Au début du mois, la banque centrale a finalement décidé de rectifier son orientation monétaire en réduisant ses taux directeurs de 25 points de base (pb). Cette décision était attendue, deux ans après le début d’un cycle de resserrement record de 10 hausses de taux consécutives qui ont porté le taux de dépôt de référence de la zone euro à 4 %.
Il s’agit d’une décision historique, car c’est la première fois que la Banque centrale européenne (BCE) entame un cycle d’assouplissement avant la Réserve fédérale américaine (Fed), habituellement plus « dovish ». En outre, la décision a été prise alors que l’on craint que l’inflation supérieure à l’objectif (2 %) n’accélère à nouveau, après des mois de modération significative. En fait, l’inflation globale était de 2,6 % en mai, tandis que l’inflation de base, qui exclut du panier de référence les éléments les plus instables que sont les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, s’élevait à 2,9 % pour la même période.
Hausse des prix à la consommation dans la zone euro
(%, d’une année à l’autre)
Selon nous, malgré les inquiétudes persistantes concernant l’inflation, cette décision marque le début d’un cycle graduel de réduction des taux d’intérêt. Dans cet article, nous examinons les trois principaux facteurs qui étayent nos prévisions.
Tout d’abord, l’inflation consolide sa convergence régulière vers l’objectif de la BCE, ce qui plaide en faveur de nouvelles réductions des taux d’intérêt. L’inflation se situe désormais à un peu plus d’un demi-point de pourcentage de l’objectif de politique monétaire. L’inflation de base est une mesure importante pour la politique monétaire. En excluant les composantes les plus volatiles, l’inflation de base fournit une vision plus stable et plus informative des tendances sous-jacentes de l’inflation. Le pic de l’inflation de base a été atteint à 7,6 % en mars de l’année dernière, après quoi elle a entamé une tendance régulière à la baisse, atteignant 2,9 % dans la publication la plus récente. Le cycle de désinflation devrait se poursuivre, indépendamment de la volatilité et des données négatives inattendues.
En outre, les mesures des attentes à long terme se sont stabilisées à l’objectif de 2 % pendant deux trimestres consécutifs. La maîtrise des anticipations est essentielle pour modérer les pressions sur les prix exercées par les entreprises, ainsi que les revendications salariales des travailleurs. Dans l’ensemble, avec une inflation proche de l’objectif de la BCE et des anticipations d’inflation maîtrisées, les conditions sont réunies pour le début d’un cycle de réduction des taux directeurs.
Indice des conditions financières de la zone euro
(Indice 100 = moyenne depuis 2000)
En second lieu, le cycle record de resserrement des taux directeurs, ainsi que la normalisation du bilan de la banque centrale, ont laissé les conditions financières à des niveaux exceptionnellement restreints. L’indice des conditions financières pour la zone euro fournit un résumé utile des coûts du crédit. Cet indicateur combine des informations sur les taux d’intérêt à court et à long terme, ainsi que sur les écarts de crédit. L’indice a connu un pic à la mi-2022 et se situe actuellement à des niveaux qui n’ont été atteints qu’au pire de la crise financière mondiale, lorsque l’économie européenne a été confrontée à un resserrement du crédit et que les prix des actifs se sont effondrés, ou pendant la crise de la dette souveraine européenne.
Outre les hausses des taux directeurs, la BCE a continué à revenir sur l’expansion du bilan qui avait été mise en œuvre pendant la pandémie de Covid pour soutenir l’activité économique. Le « resserrement quantitatif » en cours continuera à retirer du système financier les liquidités créées par des mesures extraordinaires et temporaires. La diminution des liquidités et l’augmentation du coût du crédit ont un impact sur les volumes de crédit, qui se contractent en termes réels et devraient continuer à diminuer dans les mois à venir, ce qui indique à la BCE que son cycle de resserrement a été efficace.
Enfin, la zone euro vient de connaître une légère récession au second semestre 2023, et ses performances en matière de croissance économique devraient rester médiocres. Les dernières impressions de l’indice des directeurs d’achat (PMI) indiquent une stagnation des perspectives économiques. Le PMI est un indicateur basé sur une enquête qui fournit une mesure de l’amélioration ou de la détérioration de l’activité économique. Cette année, l’indice PMI global, qui suit l’évolution conjointe des secteurs des services et de l’industrie manufacturière, est resté inférieur ou proche du seuil de 50 points qui sépare la contraction de l’expansion. Conformément à cet indicateur, le consensus Bloomberg prévoit une croissance modeste du PIB réel de 0,6 % cette année. Même si nous pensons que l’activité de la zone euro peut réserver des surprises positives cette année, notre projection de croissance de 0,9 %, moins négative, reste bien inférieure à la croissance à long terme de 1,5 %. Par conséquent, la croissance devrait rester bien en deçà de la tendance et nécessiter un certain soutien de la part des autorités.
Dans l’ensemble, la baisse des taux directeurs par la BCE a été soutenue par le cycle de désinflation toujours en cours et par des conditions financières trop restrictives dans un environnement de croissance inférieure à la tendance. Nous nous attendons à ce que le cycle d’assouplissement soit progressif, en l’absence de développements inattendus significatifs en matière d’inflation, avec deux réductions supplémentaires de 25 points de base cette année, alors que la BCE continue de surveiller l’évolution des prix et de l’activité économique.