Par Hédi CHERIF (sociologue)

La Place du Pont qui porte historiquement la marque de foyer criminogène, ce quartier chaud , ce carrefour des Maghrébins situé au cœur de la ville de Lyon, où j’ai terminé mes études universitaires, a fait l’objet de plusieurs publications sociologiques, dont le livre intitulé » Lyon, La Place du Pont, la Place des gens debouts  » ‘de Azouz Begag, natif de cette ville en 1957 et chercheur au CNRS . Etant un ex- Lyonnais , cette référence a éveillé ma nostalgie à une ville , qui demeure pour moi , malgré tout, une ville des lumières , et un carrefour de cultures multiples, des cultures qui facilitaient une adhésion fluide au statut de  » citoyen universaliste de culture, et tunisien de coeur  ». 

Azouz Begag, l’auteur du ‘Lyon , Place du pont : La place des hommes debouts  », a mis l’accent sur une particularité historique de la ville de Lyon, celle de la place du pont, la place des gens debouts, le carrefour des maghrébins, où nos immigrés d’après la deuxième guerre mondiale sont venus perdre une identité sans toutefois en faire une autre, ils sont à ce jour dans leur majorité ,tiraillés en l’être maghrebin et le paraître européen . Ils sont ni l’un , ni l’autre.

La place du pont , au coeur du quartier de la Guillotière de la ville de Lyon , une place mystérieuse, où ces maghrébins venus de tous bords ,s’installer pour tenter une vie nouvelle, sans toutefois pouvoir cesser de nourri des années durant, le mythe de retour au pays.

La place du pont dite  »La Place Dibbou  », dont l’ancêtre fondateur, le  » Pont de la Guillotière construit en 1123  », pour relier la place Bellecour de la vieille ville de Lyon à la place Gabriel péri , ce quartier cristallisait les haines, les psychoses et les fantasmes des Lyonnais qui le classaient comme un des.foyers criminogène du département .

Depuis son peuplement par les Grecs, les italiens, les allemands , les espagnols, les Arméniens ( notamment la personne emblématique de la place le commerçant Arménien Bahadourian) puis , par les Maghrébins qui y débarquaient à la mi du 20 ème siècle , la Place du Pont , portait la marque et les spécificités de quartier chaud et marginalisé, où la criminalité dans toutes ses manifestations battait son plein , guettait et menaçait la vie sociale .

La délinquance, les maisons de tolérances, la prostitution clandestine, le vol, le hachich …etc , …des phénomènes sociaux qui remontaient à des années lointaines et qui sont transmis,de générations à une autre jusqu’à celle des maghrébins débarqués sur un terrain bien déblayé.

C’est dans ce quartier , que des milliers de maghrébins venus à la recherche d’une vie , d’un statut, d’une identité qu’ils n’ont pu faire à ce jour , plutôt ils sont encore tiraillés entre l’identité et l’identification, entre  » l’être » et le  »paraître  »

l’auteur, notait que , la Place du Pont, la Place des gens debouts, :  » Ce lieu est rempli d’émotions, d’énergie. Il fourmille de petites histoires qui font l ‘essence d’une existence humaine . Il a produit une identité. Souvent, le migrant dans son quartier d’exil ou d’accueil raconte sa bataille de l’instant et de la durée, du, ici et là-bas, du, provisoire et du durable, les tiraillements entre l’identité et l’identification , entre eux et nous , entre les uns et les autres . Depuis des générations , à la Place du Pont , des gens ont qualifié le territoire. Depuis des générations, la place a qualifié ses habitants. Entre l’identité des gens et celle du lieu , il y a eu confusion. »

Étant , entre l’être et le paraître, entre l’identité et l’identification, par l’inconfort psychosocial que cette situation véhicule , ces groupes marginalisés sont encore exposés beaucoup plus que d’autres aux risques multiples de la vie en société.

Lyon , avec ces grandes places dont la Place du Pont , ce carrefour des maghrébins, demeure , malgré tout, une ville d’où jaillisse la lumière du savoir, du civisme et de la citoyenneté.