Quatorze mois après le début du conflit, le Soudan est confronté aux pires niveaux d’insécurité alimentaire aiguë jamais enregistrés dans le pays, ont alerté jeudi des agences humanitaires des Nations Unies, relevant que si la guerre entre les belligérants s’aggrave, 14 localités risquent de connaître la famine. L’Unicef estime que le nombre d’enfants soudanais confrontés à de graves pénuries alimentaires a presque doublé en six mois. Environ 75 % des enfants souffrent aujourd’hui quotidiennement de la faim, alors que le conflit atteint des niveaux record, ce qui fait craindre une augmentation de la malnutrition infantile.
Il s’agit d’une ampleur sans précédent depuis la crise du Darfour au début des années 2000, avertissent les responsables de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et du Programme alimentaire mondial (PAM). « Quatorze mois après le début du conflit, le Soudan est confronté aux pires niveaux d’insécurité alimentaire jamais enregistrés par le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) dans le pays », a indiqué le PAM, ajoutant que la situation est « catastrophique » dans ce pays d’Afrique du Nord-Est.
Une catastrophe alimentaire sans précédent
Sur la base de nouveaux chiffres de l’IPC, les agences humanitaires ont constaté que 16,4 millions d’enfants, soit trois enfants sur quatre, sont désormais confrontés à des niveaux de faim « de crise », « d’urgence » ou « de catastrophe », contre 8,3 millions en décembre 2023. « La faim et la malnutrition se propagent à une vitesse alarmante. Il n’y a pas de temps à perdre. Tout retard dans l’accès sans entrave aux populations vulnérables se mesurera en perte de vies d’enfants », a averti la Directrice générale de l’UNICEF, Catherine Russell.
Plus largement, la détérioration rapide de la situation laisse plus de la moitié de la population (25,6 millions) dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë. Dans ce lot, quelque 755.000 personnes sont confrontées au niveau le plus grave de la faim extrême dans 10 États. Par ailleurs, 8,5 millions, soit 18 % de la population, sont confrontés à des pénuries alimentaires qui pourraient entraîner une malnutrition aiguë et la mort.
Cette dernière analyse de l’IPC marque une détérioration brutale et rapide de la situation par rapport à la précédente mise à jour publiée en décembre 2023. Six mois plus tard, le nombre de personnes confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë a augmenté de 45 % (de 17,7 millions à 25,6 millions), tandis que la population en situation de catastrophe a bondi de zéro à 755.000 au cours de la période juin-septembre 2024.
Branle-bas de combat des agences humanitaires
Toutefois, les agences humanitaires onusiennes s’attendent à un léger répit. Pendant la saison des récoltes (octobre 2024 – février 2025), les conditions de certains ménages devraient s’améliorer légèrement grâce aux disponibilités alimentaires provenant de la production locale. Toutefois un très grand nombre de personnes (21,1 millions) devraient continuer à être confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, dont environ 6,4 millions en situation d’urgence et près de 110.000 personnes en situation de catastrophe. Au cours de cette période, sept régions devraient être confrontées à un risque de famine.
Malgré les difficultés d’accès, c’est le branle-bas de combat des agences onusiennes pour éviter la famine. Le PAM est venu en aide à plus de 3 millions de déplacés depuis le début de l’année et intensifie son aide pour atteindre 5 millions de personnes supplémentaires d’ici la fin de l’année. De son côté, l’UNICEF a permis à près de 5,5 millions d’enfants de bénéficier d’un dépistage nutritionnel et à plus de 322.000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère de recevoir un traitement vital. La FAO se prépare, pour sa part, à aider plus de 1,8 million de ménages agricoles et pastoraux, soit l’équivalent de 9 millions de personnes, à reprendre leurs activités de subsistance.
« Pour chaque personne que nous avons aidée cette année, huit autres ont désespérément besoin d’aide », a pourtant regretté Cindy McCain, directrice exécutive du PAM. « Nous avons besoin d’urgence d’une expansion massive de l’accès humanitaire et du financement afin de pouvoir intensifier nos opérations de secours et d’arrêter le glissement du Soudan vers une catastrophe humanitaire qui menace de déstabiliser l’ensemble de la région ».
(avec agences et médias)