Hassan Nasrallah a parlé. Le monde a retenu son souffle. Le premier discours du chef du Hezbollah au 28e jour de la guerre génocidaire contre Gaza était forcément très attendu. A-t-il su répondre à ses attentes ? Dans l’immédiat, la déception populaire, arabe et internationale, était prépondérante.
Pour résumer : à défaut d’une déclaration de guerre parfaitement explicite (souhaitée pour ne pas dire fantasmée par des millions de citoyens du monde), Nasrallah a été on ne peut plus menaçant contre Israël, on ne peut plus agressif contre l’Amérique, on ne peut plus catégorique sur la cause juste de la Résistance palestinienne et, surtout, on ne peut plus lucide sur les moyens, tangibles, concrets, « réalistes », à mettre en œuvre pour « l’aider à gagner » cette guerre, tout en se réservant, en même temps, la latitude de « manœuvrer », de « temporiser », d’entretenir le flou sur les velléités du Hezbollah dans la période à venir.
Peut-on appuyer tout simplement sur un bouton pour déclencher une « guerre totale » ? Ce n’est pas aussi simple que cela. Ce n’est pas un jeu-vidéo. Et puis, soyons terre à terre : si le Hezbollah voulait asséner son « coup de grâce » et entrer en « guerre totale » contre Israël, crierait-il sur tous les toits avant de le faire ? Bien sûr que non : on attaque d’abord, on parle ensuite. En réalité, rappelle Nasrallah, le Hezbollah est déjà actif sur « son » front depuis le 8 octobre. Concrètement, les attaques lancées depuis le Liban-Sud ont contribué à alléger la pression militaire sur le Hamas à Gaza en bloquant le tiers de l’armée ennemie à la frontière avec le Liban.
De là, Hassan Nasrallah a-t-il vraiment laissé son monde sur sa faim ? À chaud, les têtes s’échauffent. L’humeur générale, accablée par un mois de crimes génocidaires, l’emporte. Rien de plus normal. Tout le monde s’enivre dans ses « désidérata ». Rien de plus naturel. Reste, qu’une lecture dépassionnée du discours de Nasrallah donnerait lieu, à notre humble sens, à voir dans cette première prise de parole du chef du Hezboallah, ennemi juré d’Israël, un virage très important qui ponctue cette guerre en son 28e jour. Un virage du moins politique, en attendant celui militaire.
Comment faire en sorte que le Hamas sorte vainqueur de cette guerre ? C’est la question cruciale posée par Nasrallah et qui est passée presque inaperçue dans le brouillard des « désidérata ».
Les éléments de langage ne manquent pas dans ce discours de plus d’une heure et demi. Un élément en particulier sort du lot : le mot « objectif » maintes fois utilisé par Nasrallah. D’un côté, il y a les objectifs d’Israël qui sont, d’après le chef du Hezbollah non sans une pointe de raillerie, « impossibles à réaliser », et par conséquent « stupides », « bêtes » et « insensés », à savoir anéantir le Hamas, libérer des otages sans contrepartie. De l’autre, il y a « nos » objectifs, qui sont « intelligents » parce que « possibles », « réalisables », « sensés ». « Réaliste », en voilà l’autre mot ressassé à volonté. Le premier objectif est humanitaire : stopper le génocide à Gaza. Pour cela, Nasrallah a appelé « tous ceux qui ont un peu d’humanité dans le monde » à s’investir pour l’atteindre. Le deuxième objectif est militaire et politique : faire en sorte que le Hamas sorte vainqueur de cette guerre. Comment faire en sorte que le Hamas sorte vainqueur de cette guerre ? Pour cela, l’axe de la Résistance, en Iran, au Yémen, en Irak, en Syrie, mais aussi au Liban, a « décidé d’assumer ses responsabilités ».
Le message est clair : cette guerre sera longue, il faut avoir le souffle long et surtout l’intelligence et la lucidité de la mener à bien. Le Hezbollah a parlé. Le Hezbollah n’a pas dit son dernier mot.
Slim BEN YOUSSEF