Par Hédi CHERIF (sociologue)

 Je suis profondément troublé par le soutien unilatéral que les pays occidentaux – Canada, USA, France, etc – apportent à Israël. Et cela, au nom du droit d’Israël de se défendre, un droit auquel je souscris pleinement. Je reconnais par ailleurs que les attaques menées par des guerriers du Hamas contre des civils sans défense – entre autres des enfants et des personnes âgées – se doivent d’être condamnées. Les affrontements d’aujourd’hui qui risquent de dégénérer gravement pour les deux partis en présence ne peuvent être compris que si nous les situons dans un contexte beaucoup plus large dans lequel deux peuples luttent pour leurs droits. Le risque est grand de voir la présente situation dégénérer gravement pour les deux partis en présence et plus largement encore.

Dans le cas présent tout comme ce fut généralement le cas dans le passé, la position du Canada et des autres pays occidentaux représente un parti pris qui ne me semble pas prendre en compte l’impact destructeur des 15 ans de blocus qu’Israël fait subir à Gaza qui est devenu une prison à ciel ouvert pour plus de 2 millions de personnes. Je me demande comment il se fait que les leaders de nos pays  – et leurs conseillers – n’ont pas vu les liens pouvant exister entre les attaques, à terme suicidaires, du Hamas et les nombreuses violences subies par les Palestiniens au fil du temps. Je pense plus spécialement à ce qui s’est passé, au cours des derniers mois, à travers toute la Cisjordanie? Face à ces violences perpétrées sous le gouvernement le plus extrémiste qu’Israël ait jamais connu, ces mêmes pays d’Occident ont gardé un silence aussi solennel que monstrueux. Comment peut-on croire que les pays occidentaux n’aient pas compris que les attaques du Hamas sont, pour une large part, le cri de désespoir d’une génération de Palestiniens qui a été jetée hors de l’histoire.

Dans sa riposte qui commence, Israël se sent évidemment autorisé à tous les excès. Benjamin Nétanyahou a promis, dans un discours prononcé aujourd’hui, de « changer le Proche-Orient ». Allant clairement à l’encontre d’un article fondamental du  droit international, Israël a décidé d’imposer à l’ensemble de la population civile de Gaza le non-accès total à l’eau, au gaz et à l’électricité. À date, silence total de la communauté internationale face à cet accroc majeur au droit même de la guerre. À ma connaissance, seul le Pape et le Secrétaire général de l’organisation des Nations Unies (Guterres) ont émis des réserves face à un Israël qui risque de se laisser emporter par l’hubris d’une guerre totale.

Depuis plus de 70 ans, c’est cette politique scandaleuse du « deux poids, deux mesures » de la communauté internationale qui se répète. Or, cette politique est largement responsable du pourrissement de la situation au Proche-Orient. Avec les accords d’Abraham concoctés par Trump et hélas poursuivis par Biden, c’est la question palestinienne elle-même que les Occidentaux semblent avoir voulu enterrer. Fini le droit des Palestiniens de se donner un pays !

J’ai vraiment honte. L’éthique politique m’apparaît être très malade. Le sens de la justice est en pleine déroute. Le droit du plus fort s’est transformé en un principe moral qui me semble gouverner, aujourd’hui encore, les positions politiques. Machiavel est de retour ou plus vraisemblablement, il a toujours été, et continue plus que jamais à être, l’inspirateur du crédo politique des pays qui possèdent les armes les plus puissantes.

Comme moi, vous savez qu’il est difficile de mener une réflexion sérieuse à chaud face à ce qui est en train de se passer sous nos yeux. Il se peut que vous partagiez, en tout ou en partie, les idées que je viens de partager avec vous. Si oui, croyez-vous qu’il soit possible de faire circuler ce point de vue dans l’espace public ? Et si oui, comment faudrait-il s’y prendre ?

J’espère ne pas vous avoir importuné-es avec mon message.

Gilles Bibeau.