Le financement est là, l’Etat se dit vouloir accélérer le lancement des travaux et Kaïs Saïed donne l’impression d’y veiller personnellement. Et pourtant, le chantier de l’hôpital universitaire de Kairouan, financé par l’Arabie saoudite, demeure collé aux starting blocks sans aucun éclaircissement logique et transparent sur ce qui s’y passe…
Le méga-projet date, à présent, de plus de trois ans (février 2020) lorsque des contrats ont été signés avec des bureaux d’études saoudiens pour la construction et l’équipement de trois hôpitaux en Tunisie, dont l’hôpital universitaire de Kairouan. Celui de la capitale des Aghlabides était considéré le plus important de par sa grandeur, sa polyvalence et sa large capacité d’accueil et son coût a été fixé à raison de 85 millions de dollars (près de 270 millions de dinars).
Or, ce fameux CHU n’a toujours pas vu le jour. Pourtant, c’est le président de la République qui a pris à son compte la relance du projet et le passage rapide de la phase des tergiversations à celle de l’exécution effective. Entretemps, quelque 600 mille habitants de la région et plus de 3 millions de citoyens vivant dans les gouvernorats limitrophes de Kairouan sur leur faim après avoir pris, abandonné, puis repris espoir de disposer d’une structure hospitalière digne de ce nom.
Aujourd’hui encore, nul ne peut effectivement situer la « panne sèche » de ce projet. Si la version officielle attribue le retard enregistré à des difficultés purement administratives et techniques, du côté de la population locale, qui ne sait plus qui croire, l’on pointe du doigt des « forces invisibles » qui auraient empêché le passage à l’action.
Un océan de promesses
Du côté des responsables et des officiels locaux, le mal incombe au grand retard causé par la pandémie du coronavirus qui a touché la totalité du pays, le partage des attributions entre les administrations en fonction des prérogatives de chacune et le cumul des litiges administratifs. Des allégations qui ne tiennent plus debout, d’autant plus que l’administration appartient à l’Etat et il suffit de mettre en place les responsables compétents et aptes à la réalisation du projet pour voir les choses évoluer dans le bon sens.
Répondant aux sollicitations des médias, le directeur régional de la santé à Kairouan s’est montré, comme toujours, confiant sans pouvoir rassurer ou annoncer quelque chose de concret. D’après ce haut responsable, « la concrétisation d’un projet d’une telle envergure n’est pas une œuvre simple ou un petit projet. Il a fallu d’abord préparer le terrain et réunir les conditions nécessaires, notamment parachever les aspects légaux, fonciers et financiers. Il a donc fallu multiplier les réunions, les reports, les pauses puis les reprises. Nous avons réalisé un avancement de l’ordre de 80% de l’étude relative au volet sécuritaire, à l’électricité et aux fluides, le responsable régional se félicite du cap atteint, à l’issue de la tenue de plusieurs ateliers, suite auxquels ont été retenus quatre grands constructeurs saoudiens ».
Le directeur régional tient à être rassurant et il se lance dans les rituelles promesses qui se succèdent depuis de longs mois : « les travaux vont démarrer officiellement au cours du premier trimestre de 2024. Une forte pression est exercée sur toutes les parties prenantes, en vue de les pousser à accélérer la cadence et passer enfin à l’action ».
De quelles forces invisibles parle-t-on ?
Eh oui, le passage à l’action n’est encore qu’un simple souhait, au grand dam des citoyens de la région qui en ont marre d’entendre et d’accumuler les promesses. Et même si la fameuse photo diffusée sur les réseaux sociaux, montrant une porte principale portant l’indication “CHU Roi Salmane” sur un vaste terrain vague, a fait bouger les choses pendant quelques jours, le silence a repris le dessus malgré la certitude des Kairouanais que des « forces invisibles et des lobbies connus » sont derrière les empêchements qui accompagnent la réalisation de ce méga-projet et qui ont intérêt à tuer dans l’œuf un projet qui nuirait à leurs propres intérêts dans la région.
D’ailleurs, lors de la séance plénière tenue vendredi dernier à la Chambre des représentants du peuple (Parlement) pour examiner le projet de budget du ministère de la Santé pour l’exercice 2024, des députés se sont interrogés sur les raisons à l’origine du retard accusé dans l’achèvement des travaux de construction de l’Hôpital du Roi Salman ben Abdelaziz à Kairouan. Et comme il fallait s’y attendre, il n’y a pas eu de réponse convaincante et le flou est resté maître de la situation pour ce dossier.
A présent, c’est à Kaïs Saïed qu’incombe la tâche de débloquer la situation et surtout d’éclairer la lanterne des citoyens sur la nature des blocages successifs et sur l’identité de ces « forces invisibles » que tout Kairouan connaît et qui demeurent intouchables.
Kamel ZAIEM