L’île italienne de Lampedusa, qui s’est déclarée en état d’urgence, s’efforçait jeudi de faire face à un afflux de migrants en provenance d’Afrique du Nord, après avoir accueilli plus de 7.000 personnes en 48 heures, soit l’équivalent de la population locale. Les images de l’arrivée de milliers de migrants à Lampedusa ont provoqué une onde de choc en Europe. Tour d’horizon.

A Lampedusa, le centre d’accueil prévu pour héberger moins de 400 personnes est débordé, avec des hommes, des femmes et des enfants contraints de dormir dehors sur des lits de fortune en plastique, beaucoup enveloppés dans des couvertures de survie. Sur les quelque 7.000 arrivées, plus de 5.000 personnes ont débarqué mardi sur les côtes italiennes, presque exclusivement à Lampedusa et près de 3.000 mercredi, selon le ministère italien de l’Intérieur. Un « record absolu », selon Matteo Villa, du centre de réflexion ISPI.

En France, Gérald Darmanin a ainsi décidé de convoquer une réunion, vendredi après-midi, sur la « situation migratoire » sur cette petite île italienne qui fait face ces derniers jours à des arrivées record de migrants par la Méditerranée. Cette réunion organisée par le ministre de l’Intérieur doit se tenir avec les « services concernés » de la police, de la gendarmerie et de l’immigration, ainsi que les préfets des Bouches-du-Rhône, des Hautes-Alpes et des Alpes-Maritimes, ces deux derniers départements étant frontaliers de l’Italie, a-t-on précisé. Lors d’un déplacement à Menton (Alpes-Maritimes) mardi, Gérald Darmanin avait annoncé des renforts dans la lutte contre l’immigration irrégulière à la frontière italienne, où la France constate « une augmentation de 100 % des flux », avait-il dit.

Le ministère français de l’Intérieur n’a pas indiqué, à ce stade, si la France pouvait s’aligner sur la décision de l’Allemagne, qui a annoncé mercredi suspendre l’accueil volontaire de demandeurs d’asile en provenance d’Italie. Le ministre de l’Intérieur va d’ailleurs échanger avec ses homologues allemands et italiens. En effet, le chancelier Olaf Scholz et la Première ministre Giorgia Meloni se lancent dans un bras de fer au sujet de la crise migratoire. L’Allemagne a annoncé mercredi suspendre l’accueil volontaire de demandeurs d’asile en provenance d’Italie, prévu par les accords européens, en raison d’une « forte pression migratoire » et du refus de Rome d’appliquer ces mêmes accords. Le gouvernement allemand a informé Rome de sa décision « fin août », a déclaré un porte-parole du ministère de l’Intérieur.

Cette suspension « jusqu’à nouvel ordre » concerne le « mécanisme volontaire de solidarité européen » qui organise une relocalisation des demandeurs d’asile à partir du pays d’arrivée dans l’UE vers d’autres Etats membres volontaires, afin de soulager des Etats comme l’Italie et la Grèce, qui sont des portes d’entrée vers l’Europe. Berlin explique cette décision par « la forte pression migratoire actuelle vers l’Allemagne » ainsi que par « la suspension persistante des transferts de Dublin par certains Etats membres », dont l’Italie, qui « renforce les défis majeurs pour l’Allemagne en termes de capacités d’accueil et d’hébergement ». Le règlement de Dublin, très controversé parmi les Vingt-sept, prévoit que le pays d’arrivée d’un migrant dans l’UE traite sa demande d’asile.

Or, a écrit le journal allemand Die Welt, le gouvernement italien de Giorgia Meloni ne reprend plus les demandeurs d’asile que veulent lui transférer d’autres pays, ayant fait savoir en décembre 2022 à ses partenaires que l’Italie n’avait plus les capacités d’accueil suffisantes. « Sur plus de 12.400 demandes de prise en charge faites à l’Italie cette année jusqu’à fin août, dix transferts ont été réalisés jusqu’à présent », a confirmé Maximilian Kall, le porte-parole du ministère de l’Intérieur.

Giorgia Meloni, dont le parti Fratelli d’Italia a remporté les élections législatives il y a un an sur la promesse de mettre un terme à l’immigration massive, a assuré mercredi qu’elle n’était pas surprise par la décision de Berlin. « Le problème de la relocalisation est secondaire », a-t-elle martelé. « La question (…) est d’arrêter les arrivées en Italie. Je ne vois toujours pas de réponses concrètes ». Durant l’entretien, elle a également réitéré son appel à davantage d’aide de l’UE, ajoutant : « Nos sites d’accueil (des migrants) sont pleins ».

Dans le cadre du mécanisme volontaire de relocalisation, l’Allemagne a jusqu’à présent accepté le transfert de 1.700 demandeurs d’asile arrivés dans le sud de l’Europe, sur les 3.500 personnes qu’elle s’est engagée à accueillir. Le sujet y devient aussi très sensible, sur fond de montée en puissance de l’extrême droite dans les sondages et de hausse de l’immigration clandestine depuis plusieurs mois.

(avec agences et médias)