Par Slim BEN YOUSSEF
La Terre tourne autour du Soleil. Un plus un égale deux. L’Art est un acte de résistance.
Vérités générales déclamées, passons aux vérités communes.
« Le » JCC n’est pas un festival de cinéma comme les autres. Même les Palestiniens le savent.
C’est que, la Cause palestinienne – cette « Mère des causes » – a toujours été une constante si ce n’est une question centrale pour ce festival militant par essence et éminemment engagé pour les luttes libres et les causes justes du « Sud global ». De là, annuler une édition des JCC – attendez la suite – « en solidarité avec Gaza » est une décision qui, pour le moins que l’on puisse dire, défie l’entendement. A l’entendre, les Palestiniens, eux-mêmes, en tomberaient des nues.
Et pour cause.
Il faudrait revenir, en effet, aux annales des années 70, 80 et même 90 pour comprendre ce lien quasiment viscéral qui lie les JCC à cette Mère des causes. Ce fut le temps où la Tunisie, terre d’exil pour Yasser Arafat (de 1982 à 1994) et pour l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), était, en général, un véritable foyer d’épanouissement pour la cause palestinienne. En particulier, les JCC constituaient l’une des rares tribunes libres dans le monde pour la voix palestinienne. Pas seulement à travers les films mais aussi dans les débats, notamment grâce à une liberté d’expression inconditionnelle, exceptionnellement autorisée et même encouragée durant ces années-là par les régimes Bourguiba et Ben Ali (premières années) pourtant liberticides et répressifs sur d’autres questions.
Ce fut aussi le temps, soit dit en passant, où Noce en Galilée de Michel Khleifi décrochait, non sans débats houleux (caractéristique fondamentale des JCC), un premier Tanit d’or historique pour un film palestinien (en 1988).
Ce n’est qu’à partir de la fin des années 90 que le festival a commencé sa lente descente aux enfers vers le dépaysement quasi-total d’aujourd’hui. Constat d’ailleurs proclamé dès les premières années 2000 par les ciné-clubistes de la FTCC, cette mythique Fédération tunisienne des ciné-clubs qui était à l’origine de la naissance du festival dans les années 60. En l’an 2000, le Ciné-club de Tunis fondait le « Cinéma de la Paix ? » le présentant comme une « alternative cinéphile et engagée » aux JCC qui commençaient à « rentrer dans les rangs » et à « prendre des gants », notamment vis-à-vis de la question palestinienne (et pas que). En 2001, la police de Ben Ali arrêtait, dès son deuxième jour, la deuxième édition de ce festival alternatif. Motif évoqué : un excès de zèle pour la cause palestinienne. Certes, les JCC ont perdu, chemin durant, beaucoup de leur verve militante. Mais c’est à partir de 2008 que le festival commença à « s’embourgeoiser ». Dangereux tournant : le tapis rouge et tout le bling-bling « people » qui va avec, éclipsant débats passionnés et discussions houleuses, pourtant caractéristiques fondamentales du festival.
Jadis front de résistance, aujourd’hui clochardisé puis carrément annulé, « le » JCC touche à sa fin.
Pour ce qui est de la résistance, le non-cinéma en est la fin.