Dans un contexte marqué par les frustrations liées aux pratiques politiques ayant traversé la tumultueuse décennie noire, l’une des questions qui persiste dans les esprits est celle des recrutements au sein de la fonction publique. Comment sont-ils réellement effectués ? Ont-ils contribué à l’amélioration des secteurs publics ou, au contraire, ont-ils ouvert la porte à des pratiques de corruption ? Ce sont des interrogations que les observateurs tentent d’élucider, mais aussi des questions qui animent les conversations du citoyen lambda. Que ce soit dans les cafés, les transports en commun, les trajets en taxi, les débats sur les forums, ou même sur les réseaux sociaux, les recrutements dans la fonction publique sont au cœur des préoccupations de la société.
Le décret présidentiel numéro 591 de 2023 relatif à l’audit général des opérations d’intégration et de recrutement dans la fonction publique, les instances publiques, les établissements publics, les entreprises
publiques, les sociétés à participation publique et toutes autres structures publiques, réalisées à compter du 14 janvier 2011 jusqu’au 25 juillet 2021, a été émis le 21 septembre 2023. Dans le même contexte, le ministre Rabie Majidi a récemment émis une série de directives importantes. Ces directives s’appliquent aux directeurs généraux des établissements publics ainsi qu’aux directeurs généraux des institutions publiques relevant du ministère.
Mesures strictes
La première mesure consiste à réaliser un inventaire exhaustif de toutes les compétitions qui ont eu lieu entre le 14 janvier 2011 et le 25 juillet 2021. Il est également demandé de fournir des copies papier et électroniques de tous les documents associés à ces compétitions, y compris les décisions de création des comités, les procédures, les délibérations, les procès-verbaux et toutes les pièces liées à ces processus.
La deuxième mesure requiert l’établissement d’une liste nominative des recrutements réalisés au cours de la même période. Cette liste doit contenir des informations complètes sur les agents recrutés, telles que leur identifiant unique, leur nom complet, leur numéro de carte d’identité, la date de leur recrutement, le poste pour lequel ils ont été embauchés, ainsi que la structure administrative responsable de leur nomination.
La troisième mesure concerne l’établissement d’une liste nominative des agents qui ont été intégrés dans les institutions et les entreprises placées sous la supervision du ministère. Il est également nécessaire de fournir des copies papier et électroniques des décisions d’intégration, ainsi que les dossiers complets des agents concernés.
La quatrième mesure stipule que toutes ces informations doivent être transmises à la Direction Générale de la Stratégie et des Institutions Publiques, relevant de la Secrétairerie générale du ministère, sous forme de copies papier et électroniques.
Sécuriser les locaux d’archives des documents et des dossiers administratifs sous la responsabilité directe des directeurs des institutions et des entreprises concernées figure, également, parmi les mesures.
Ces mesures s’inscrivent dans le cadre de la facilitation du travail des comités de vérification pour mener à bien les opérations mentionnées dans le premier chapitre du décret présidentiel, lit-on dans un communiqué publié par le ministère de Transport.
Télégramme du ministère de l’Intérieur
Pour sa part, le ministre de l’Intérieur a émis un télégramme en date du 23 septembre 2023 à destination de l’ensemble des entités relevant du ministère de l’Intérieur.
Ce télégramme impose plusieurs mesures notamment : sécuriser les archives liées aux agents concernés et désigner un responsable chargé de leur conservation, élaborer des listes nominatives des agents soumis à cette mesure et fournir une copie (en format papier et électronique) de ces listes aux services de la secrétairerie générale du ministère, incluant toutes les informations pertinentes telles que le nom complet, l’identifiant unique, le numéro de carte d’identité nationale, la date de recrutement, le grade et le lieu d’affectation, préparer les dossiers des agents et les sécuriser sous la responsabilité des chefs de structures et des départements concernés en vue de leur transmission lorsque requis par les comités de vérification établis à cet effet, lit-on dans un communique rendu public par le ministère.
Cette vérification englobe divers recrutements et intégrations réalisés au cours de la période spécifiée et concerne les agents relevant du ministère de l’Intérieur et des collectivités locales, y compris les conseils régionaux et municipaux, ainsi que les institutions publiques et les entreprises à participation publique, conformément aux dispositions du premier chapitre du décret mentionné.
Que stipule la loi ?
La « purge » dans l’administration publique concerne, par ailleurs, des opérations d’audit général des différents recrutement et opérations d’intégration réalisées depuis le 14 janvier 2011 jusqu’au 25 juillet 2021 dans les structures suivantes : la présidence du Gouvernement et les structures placées sous sa tutelle ; les ministères et les structures placées sous sa tutelle ; les collectivités locales ; les établissements publics et les entreprises publiques ; les instances publiques ; la Banque centrale de Tunisie ; les banques publiques, les banques et les établissements financiers à participation publique ; les sociétés à participation publique et l’Assemblée des représentants du peuple, lit-on dans le premier article du décret présidentiel numéro 591 de 2023.
Selon le 5ème article, chaque comité d’audit est chargé de vérifier le respect des conditions de recrutement et d’intégration et leur compatibilité à la législation en vigueur. Chaque comité d’audit est chargé, notamment, de vérifier l’authenticité des diplômes.
Les administrations et structures intéressées procèdent au retrait des décisions d’intégration ou de recrutement qu’il s’est avéré qu’elles n’ont pas respecté les conditions et procédures définies par les textes législatifs et réglementaires qui leur sont applicables, ou qu’elles ont été prises sur la base de faux diplômes, ou non conformes aux conditions d’intégration ou de recrutement, et ce, sans préjudice des poursuites
pénales à cet effet, d’après le septième article.
Ghada DHAOUADI