Une pléiade d’organisations et d’associations de la société civile tunisienne ont mis en garde, dans une déclaration commune, contre toute révision du décret-loi n°2011-88 du 24 septembre 2011 portant sur l’organisation des associations. Dans leur déclaration conjointe intitulée « Nous sommes des partenaires et non des traîtres », les 46 associations signataires ont exprimé, par la même occasion, leur rejet des accusations et des discours de trahison et de diffamation qui ciblent la société civile, dénonçant différentes sortes de restrictions ciblant, d’après leurs mots, le tissu associatif et ses membres.
Dans le même contexte, ces composantes de la société civile ont souligné qu’il s’agit d’une loi conforme aux normes constitutionnelles et internationales relatives à la liberté à l’espace civique, tout en manifestant leur attachement au décret n°88 comme cadre juridique régissant la vie associative, garantissant sa liberté, appuyant son indépendance, consolidant sa fonction d’observation et favorisant son rôle en tant que force de proposition et d’appui des efforts de l’État dans tous les domaines de développement et dans les domaines environnemental, économique et social, ainsi que dans les domaines de l’éducation, de la culture et de la santé.
« Contrôler le financement »
Les 46 associations et organisations ont appelé, en outre, les autorités à respecter la liberté et l’indépendance de la société civile en tant qu’acteur politique faiseur au niveau national dans tous ses aspects, et en sa qualité de défenseur des droits de l’homme dans leur universalité sans discrimination. Parmi les signataires de cette déclaration commune, nous citerons notamment, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH) l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), Aswat Nissa, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), Avocats Sans Frontières (ASF), l’Association Lina Ben Mhenni, Mourakiboun, l’ADDH et Al Bawsala.
Cette mobilisation de la société civile intervient sur fond de défiance des autorités envers des « pratiques douteuses de financements » et d’ingérence étrangère » pendant la décennie dernière. En effet, une proposition de loi visant à réviser le décret-loi 2011-88 portant sur l’organisation des associations afin de « contrôler davantage l’activité et le financement des associations » a été initiée dans ce sens par une dizaine de députés et validée dans la foulée par le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le 12 octobre dernier. Un projet de loi qui fait suite aux critiques émises à plusieurs reprises par le président Saïed contre les financements étrangers des associations tunisiennes.
Ce projet de loi a très vite provoqué le tollé au sein de la société civile qui craint des restrictions contre le tissu associatif. Certes, des associations suspectes se seraient impliquées, à un moment donné, dans l’envoi des jeunes dans les zones de conflits et dans le blanchiment d’argent destiné à financer le terrorisme. Mais pour la société civile, tout amendement qui va dans le sens de pression sur ces composantes de la société civile est synonyme de paralysie pour la grande majorité des associations et des organisations de la société civile, devenue l’un des piliers de la société tunisienne.
La société civile, un acteur important
En effet, et à la suite de la révolution de 2011, ce décret-loi 2011-88 portant sur l’organisation des associations, a permis notamment à la société civile tunisienne de se développer de manière spectaculaire pendant plus de dix ans, devenant par là-même un acteur important notamment au niveau de la défense des droits et libertés et dans le domaine politique de la « transition démocratique », mais aussi sur le plan caritatif, socio-économique et environnemental. Ce décret-loi n°2011-88 du 24 septembre 2011 comprend notamment 49 articles.
L’article premier stipule que ce décret-loi « garantit la liberté de constituer des associations, d’y adhérer, d’y exercer des activités et le renforcement du rôle des organisations de la société civile ainsi que leur développement et le respect de leur indépendance ». En revanche, les articles 2 et 3 indiquent que « l’association est une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes œuvrent d’une façon permanente, à réaliser des objectifs autres que la réalisation de bénéfices » et que « les associations respectent, dans le cadre de leurs statuts, activités et financement, les principes de l’Etat de droit, de la démocratie, de la pluralité, de la transparence, de l’égalité et des droits de l’Homme tels que définis par les conventions internationales ratifiées par la République Tunisienne ».
Et selon l’article 4, il est interdit à l’association : « de s’appuyer dans ses statuts ou communiqués ou programmes ou activités sur l’incitation à la violence, la haine, l’intolérance et la discrimination fondée sur la religion, le sexe ou la région », « d’exercer des activités commerciales en vue de distribuer des fonds au profit de ses membres dans leur intérêt personnel ou d’être utilisée dans le but d’évasion fiscale » et « de collecter des fonds en vue de soutenir des partis politiques ou des candidats indépendants à des élections nationales, régionales, locales ou leur procurer une aide matérielle ».
Rym CHAABANI