Par Raouf KHALSI

L’enseignement primaire et secondaire irait-il à vau-l’eau ? On n’en est pas encore là, parce que les structures y sont certes quelque peu délabrées, mais qu’elles tiennent encore. On attendra les résultats de la consultation nationale sur l’Education mais, entretemps, il faudra bien admettre qu’il y a le feu et que les solutions à la clochardisation de l’enseignement se font pressantes.

Clochardisation ? Précisément parce que, depuis les années 1990, de nouvelles pratiques contre l’Ecole de la République commençaient à s’insinuer subrepticement dans l’édifice de l’Education, cependant que les disparités régionales se creusaient dangereusement et l’on en paie le tribut aujourd’hui.

Le régime de l’époque faisait de « l’excellence » son leitmotiv, à coups de réussites massives et poussives, premier palier vers la récurrente stérilisation des diplômes

Du coup, l’Ecole de la République, notre roman des origines depuis l’indépendance, se retrouvait dégradée, déclassée au profit d’un mercantilisme ayant fait le lit (juteux) de l’enseignement privé. L’Etat se désengageait, se limitant à comptabiliser les décrochages scolaires, sans solutions de rechange et abandonnant des jeunes entre 12 et 18 ans à toutes les dérives sociales.

Cet état des lieux se perpétue encore aujourd’hui et il gagne en acuité.

Chaque année et davantage après la révolution, on enregistre cent mille abandons scolaires, soit autant de jeunes sans modèle, ni avenir. Qu’est-ce qui les attend en cette ère de délabrement du tissu social ? Au mieux, l’errance ; au pire, l’embrigadement par des groupuscules appelant au refuge dans la religion. Un jeune, ne serait-ce qu’un seul jeune déscolarisé représente une bombe à retardement.  Et, puis, cette lancinante frustration sociale autant pour ces jeunes que pour leurs parents tirant le diable par la queue : l’enseignement privé leur est inaccessible.

Mohamed Ali Boughdiri parle de l’école de la deuxième chance : soit. Mais, là aussi le projet tâtonne, même si, au final, il s’agit de récupérer ces jeunes et de leur ouvrir les horizons d’un avenir meilleur par le biais de la formation professionnelle.

Il s’agit en somme d’une œuvre prospective, sans perdre de vue les paramètres et les fondamentaux de l’enseignement public.

Le ministre de l’Education a de gros soucis, cela on le sait. Il va falloir établir une sorte de charte où l’enseignant puisera de nouvelles raisons de croire en sa mission. En un mot : administration et syndicats sont tenus d’adhérer à une plateforme de dialogue et de transcender les affres et les contrecoups houleux d’une année scolaire qui restera marquée d’une pierre noire.