Le premier ministre Ahmed Hachani a annoncé, il y a quelques jours, la création d’une commission censée travailler sur un nouveau projet de loi sur les associations. La présidence du gouvernement a par ailleurs souligné la nécessité que cette nouvelle loi contribue au “renforcement du rôle de la société civile, tout en respectant les principes, droits et garanties énoncées dans la Constitution, dans le cadre de l’État de droit.” Dans ce contexte, le président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Bassem Trifi a indiqué que plusieurs craintes ont été exprimées suite à la publication de cette proposition et qui vise à réviser le décret-loi n°88. 

Bassem Trifi a assuré que le décret-loi n°88 était un acquis de la Révolution du 14 janvier 2011.  « La société civile appuie les efforts du gouvernement. Certaines choses ne peuvent pas être réalisées par l’État. Il s’agit d’un miroir de la société. Elle joue un rôle économique. Nous n’abandonnerons pas les acquis apportés par le décret-loi n°88. Nous refusons toutes restrictions liées à la création, au financement, à la dissolution, à la gestion ou à la mise en place de contraintes administratives. Nous demandons au gouvernement d’appliquer les dispositions du décret-loi n°88 », a-t-il déclaré.

8 mille associations actives sur les 24 mille recensées

Et il a rappelé que le nombre d’associations juridiquement existantes en Tunisie était à hauteur de 24.000, dont seulement 7.000 ou 8.000 actives. « Dire que toutes les associations sont des traîtres, servent les intérêts des étrangers, bloquent le pays ou des sionistes est insensé… Il est essentiel d’apporter des précisions au sujet des efforts déployés par ces 8.000 associations… Vous êtes sûrement conscients de l’apport de ces associations… Malheureusement, ceux qui ne suivent pas l’actualité n’ont pas conscience de cela… Je peux citer l’exemple du ministère des Affaires sociales travaillant en étroite collaboration avec plusieurs associations dans l’appui aux personnes à besoins spécifiques et l’apport de services que le gouvernement n’est pas, parfois, capable de fournir. Il y a aussi les questions de l’éducation, le droit à l’eau, le droit à un environnement sain ou encore dans le domaine de l’agriculture », a-t-il dit.

Cependant la députée Fatma Mseddi, intervenant au micro de la radio Shams FM, a déclaré que les associations n’ont rien à craindre de la révision du décret-loi 88. « Ce que nous avons vécu durant les dix dernières années, n’est pas un travail associatif. Des associations œuvraient à financer certains partis, à blanchir le terrorisme et à servir les intérêts d’autres États. Plus de vingt mille associations ont été créées et échappaient à tout contrôle menaçant la souveraineté nationale. Nous avons, depuis le 25 juillet 2021, décidé de mettre un terme à ce désordre et de travailler à rétablir la noblesse du travail associatif. Les associations n’ont aucune raison de redouter l’initiative législative que nous proposons, celles qui ont quelque chose à craindre sont celles qui bénéficient de financements étrangers suspects car cette loi va instaurer un contrôle plus strict, un contrôle jusque-là inexistant » a précisé l’élue. Quant à l’Amnesty International a, pour sa part, considéré que l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) devait refuser d’adopter le projet de loi portant sur la société civile et les associations en raison des restrictions et de menaces qu’il comporte.

Rôle central

Les associations civiles jouent un rôle central dans plusieurs aspects de la société. Elles encouragent la participation active des citoyens dans les affaires publiques, renforçant ainsi la démocratie participative. Elles défendent également les droits humains, les droits des femmes, des minorités, et luttent contre les discriminations sous toutes leurs formes. Les associations contribuent aussi à l’éducation civique, à la sensibilisation culturelle et à la promotion de l’éducation pour tous. D’ailleurs, elles sont souvent engagées dans des initiatives de développement local, offrant un soutien aux communautés marginalisées ou défavorisées.  Les associations aident à favoriser l’innovation sociale en proposant des solutions créatives pour résoudre les problèmes sociaux et économiques. En somme, les associations civiles en Tunisie sont des acteurs essentiels pour le progrès social, la consolidation démocratique et la protection des droits fondamentaux des citoyens.

Le décret-loi n°88 sur les associations en Tunisie suscite beaucoup de débats. La liberté d’expression des associations est cruciale, surtout pour celles qui ont joué un rôle actif dans la préservation des libertés et la lutte contre l’oppression par le passé. Ces associations ont souvent été des voix vitales pour la société, défendant les droits humains, l’égalité et la justice. Restreindre la liberté d’expression de ces associations pourrait non seulement entraver leur capacité à poursuivre leur travail essentiel, mais également compromettre le tissu démocratique et la diversité des opinions au sein de la société. Au contraire, garantir et protéger cette liberté d’expression permettrait de maintenir un débat démocratique sain et d’encourager la diversité des perspectives, éléments clés pour une société inclusive et éclairée. Toute révision devrait être réalisée de manière consensuelle, en prenant en compte les diverses perspectives et en veillant à ce qu’elle bénéficie à la société dans son ensemble

Certains estiment qu’une révision pourrait être nécessaire pour garantir une plus grande liberté et autonomie aux associations civiles, leur permettant ainsi de fonctionner de manière plus indépendante et efficace. Cette révision pourrait viser à assouplir certaines restrictions, à simplifier les procédures administratives et à renforcer la liberté d’association, tout en préservant les principes de transparence et de responsabilité. Toute révision du décret-loi n°88 devrait être réalisée de manière consensuelle, en prenant en compte les diverses perspectives et en veillant à ce qu’elle bénéficie à la société dans son ensemble.

Leila SELMI