En marge du 6ème congrès national d’oncologie organisé à Tunis à l’initiative de l’Association des Médecins Oncologues privés (AMOP), du 10 au 12 novembre courant, Chiraz Ben Ayed, secrétaire générale de l’AMOP a fait savoir que « Le taux de guérison d’un cancer est estimé aujourd’hui à 98% même si le patient est à un stade avancé de la maladie ». C’est que de nombreux médicaments et traitements ont été développés et connaissent un succès remarquable dans la lutte contre les maladies cancéreuses. Il s’agit notamment des médicaments de renforcement de l’immunité et des médicaments qui ciblent directement les cellules cancéreuses sans nuire aux autres cellules saines du corps.
En voilà de bonnes nouvelles qui donnent de l’espoir à des milliers de personnes atteintes de cancer en Tunisie. Sauf que ces nouveaux médicaments et traitements ont été développés et connaissent un succès remarquable dans les pays européens, mais ne sont pas encore disponibles en Tunisie. La lutte contre les maladies cancéreuses a certes connu des avancées à travers les années, mais elle reste encore tributaire des moyens disponibles dans nos hôpitaux et nos cliniques privées. Il est vrai que les gens nantis peuvent se soigner à l’étranger en profitant du nouveau progrès médical dans le traitement des maladies cancéreuses. Cependant une majorité écrasante des cas cancéreux doivent s’adresser aux centres médicaux publics pour se soigner et c’est là qu’ils connaissent la galère.
L’accès difficile aux traitements du cancer
Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), publié sur les données globales d’épidémiologie des cancers, la Tunisie a enregistré, en 2020, 19.446 nouveaux cas. 10.473 nouveaux cas observés chez des hommes et 8.973 nouveaux cas chez des femmes. Il est à rappeler que le cancer reste la principale cause de décès à l’échelle internationale. La Tunisie compte près de 20 mille nouveaux cas par an depuis 2020 contre environ 12 mille nouveaux cas par an en 2010. Force est de constater que les médicaments disponibles restent difficilement accessibles, bien qu’ils soient remboursés par la CNAM, moyennant parfois des mois d’attente. Des milliers de Tunisiens sont diagnostiqués chaque année. Avec l’annonce de leur maladie, viennent les tourments du processus de soin dans un pays qui manque de tout. Souvent, ce processus leur impose un périple insensé où il est question de transporter eux-mêmes leurs médicaments, s’ils les trouvent, pour pouvoir bénéficier de leurs cures. Pour beaucoup, le cancer est une dure épreuve, un long chemin parcouru vers la guérison, dans le meilleur des cas, et vers le pire, potentiellement. En effet, le nombre de décès des suites du cancer s’élève à 11.855, dont 7.279 décès constatés chez des hommes et 4.576 chez des femmes avec une prévalence de 45.541 sur cinq ans. On enregistre également que 15,9% des nouveaux cas enregistrés concernent des cancers du sein, 15,1% des cancers du poumon, 9,6% de cancers colo-rectaux, 7,2% des cancers de la vessie et 6,1% des cancers de la prostate. Il convient de noter que les cancers du poumon et de la vessie sont les plus diagnostiqués chez les hommes et les cancers du sein et colo-rectaux sont les plus diagnostiqués chez les femmes. Certes, la médecine tunisienne a accompli des avancées significatives dans le traitement des cas cancéreux, mais l’infrastructure sanitaire et les services rendus aux patients restent souvent en deçà des objectifs assignés. En attendant l’acquisition des nouveaux médicaments et des nouvelles technologies utilisées dans les pays riches, c’est souvent les personnes atteintes du cancer qui en pâtissent.
Pour un dépistage précoce
Le cancer qu’on appelle communément « la mauvaise maladie » gagne du terrain, étant devenu la troisième cause de mortalité dans notre pays. En Tunisie, il n’existe qu’un seul grand centre du traitement du cancer. Il se situe à Tunis. Mais la capitale est beaucoup trop loin pour patients qui viennent de toutes les régions du pays. Heureusement que l’Association des malades du cancer (AMC) qui agit au profit des malades du cancer sur plusieurs fronts, met à leur disposition un lieu d’hébergement, quelques chambres à partager, le temps de leur traitement. L’Association se mobilise aujourd’hui en faveur d’une campagne de dépistage nationale pour un diagnostic plus précoce. La campagne qu’elle a organisée le mois dernier « Octobre rose » est une action louable. La lutte contre le cancer en Tunisie consiste à mieux sensibiliser les gens à cette maladie, au dépistage précoce et surtout à l’amélioration de l’accès aux soins. Le cancer n’est pas une condamnation à mort. S’il est détecté et traité rapidement, on peut en guérir. Tel est le message que les médecins tunisiens transmettent à leurs patients.
Hechmi KHALLADI