Par Raouf KHALSI

Toute généralisation est abusive, dit-on. Il y a, en effet, des hommes d’affaires et des « hommes de mauvaises affaires », pour emprunter la formule d’Alan Greenspan, le mythique patron de la FED. Chez nous, de quel côté penche la balance ?

On en aura encore pour longtemps avec les interconnexions (légales ou douteuses) entre le Capital et les banques. Kais Saied met le doigt sur la plaie lors de la visite inopinée à la BNA. Il s’attaque, en l’occurrence, à tout un système. Dans cette mêlée, il faudra aussi dégager le bon grain de l’ivraie. Lorsqu’il s’agit de banques d’Etat, il est vrai que ce sont les deniers publics qui sont en équation. Saied a sorti des dossiers précis. Les enquêtes officielles en détermineront les contenus réels. Il ne faut pas oublier non plus que toutes les écritures n’échappent pas à la CTAF, ni à la Cour des comptes et encore moins à la Banque centrale qui fait aujourd’hui l’objet de spéculations tournant autour de deux concepts : « autonomie » ou « indépendance » ? Dans les hautes sphères financières, on prête au président l’intention d’annexer la BCT dans le vaste champ de ses propres prérogatives. Encore des spéculations…

Sans doute, sommes-nous aujourd’hui dans un contexte où l’opération « mani puliti » prime. Saied a rué dans les brancards en voyant que la Commission de réconciliation pénale traîne la jambe. C’est que le fameux rapports d’Abdelfattah Amor s’est perdu dans les nuées des exaltations révolutionnaires et est passé de mains en mains à travers les gouvernements, tous fondés sur l’implacable logique cacique, durant une décennie désastreuse pour l’économie nationale. Les pratiques bancaires occultes y ont gagné en intensité. Parce qu’il ne faut pas oublier le scandale (étouffé dans l’œuf) des dettes bancaires carbonisées des temps du régime déchu.

L’ennui, c’est que cette opération « mani puliti » est en train de se faire de manière dispersée, alors que le pays passe de pénurie en pénurie et que les barons de la contrebande donnent l’impression de narguer le régime. Plus on en attrape, et plus ils prospèrent. La crise du pain, les céréales, Saied continue, dans une vision autocentrée, de croire que ce n’est pas exclusivement dû à l’Ukraine.

Et, alors, la solution ? Continuer le combat contre l’affamement du peuple : c’est l’impératif vital. Mais, en même temps, éviter de diaboliser les hommes d’affaires honnêtes. Parce qu’on connaît les réflexes épidermiques des banques. Pour peu qu’un scandale éclate, les banques coupent les vannes. Et c’est mauvais pour l’investissement, la circulation des capitaux, pour l’emploi et pour la croissance.