde attachée à ses privilèges qui plaide pour le maintien des leaders historiques, dont son inamovible président Rached Ghannouchi, l’ancien Chef du gouvernement Ali Laârayedh et l’ancien ministre de la Justice Noureddine B’hiri.
L’ancien membre du Bureau politique du mouvement, Radwan Masmoudi, avait d’ailleurs estimé, fin août dernier, que le congrès ne doit être tenu qu’après la libération de ces trois dirigeants historiques.
« Nous considérons toute tentative d’organiser le congrès dans ces circonstances comme une tentative de putsch contre la direction légitime et contre la ligne révolutionnaire et anti-putschiste au sein du mouvement », a-t-il martelé en réponse à un communiqué signé par le président par intérim du parti, Mondher Lounissi, soulignant la nécessité de tenir un congrès dans les plus brefs délais pour « exprimer une volonté de renouveler l’offre politique et présenter le futur programme national du mouvement ».
Radwan Masmoudi appartient à l’aile conservatrice conduite par Mouadh, le fils de Rached Ghannouchi, et son gendre Rafik Abdessalem.
A vrai dire, la guerre de succession fait rage au sein du mouvement Ennahdha ne date pas d’hier. En septembre 2020, cent dirigeants de premier plan du parti avaient déjà signé une pétition appelant Rached Ghannouchi à ne pas briguer à nouveau la présidence après avoir constaté « une érosion du réservoir électoral » de la formation.
« Nous appelons Rached Ghannouchi à annoncer solennellement son intention de ne pas briguer à nouveau la présidence du mouvement lors du 11è congrès et à s’engager à ne pas amender l’article 31 des statuts du mouvement », ont écrit les signataires de la pétition parmi lesquels figurent Samir Dilou, Fethi Ayadi, Imed Hammami ; Abdellatif Mekki, Abdelmajid Najjar, Monia Brahim et Noureddine Arbaoui.
« La prolongation du mandat de Ghannouchi à la tête du parti anéantira la crédibilité et le capital moral du mouvement. Le tripatouillage d’une Constitution ou d’un règlement pour permettre aux présidents et aux dirigeants de se maintenir au pouvoir n’est exercé que par des autocrates autoritaires. L’alternance à la tête du parti renforce, quant à elle, la crédibilité du président du parti », ont-ils ajouté dans ce document intitulé « L’Avenir d’Ennahdha entre les risques de la prolongation du mandat (de Ghannouchi) et les opportunités d’alternance ».
Walid KHEFIFI