Au fil des générations, une idée fausse persiste dans l’éducation des enfants, sans égard au niveau d’éducation des parents, à leur nombre de diplômes, ou à la quantité de livres et de vidéos sur l’éducation qu’ils ont absorbée. Cette croyance erronée insinue qu’on ne peut éduquer un enfant qu’en recourant à la violence physique, une pratique quotidienne devenue presque inconsciente pour certains. L’idée que la communication bienveillante et l’échange avec l’enfant sont insuffisants, alors que la correction physique est la seule voie à la compréhension, est profondément enracinée.

Cependant, il est crucial de comprendre que cette méthode, qui semble se transmettre de génération en génération, n’est pas anodine. Elle engendre des conséquences néfastes qui s’infiltrent dans l’âme des enfants, donnant naissance à des sentiments de vengeance, de haine, et à des complexes psychologiques. Ces séquelles peuvent perdurer, se transformant parfois en délinquance, voire en crimes. Bien que de nombreux experts aient alerté sur les dangers de cette pratique, elle persiste, soutenue par des prétextes partagés par ceux qui la perpétuent – l’idée fallacieuse que l’enfant ne peut comprendre que s’il est frappé. Il est temps de remettre en question cette croyance et d’explorer des alternatives éducatives plus bienveillantes pour le bien-être des générations futures.

8 enfants sur 10 subissent une discipline violente

L’Enquête nationale par grappes à indicateurs multiples sur la situation de la mère et de l’enfant en Tunisie 2023 (MICS-2023) dont les résultats ont été présentés, lundi à Tunis, a révélé que 80,9% des enfants âgés de un à 14 ans ont subi une méthode de discipline violente par leurs mères ou personnes en charge.

Ainsi, 8 enfants sur 10 subissent une discipline violente sous forme de châtiments corporels ou d’agression psychologique par ceux qui sont censés leur fournir protection et soins. Le taux d’exposition des enfants à la violence au sein de la famille a diminué en 2023 pour atteindre 80 pour cent, contre 88,1 pour cent en 2018. L’enquête considère que malgré cette diminution, les données de l’enquête MICS 2023 sur la violence, demeurent préoccupantes, lit-on sur le site de l’agence TAP.

19,7% des mères ou des personnes en charge des enfants croient que des châtiments physiques sont nécessaires pour mettre un enfant sur la bonne voie, l’élever ou l’éduquer correctement. Presque 1 mère sur 5 pense que la punition physique est nécessaire pour élever et éduquer un enfant. Cette croyance est également plus présente chez les répondantes de niveaux pré primaire ou primaire (23,3% et 24,2%) que chez celles de niveau supérieur (17,1%). L’enquête a concerné 11 mille familles réparties sur l’ensemble du territoire de la République (7326 famille dans les milieux urbains et 3674 en zones rurales), selon la même source.

A noter que la MICS Tunisie 2023 a été réalisée par l’Institut National de la statistique (INS) avec la coordination du ministère de l’économie et de la planification (MEP) avec l’appui technique et financier de l’UNICEF et les contributions de l’Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID) et la Banque Allemande de Développement (KfW). La Tunisie a réalisé 5 tournées de l’enquête par grappes à indicateurs multiples : MICS2 en 2000, MICS3 en 2006, MICS4 en 2011/2012, MIC6 en 2018 et la dernière en 2023.

« Les châtiments corporels ne sont pas une forme de violence mineure »

Lorsque la plupart des gens pensent aux châtiments corporels, ils pensent souvent à un instituteur avec une canne. Mais en tant que terme, les châtiments corporels englobent toutes les formes de châtiments violents infligés aux enfants, que ce soit à l’école ou à la maison – et le problème est à la fois plus répandu et nettement plus dommageable que beaucoup ne le pensent. En fait, les recherches suggèrent que plus une société utilise la violence à des fins socialement approuvées comme la discipline, plus les individus dans cette société sont susceptibles d’utiliser la violence à des fins qui ne sont pas socialement approuvées . En d’autres termes, l’approbation et la prévalence des châtiments corporels dans les sociétés sont liées à l’utilisation ou à l’approbation d’autres formes de violence, notamment les combats, la torture, la peine de mort, la guerre et le meurtre, a explique l’article « La discipline violente des enfants crée des cultures violentes – elle doit cesser »

En bref, les châtiments corporels ne sont pas une forme de violence mineure, banale ou quotidienne – ils sous-tendent la façon dont les sociétés réagissent à la violence et l’utilisent dans d’innombrables autres contextes. Mais nous connaissons déjà la solution, et nous avons les preuves à l’appui: une interdiction complète et efficace. La Suède a interdit les châtiments corporels pour la première fois dans tous les milieux en 1979 et la recherche a montré une réduction drastique du nombre d’enfants victimes de sanctions violentes. Une étude de 2000 qui a examiné l’impact de l’interdiction a révélé qu’il y avait également eu une diminution du nombre de jeunes de 15 à 17 ans impliqués dans des vols, des délits de stupéfiants, des agressions contre de jeunes enfants et des viols. Il a également constaté une diminution du suicide et de la consommation d’alcool et de drogues chez les jeunes, d’après la même source.

Des études en Finlande ont montré qu’il y a eu une nette réduction de toutes les formes de châtiments corporels et autres violences parentales contre les enfants depuis l’interdiction en 1983. Un autre document a également constaté que la baisse des châtiments corporels était associée à une baisse similaire du nombre d’enfants qui ont été assassinés. En Allemagne, qui a atteint l’interdiction totale en 2000, la recherche a montré une diminution significative des châtiments violents, qui est liée à une diminution de la violence des jeunes à l’école et ailleurs et à une réduction de la proportion de femmes subissant des blessures physiques dues à la violence domestique. Ces changements sociétaux complexes ne sont pas réductibles à des changements dans la loi, mais les changements législatifs ont été, dans chacun de ces pays, un élément vital d’un changement culturel radical vers les châtiments corporels. Les mouvements pour interdire la pratique s’accélèrent aux quatre coins du monde, mais seuls 54 pays interdisent les châtiments corporels dans tous les contextes. Les preuves à elles seules ne peuvent pas changer les lois – mais les décideurs et les législateurs engagés peuvent le faire, selon l’article susmentionné.

Ghada DHAOUADI