Pas facile, la vie de start-up. Sur 10 jeunes pousses créées, il n’en reste qu’une sur pied, parfois deux, après cinq ans d’existence. L’essor des start‑up et des PME tunisiennes se heurte à plusieurs obstacles de taille. Pour passer d’une simple idée à un véritable projet qui génère des bénéfices et réalise un retour sur investissement, le chemin est long et est très souvent semé d’embûches.
Les fonds en capital‑investissement et en capital‑risque sont limités, tandis que les banques imposent des exigences de garanties et des coûts d’emprunt élevés. Plusieurs jeunes tunisiens connaissent des difficultés pour emprunter et créer une entreprise. Pour éclairer la lanterne des jeunes qui souhaitent se lancer dans l’entreprenariat innovant, sur les moyens de financement disponibles en Tunisie, une table ronde exclusive sur l’investissement providentiel, a été organisée samedi 11 mai à l’hôtel Sindbad à Hammamet. Cet événement est conçu pour offrir aux participants une compréhension approfondie de l’investissement providentiel et des opportunités qu’il présente dans le monde des startups et de l’innovation.
« Cette manifestation organisée par le Centre des jeunes dirigeants de Nabeul s’inscrit dans le cadre du programme d’appui à l’écosystème de l’entrepreneuriat et de l’innovation en Tunisie. Ce rendez-vous a réuni des entrepreneurs, des universitaires, des acteurs de l’écosystème des startups et décideurs publics pour analyser l’écosystème des startups en Tunisie et dans le monde, à travers une approche à la fois théorique et empirique. Ce fut aussi une opportunité de débattre les différentes stratégies d’accompagnement et de financement des startups permettant de mettre en exergue les différentes contraintes et causes qui entravent leur essor et de proposer des scénarios adaptés pour mieux stimuler l’évolution de cet écosystème» a indiqué Haythem Goddi, le Président du CDJ de Nabeul .
Comment le modèle start-up peut stimuler l’innovation et la croissance des entreprises
Qu’est-ce qu’une start-up ? explique le Directeur Général de « Smart Capital » Aleya Bettaieb« C’est une entreprise bien sûr, mais pas tout à fait comme les autres. Elle se distingue par son caractère particulièrement innovant et sa prise de risque. Elle est fondée par un entrepreneur qui fait preuve de passion, de ténacité et de leadership afin de développer et de valider un modèle économique évolutif et, par conséquent, de générer davantage de revenus pour le pays. Le produit ou le service proposé doit correspondre à une forte demande du marché. Les start-ups sont placées en première ligne dans l’écosystème de l’innovation. Et pour cause : elles sont plus aptes à s’aventurer dans les secteurs à fort potentiel.
Depuis une dizaine d’années, la Tunisie a connu une accélération du développement des start-ups et de leur écosystème. De plus en plus de personnes choisissent la voie de l’entrepreneuriat innovant et la qualité des profils s’est nettement améliorée. Aujourd’hui, on se trouve face à des entrepreneurs plus matures, avec des expertises solides, qui ont plus de chances de porter leurs projets jusqu’au bout. Il y a beaucoup plus de créations de start-ups, mais aussi d’acceptation de la part des entreprises et du grand public de l’idée de payer pour de l’innovation, surtout après la crise du Covid 19. où tout le monde s’est rendu à l’évidence que la digitalisation n’était plus un ‘‘nice to have’’ mais un ‘‘must have’’. » Du côté de l’écosystème d’innovation, les acteurs publics et privés multiplient désormais les possibilités d’accompagnement et de financement». Aleya Bettaieb explique que plusieurs modes de financement s’offrent aux entrepreneurs souhaitant lever des fonds. Il existe plusieurs types de levées de fonds en fonction des différentes étapes de la vie de l’entreprise.»
Mieux vaut investir dans les start-up que dans l’immobilier !
Noomane Fehri, CEO Our Digital Future, a rappelé que « la Tunisie est traversée par trois économies. Une économie administrée est assujettie à la loi de la BCT et à l’administration. La deuxième économie comprend l’économie parallèle alors que la troisième économie est celle de l’innovation, qui donne des résultats concrets avec le Startup Act . Dans ce contexte, Noomane Fehri a souligné qu’investir dans les start-up est beaucoup plus facile car on peut investir en tant que Business Angel. En somme, investir dans les start-up c’est mieux qu’investir dans l’immobilier. Personnellement, comme investisseur régulier des start-up, le bilan est largement positif. Certaines start-up m’ont rapporté 50 fois la somme que j’ai investie et d’autres m’ont apporté 0 millime »,dit-il.
Certains entrepreneurs interviewés estiment que la rigidité de la réglementation de change, la lenteur administrative et la bureaucratie excessive rendent difficile le parcours du start-upper et peuvent vite le décourager. « Créer une start-up, tout le monde peut le faire. Le vrai défi, c’est de tenir dans la durée » note Nadia, une jeune entrepreneure. Pour passer un cap, il faut se structurer. « Au stade de start-up, on est souple, car on cherche encore un business model, mais, pour travailler à grande échelle et signer de gros contrats, il est impératif de mettre en place une nouvelle organisation pour les rassurer et pouvoir se développer avec eux.» souligne, Ali, un jeune entrepreneur
Un parcours de combattant
Business angel, entrepreneure, experte en finance de marché et en gouvernance des systèmes d’information, fondatrice de la startup technologique Notchapp et vice-Présidente de « Bridging angels », un réseau d’investisseurs et d’entrepreneurs, issus principalement des diasporas africaines, la Tunisienne Samar Louati a précisé que « la création d’une start-up est un parcours de combattant. Le chemin est de loin balisé .Il faudrait beaucoup de résilience et de persévérance .L’erreur classique que fait tout entrepreneur, est de vouloir brûler les étapes et de commencer à chercher des fonds avant d’avoir validé son « Proof of concept ». Si celui-ci est validé, il est important de se faire accompagner car le processus de levée peut s’avérer long et complexe, pourtant celui-ci obéit à des codes assez standards que les initiés connaissent bien. Beaucoup de gens se trompent.
La réussite d’une start-up est liée à la qualité de l’équipe, au financement et au marché. Un écosystème de start-up solide est essentiel au succès de toute start-up . Le développement des startups dans un territoire quelconque nécessite la création d’un écosystème propice et stimulant. Cet écosystème est composé par un ensemble d’acteurs . Pour les acteurs, on distingue les incubateurs, les accélérateurs, les universités, les espaces de coworking et les bailleurs de fonds … qui s’associent et interagissent pour faciliter l’émergence des startups. Un écosystème de start-up florissant donne accès aux talents, aux capitaux, au mentorat et aux marchés.
A l’instar de plusieurs pays, la Tunisie n’a pas échappé à cette tendance. Les autorités publiques ont déployé des efforts remarquables pour booster le développement des startups et faire de la Tunisie une « Startup nation ». Dans cette approche, le gouvernement tunisien a mis en place plusieurs mesures ambitieuses, tels que la promulgation du startup act (2018) qui a créé un environnement légal propice au développement des start-ups, ou encore l’accès à d’autres modes de financement à savoir le crowdfunding ou le financement participatif.
La Tunisie a connu également une augmentation significative du nombre d’incubateurs et d’accélérateurs qui accompagnent les startups à différents stades de leur développement. Ces diverses mesures ont entraîné une augmentation du nombre des startups labellisées à un chiffre de 1024 en 2024. Reste la réforme du code de change qui est une nécessité si on veut booster davantage l’activité des start-up tunisiennes, encourager les jeunes entrepreneurs à développer leur start-up, mais aussi attirer les investisseurs étrangers. »
Financement d’une startup : trouver des investisseurs et des fonds
Monter sa start-up est un parcours semé d’embûches, de déconvenues pour enfin trouver la confiance en soi et aller de l’avant. « Ce n’est pas une mince affaire ! explique Lotfi Gabsi, Président de Hammamet Valley Hub « Quel que soit le produit ou le service vendu par l’entreprise, et peu importe le secteur d’activité, de nombreuses autres tâches se greffent. Aspects légaux, financement, communication, marché … autant de domaines qui nécessitent un minimum de formation, parfois spécifiques au domaine d’activité.
L’accompagnement, en plus d’aider à se développer soi-même en tant qu’entrepreneur, permet de se former et d’avancer sur la globalité de son projet. La recherche de financement est le nerf de la guerre. Bien souvent : pas de financement, pas de projet. Le milieu financier est très codifié, et chacun des acteurs a des intérêts et critères différents pour accorder ou non un financement. Ces entrepreneurs ont du mal à trouver un financement. Ils doivent compter sur eux-mêmes. Ils ont besoin d’un financement adéquat qui répond au mieux à leurs exigences. La difficulté confrontée par beaucoup des jeunes est l’incapacité d’accéder à un niveau de capital suffisant pour booster et développer davantage leurs activités.
L’exigence de garantie et les demandes de prêt complexes sont parmi les principaux obstacles liés au financement des start-up tunisiennes. De plus, on remarque un manque de soutien suffisant lorsque ces entreprises sont en phase de démarrage, ni de financement lorsqu’elles ont des besoins en fonds de roulement. Trouver de l’argent en dehors des amis et de la famille peut être extrêmement compliqué. Les banques prêtent très peu. Et convaincre des investisseurs est un travail de tous les instants. La principale difficulté pour une start-up consiste à convaincre des partenaires financiers (banquiers, investisseurs, business-angels).
L’auto-financement est une solution envisageable pour financer le développement de l’activité d’une start-up. Par contre, en phase de démarrage, l’entreprise ne génère pas encore suffisamment de revenus.En pratique, une start-up parvient très difficilement à se développer uniquement grâce à l’auto-financement. Souvent, ses propres ressources ne permettent pas de suivre le plan de développement prévu. Après son lancement, une start-up a besoin d’une croissance rapide. Pour cela, des moyens importants doivent être mobilisés.C’est pourquoi une dizaine de fonds sont actuellement mobilisés pour aider ces jeunes entrepreneurs. »
« Bridging angels, un réseau africain d’investisseurs et d’entrepreneurs.
Le réseau Bridging angels pourra soutenir des startups et PMEs innovantes, créatrices de valeur en Tunisie a indiqué Samar Louati « Effectivement je suis vice –Présidente et porte-parole de ce réseau . Bridging Angels est un réseau de Business Angels désirant investir dans des Startups et PMEs innovantes africaines. L’ambition de Bridging Angels est de fédérer les diasporas africaines (actuellement la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont représentés au sein de notre réseau) et les amoureux de l’Afrique de manière générale afin d’encourager et financer des entreprises créatrices de valeur sur le continent avec un business model scalable à même de produire les prochaines licornes africaines.
L’objectif de Bridging Angels est comme son nom l’indique de construire des ponts entre un continent Africain en pleine transformation et les places financières internationales via principalement une diaspora qui réussit. Il pourra aider au financement des start-up africaines et former un réseau aux profils complémentaires (fondateurs de startups, conseils en recherche de financement, investisseurs institutionnels)»
Kamel BOUAOUINA
Photos – Berrazagua