La malbouffe, c’est une alimentation à basse qualité nutritionnelle : elle est trop riche en sucres, en sels, en graisses et pauvre en fibres. Ce terme est apparu dans les années 80 avec le développement de l’alimentation industrielle. Snacking, fast food, soda… Depuis quelques années, la malbouffe chez les jeunes est un véritable fléau. La junk food, signifiant « déchets, ordures » en anglais, est aujourd’hui pointée du doigt par les professionnels de la santé, comme le souligne auprès du Temps News, Dr. Maha Siala, médecin nutritionniste.

Le Temps.news : Qu’est-ce que la “malbouffe” ?

Dr. Maha Siala : La malbouffe, c’est la dérive moderne de l’alimentation avec des aliments saturés en graisses et en sucres. Nous avons tendance à associer, à tort, la malbouffe à la nourriture que nous consommons dans les fast-foods comme les hamburgers, les pizzas, les kebabs, ou les snacks comme les chips, les biscuits ou encore les sodas. La malbouffe désigne en fait toute forme de nourriture produite industriellement et de mauvaise qualité nutritive du fait d’une teneur trop importante en sel, graisses et sucres. Il s’agit notamment de préparations alimentaires pleines d’additifs et de conservateurs, relativement délétères pour la santé quand elles sont consommées à long terme.

Le modèle alimentaire tunisien semble perdurer, même s’il tend à s’effriter un peu, avec notamment une tendance à la déstructuration (grignotage, irrégularité des horaires de repas, individualisation). On note un déclin des aliments basiques, au profit de produits transformés souvent plus coûteux et moins intéressants d’un point de vue nutritionnel. Une nourriture saine n’est pas seulement basée sur ce que nous mangeons, mais aussi sur la façon dont nous la mangeons. Si partager un bon repas avec ses amis et sa famille est incontestablement une source de bien-être, il semblerait que ce soit également bénéfique pour la santé. Or la majorité de nos enfants ne trouvent pas le temps nécessaire pour manger chez eux. La pression de l’école, l’emploi du temps, les cours particuliers… les obligent souvent à consommer de produits trop gras, trop salés et trop sucrés.

L’inflation a-t-elle favorisé la malbouffe chez les Tunisiens ?

La hausse des prix conduit certains jeunes à privilégier une alimentation de moindre qualité. Et pour les industriels eux-mêmes, le risque peut être qu’ils soient tentés de remplacer certains produits par des substituts moins chers. Ce qui fait qu’ils consomment déjà beaucoup trop d’aliments ultra-transformés, qui contiennent souvent moins d’éléments nutritifs et de fibres, mais beaucoup trop de sucres cachés. On arrive à une alimentation pauvre qui n’apporte plus les nutriments nécessaires avec des prix chers : le sandwich vendu entre 8 et 15 dinars ! Mais on peut manger mieux et moins cher à domicile tout en évitant de consommer ces produits néfastes. Avant on cuisinait beaucoup et on passait du temps à table en famille. Aujourd’hui, de moins en moins de temps est passé en cuisine, la consommation hors foyer s’est accrue et la population a de plus en plus recours aux repas préparés. Il est fréquent de manger seul sur un coin de table, devant son ordinateur, ou connecté à son smartphone, sans vraiment prêter attention à ce que l’on consomme.

Les Tunisiens qui choisissent avec soin leur alimentation, peuvent éviter les dépenses et les maladies. La consommation de poissons bleus tels que les sardines mais aussi, des graines de chia et de lin permettent d’atténuer ces inflammations. Il faudrait rationaliser la consommation et adopter un régime alimentaire sain et écologique, non seulement tout au long de l’année tout en évitant les fast-foods qui coûtent cher au consommateur et nuisent à sa santé. Il faudrait privilégier les aliments bruts, moins chers et plus sains.

Quels sont les dangers de la malbouffe ?

Une mauvaise alimentation peut être à l’origine de bien des maux physiques et jouer un rôle significatif dans le développement de maladies graves. On compte parmi elles : l’obésité, le diabète de type 2, l’ostéoporose, des problèmes cardiovasculaires, une insuffisance rénale, de l’hypertension, du cholestérol. Bien se nourrir dès l’enfance permettrait de se prémunir contre certaines complications à l’âge adulte.

La malbouffe affecte-t-elle notre bien-être mental ?

Les effets délétères de la malbouffe sur la santé physique sont bien connus. Mais les régimes trop riches en graisses et en sucres auraient aussi un impact sur notre cerveau. Il existerait en effet un lien entre la malbouffe et les maladies mentales. Les aliments contenant des sucres ont des effets secondaires, allant de la fatigue aux changements d’humeur, en passant par les maux de tête, les étourdissements, ou l’anxiété.

Comment savoir si on est accro ?

Tout le monde aime grignoter. L’industrie agro-alimentaire sait rendre les aliments transformés attrayants. Mais on devient clairement accro quand on passe du plaisir de manger à l’impossibilité de s’arrêter, sous peine d’être insatisfait, énervé voire agité. Pour certaines personnes, la situation peut devenir si extrême qu’elles ne peuvent pas dormir la nuit sans avoir pris leur « dose » de sucres ajoutés.

La publicité pourrait-elle contribuer à cette malbouffe ?

Nous sous-estimons parfois l’impact de la publicité sur notre consommation, celle-ci peut nous influencer ou nous guider dans certains choix, notamment en ce qui concerne notre alimentation. La nourriture est souvent mise en avant dans les transports en commun, dans nos feuilletons, dans les dessins animés. La publicité pour les burgers et les bonbons est susceptible d’influencer les consommateurs à en manger davantage.

Comment se sortir de cette addiction et adopter une meilleure alimentation ?

Les habitudes alimentaires se développent dès l’enfance. Aussi, il est important d’initier, dès le plus jeune âge, des comportements favorables à la santé en mangeant varié et équilibré. La clé pour limiter sa consommation de malbouffe au quotidien serait de changer ses habitudes et réapprendre à cuisiner. Privilégier des produits frais, locaux et incorporer plus de fruits et de légumes dans son régime alimentaire quotidien aide à garder en tête l’idée de maigrir tout en y prenant du plaisir.

Trop de personnes ont perdu cette culture culinaire et se tournent vers des plats cuisinés, qui contiennent trop de sel et trop de sucres. Retrouver le vrai goût des aliments et assainir son alimentation est important, y compris pour les personnes qui ne sont pas en surpoids. Le régime méditerranéen basé sur une alimentation riche en fruits et légumes, fibres, acides gras oméga 3 et huile d’olive est protecteur en terme de pratique d’une activité physique régulière a de nombreux bénéfices sur la santé, notamment pour la prévention des maladies chroniques comme les cancers, les maladies cardio-vasculaires, le diabète et l’obésité.

Il faudrait adopter cette diète méditerranéenne composée de repas équilibrés et sains (Bourghoul, Malthouth, Bssissa…), tout en prévenant contre les produits tels que la farine blanche et la charcuterie (Jambon, Salami). Le retour à l’alimentation d’antan, celle de nos grands-parents composée de céréales complètes (lentilles, petit-pois, orge…), riches en fibres, en vitamines et en sels minéraux mais aussi, de bonnes graisses est souhaitable. Les Tunisiens qui choisissent avec soin leur alimentation, peuvent éviter les dépenses découlant du traitement de telles maladies.

.                  Interview par Kamel BOUAOUINA