Au moment où le secteur du tourisme a repris son envol et a réalisé de très bons résultats en 2023 avec des indices aussi encourageants pour l’année 2024, on entend parler, aujourd’hui, de la fermeture de près de 30 d’unités hôtelières alors que nous sommes pratiquement en saison estivale. Comment se fait-il que ces hôtels ont fermé ou risquent de le faire dans un contexte aussi positif ?
C’est une vidéo virale qui a fait le tour des réseaux sociaux quia suscité une telle réaction. Il s’agit d’une séquence où une dame tunisienne se plaint du vol de ses bijoux par les femmes de ménage d’un luxueux hôtel de Djerba. Une vidéo qui a créé le buzz et qui appelle à s’interroger sur un fait qu’on voit rarement dans des hôtels d’une catégorie de luxe.
Pourquoi cette affaire a-t-elle secoué les gens du secteur et particulièrement les hôteliers qui gèrent plusieurs unités hôtelières ? C’est simplement parce que ce qui s’est passé a en effet rouvert encore une fois le débat sur la responsabilité des hôteliers et de leurs personnels lors de la survenance de ce genre de délit, ainsi que sur la qualité de la formation de ceux qui travaillent dans le secteur du tourisme, et pas uniquement les femmes de ménage..
Des critères de recrutement revus à la baisse
Selon de nombreux hôteliers, et ils le répètent toujours, l’éternel problème de la qualité des services s’est considérablement aggravé ces derniers temps, puisqu’ils ne trouvent plus de personnel qualifié pour l’engager malgré le fait d’exercer dans un pays où le tourisme occupe une place de choix dans l’économie et dans la vie courante.
Il s’agit, là, d’un constat qui appelle à s’interroger sur ce qui se passe à la base de ce secteur car, qu’on le veuille ou pas, et avec la prolifération d’institutions privées spécialisées dans les différentes tâches hôtelières, on a du mal à imaginer un tel manque. Un constat qui se confirme encore plus durant la haute saison touristique et qui est dû au manque de personnel compétent et au « pillage institutionnalisé » des ressources humaines du secteur.
Ce manque de main d’œuvre est dû à plusieurs raisons puisque les hôteliers eux-mêmes en sont responsables. C’est qu’il s’agit d’un pillage enregistré à petite échelle au niveau local. Certains professionnels du secteur, parfois exerçant dans la même zone, n’hésitent pas, à l’approche de la haute saison, à piquer le personnel formé par leurs voisins sans aucun respect des règles de la déontologie.
Ce qui est encore plus frappant, c’est que la fuite des meilleures compétences dans le secteur hôtelier vers l’étranger est également d’actualité ces derniers temps avec un pillage enregistré surtout au niveau international, puisque certains pays, à l’instar de la France, profitent des milliers de travailleurs touristiques tunisiens en les engageant comme saisonniers dans les hôtels et restaurants de l’Hexagone. Dans ce pays et dans d’autres à vocation touristique comme l’Italie et l’Espagne, il s’agit d’une stratégie qui leur permet de surmonter l’énorme pénurie du personnel spécialisé constaté après la crise sanitaire du COVID-19, surtout au niveau des postes de serveurs, de plongeurs, de cuisiniers, de femmes de ménage et de commis ou chefs de rang, en plus des employés de direction.
Les meilleurs sont partis en Europe
Les candidats ainsi retenus sont en train d’aller travailler par milliers en France pour une période maximale de six mois avec un salaire mensuel brut d’au moins 1645 euros pour 35 h de travail par semaine. Une base amenée à évoluer, en fonction des grilles de salaire établies dans la branche de l’hôtellerie-restauration de ces pays, comme, à titre d’exemple, celle de l’Union Française des Métiers et des Industries de l’hôtellerie (UMIH).
Ainsi, les hôteliers se trouvent obligés, face au manque cruel de personnel opérationnel et de personnel d’encadrement, à engager pêle-mêle et sans vérifications des personnes incompétentes ou non formées pour faire face aux besoins de la haute saison. Ce qui ne manque pas, évidemment, d’influer sur la qualité des services et peut augmenter les dérapages et les problèmes dont les vols à l’instar de ce qui s’est passé dans ce luxueux hôtel de Djerba.
D’ailleurs, Ahmed Ben Taieb, le président de la Fédération tunisienne des agences de voyages (Ftav), vient de confirmer que près de 30% des unités hôtelières sont fermées. Selon lui, plusieurs facteurs et crises ont conduit à cette situation, dont le problème de l’endettement, bien entendu, mais il a beaucoup insisté sur les problèmes pratiques qui nuisent à la bonne marche du secteur, notamment le recyclage ainsi que la pénurie de main-d’œuvre puisque les meilleurs sont désormais interceptés, dès leur parcours académique achevé, un fléau qui ne cesse pas de causer de sérieux problèmes à la bonne marche des unités hôtelières du pays et qui risque de toucher même à leur crédibilité qui constitue leur meilleur atout auprès des touristes, surtout ceux qui ont l’habitude de venir passer leurs vacances en Tunisie. Ceci sans compter les pertes énormes qui s’en suivent puisque l’Etat dépense beaucoup d’argent pour la formation d’un personnel qui va exercer sous d’autres cieux.
Kamel ZAIEM