L’objectif dans cet ouvrage, comme l’a mentionné le traducteur dans son introduction, est de mettre en lumière des aspects de l’histoire de la Tunisie et de la vie de ses habitants en se basant sur trois écrivains ayant passé une période assez importante de leur vie dans notre pays au cours du XIXe siècle qu’ils ont décrit dans leurs œuvres. Ces dernières traduites et commentées en arabe par l’historien tunisien Taieb Naffati, reviennent à trois auteurs venus d’horizons différents, à savoir deux médecins et un consul. Quant à leurs témoignages, ils couvrent une période importante de l’histoire moderne de la Tunisie, dont essentiellement les événements majeurs, les changements, les crises et les tentatives de réformes et de sauvetage qui ont caractérisé ladite période. Nous entendons par là la période complète du règne d’Ahmed Bey (1837-1855) et les premières années du règne de Mohamed Sadik Bey (1859-1882) à l’époque de Mohamed Bey (1855-1859)
De même, le lecteur découvrira, au début du livre, une biographie sommaire des trois écrivains italiens qui se sont intéressés à l’histoire, les traditions et la vie quotidienne et la vie socio-économique en Tunisie au 19è siècle. Le traducteur a conservé trois parties distinctes pour chacun des trois écrivains italiens. D’abord, Abramo Lumbrozo, médecin, ayant vécu entre 1813 et 1866. Ensuite, il s’agit de Giovanni Ferrini, médecin, né au début du 19è siècle et mort à Tunis en 1878. L troisième est Enrico de Gubernatis, consul, qui naquit en Italie en 1836 et mourut en 1914 à Sousse.
Le traducteur s’est concentré notamment sur les témoignages de ces trois auteurs italiens qu’il avait puisés dans leurs écrits sur la Tunisie sous le règne des Beys. Pour ce faire, il a cité des chapitres de l’étude la plus importante que Lumbrozo a réalisée dans le cadre de ses recherches médicales, publiée à Marseille en 1850 sous le titre : « Cenni storico-scientifici sul cholera-morbus asiatico che invase la Reggenza di Tunis nel 1849- 1850 » (Notes historico-scientifiques sur le choléra-morbus asiatique qui envahit la Régence de Tunis en 1849-1850). De même, il s’est basé sur les recherches effectuées par Geovanni Ferrini publiées à Milan en 1860 sous le titre : « Saggio sul clima et sulle precipue mallattie della città di Tunisi e del regno » (Essai sur le climat et les principales maladies de la ville de Tunis et du royaume). La traduction s’est également basée sur la principale œuvre d’Enrico de Gubernatis, parue en 1867, intitulée « Lettere sulla Tunisia e specialmente sulle province de Susa e Monastir » (Lettres sur la Tunisie et surtout sur les provinces de Sousse et Monastir).
Dans cet ouvrage, le lecteur découvrira les témoignages de ces Italiens qui expriment leurs impressions qu’ils ont conservées lors de leur résidence en Tunisie, des impressions concernant la religion et les traditions culturelles, les rites arabo-islamiques pratiqués par les habitants. Mais aussi des témoignages concernant les traditions culinaires et gastronomiques. On y trouve également des témoignages sur la vie des Tunisiens sous le règne beylical, mais aussi une description minutieuse du choléra, cette épidémie qui a ravagé la Tunisie en 1849, avec un tableau illustrant le nombre de victimes et les noms des différentes villes atteintes de cette maladie.
D’autre part, le lecteur trouvera dans cet ouvrage des renseignements concernant la géographie de la Tunisie à cette époque, avec des chiffres à l‘appui, concernant la démographie, le relief, la température, les saisons, la pluviométrie, le vent, l’humidité, les eaux minérales, les parfums, les cours d’eau, les lacs, les marécages, les minerais, le cheptel, les habitations et les rues à Tunis et notamment les caractères des gens et leur comportement les uns vis-à-vis des autres. La polygamie et la condition féminine à cette époque font partie des témoignages de ces écrivains italiens, mais aussi de la prostitution et des maladies sexuellement transmissibles et d’autres maladies répandues à cette époque. De même, on y parle des arts et des métiers artisanaux. Quant aux témoignages de Gubernatus, ils concernent surtout la région de Sousse et de Monastir : une étude détaillée sur les aspects géographiques de ces zones côtières et sur les habitudes des habitants.
Force est de constater que ces trois auteurs italiens dont les témoignages ont été traduits par l’historien Taieb Naffati, nous rappellent certains préjugés portés par les Occidentaux sur les autochtones, considérés comme étant des gens encore arriérés par rapport à l’Occident, à tous les niveaux. Cela nous rappelle également les voyages de certains auteurs français du 19è siècle qu’ils ont effectués en Tunisie et leurs carnets de voyage qu’ils ont consacrés à ces voyages, comme Alexandre Dumas, Gustave Flaubert et Guy de Maupassant et d’autres encore. En effet, les préjugés négatifs à l’encontre des personnes autochtones existent et sont ancrés depuis longtemps dans la mémoire collective des Occidentaux, fussent-ils des intellectuels.
Bref, pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Tunisie, cet ouvrage leur servira de référence pour mieux comprendre une époque déterminante et mémorable dans l’histoire de notre pays.
Hechmi KHALLADI