L’investissement dans l’économie verte et le tourisme durable représente une opportunité pour la Tunisie, pour atteindre des objectifs de croissance économique et de développement durable, tout en contribuant à la lutte contre les effets du changement climatique.
L’entrepreneuriat vert est un atout pour accompagner la Tunisie dans sa transition économique, technologique et environnementale. Il constitue une nouvelle dynamique économique en pleine évolution dans un contexte de prise de conscience des enjeux environnementaux planétaires. C’est dans ce cadre qu’un séminaire de capitalisation s’est tenu à Tunis pour clôturer le « Programme d’appui aux initiatives entrepreneuriales dans le tourisme durable ».
Implémenté par TAMSS, en partenariat avec le projet « Promotion du tourisme durable », ce programme est mis en œuvre par le ministère du Tourisme avec l’appui de la GIZ. Il est financé conjointement par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) et par l’Union européenne dans le cadre de son programme « Tounes Wijhetouna ».
Soutien financier à 154 projets
Ce séminaire a été ouvert par le ministre du Tourisme, Mohamed Moez Belhassine, qui a souligné, lors de son intervention, que son département, à travers différents mécanismes d’accompagnement dans le cadre de la coopération internationale, a mis en place des actions concrètes d’accompagnement et de financement de prestataires touristiques. « Les bénéficiaires ont ainsi acquis les compétences et les connaissances nécessaires pour intégrer les pratiques durables dans leurs activités touristiques », a indiqué le ministre, rappelant que les prestataires avaient appris à valoriser les ressources locales, à minimiser leur empreinte écologique et à offrir des expériences authentiques et enrichissantes aux visiteurs.
De son côté, le chef de projet « Promotion du tourisme durable » à la GIZ, José Froehling a rappelé que le programme d’appui aux initiatives entrepreneuriales dans le tourisme durable est composé de deux volets principaux : technique et financier avec un accompagnement individuel qui a permis aux bénéficiaires de réussir à mettre en œuvre leurs idées et à développer leurs activités économiques d’une manière durable. « Le soutien financier a également joué un rôle crucial en fournissant des fonds permettant de minimiser les risques d’investissement et ayant permis à nos bénéficiaires de démarrer immédiatement avec leurs projets et leurs idées. Il leur a permis aussi de réaliser des progrès plus rapides », a précisé également M. Froehling.
Le Programme de soutien aux initiatives entrepreneuriales dans le tourisme durable a concerné 166 bénéficiaires qui ont été soutenus techniquement et 154 bénéficiaires soutenus financièrement avec près de 200 nouveaux emplois créés. La valeur de financement a atteint l’équivalent de 5000 euros octroyés sous forme de services et de matériel à chaque bénéficiaire.
« Slow Trip »
Abordant les nouvelles tendances du tourisme à l’échelle internationale, et notamment ce qui est désormais connu sous l’appellation « Slow Trip » ou « le voyage en douceur », Chéma Gargouri, fondatrice et directrice exécutive de l’Association TAMSS, a expliqué, chiffres à l’appui, qu’il s’agit d’un marché en pleine expansion. « La taille du marché international du tourisme durable a été estimée à 2,73 billons de dollars en 2023 et elle devrait atteindre 9,17 billons de dollars, enregistrant ainsi un taux de croissance annuel de plus de 14% entre 2023 et 2032 », a-t-elle affirmé.
« Le tourisme durable sollicite le leadership local en renforçant les systèmes locaux et en répondant aux besoins des communautés. L’entrepreneur dans ce domaine est particulier car il entretient les émotions, le partage, l’échange, le don et l’aventure humaine. Donc, le touriste ou le voyageur qui va venir est aussi différent. Il cherche à vivre une aventure humaine. En tant que responsable de la mise en œuvre de ce programme, il fallait que nous trouvions cet équilibre. C’est-à-dire, comment appuyer les entrepreneurs à aborder cette profession d’une manière professionnelle et générer des revenus. »
Le Programme d’appui aux initiatives entrepreneuriales dans le tourisme durable a enregistré plus de 800 candidats dont 166 ont été sélectionnés répartis entre 111 hommes et 55 femmes. La tranche d’âge majoritaire est entre 30 et 45 ans. 64% des bénéficiaires possèdent des diplômes d’études universitaires. Les activités accompagnées sont majoritairement des maisons d’hôtes, des tables d’hôtes, des activités Outdoor,et start up.
« 64% des projets n’ont pas eu recours aux crédits bancaires »
« Nous avons réussi à formaliser 42 initiatives dont 54% de patentes individuelles et 31% des SARL », a déclaré pour sa part Jihène Ben Messaoud Mzali, cheffe de projet TAMSS. « Le capital moyen de ces projets est de 1 à 20 mille dinars. 64% de ces projets n’ont pas eu recours aux crédits bancaires d’où l’impact de notre programme ».
Il a également été précisé que 80% des bénéficiaires étaient satisfaits étant donné la forte valeur ajoutée de cette subvention qui est parfois supérieure ou égale au capital initial, tandis que 85% des bénéficiaires se sont dit satisfaits des formations accordées.
L’événement a été aussi une occasion pour la projection de deux vidéos mettant en valeur la contribution du Ministère du Tourisme et ses commissariats impliqués, la GIZ et Tamss. Elles ont également mis à l’honneur les bénéficiaires du Programme sur, principalement, cinq zones d’intervention.
En outre, un panel a eu lieu permettant à 6 bénéficiaires de partager leurs expériences, leurs parcours et de parler de l’appui dont ils ont bénéficié. Il s’agit des entrepreneurs de « la Fontaine » Bénine à Ain Draham, de « Tilli Tanit » à Mahdia, de la Startup « Invented Technology » à Djerba, de « Samanah Valley » à Sousse, de « Wildy » à Tunis et du « Voyageur du Désert » à Tozeur.
L’accès au financement
Le tourisme est l’un des vecteurs de croissance les plus prometteurs pour l’économie mondiale. À ce titre, il peut jouer un rôle moteur dans la transition vers une économie verte et favoriser une croissance plus durable et inclusive. Étant donné ses liens étroits avec de nombreux secteurs, au niveau des destinations et à l’échelle internationale, toutes les améliorations même mineures ayant pour effet de renforcer sa durabilité auront un retentissement considérable.
Les investissements et les financements revêtent à cet égard une importance cruciale. Les possibilités sont nombreuses, de l’investissement public et privé dans des modes de transport bas carbone et la construction d’infrastructures touristiques économes en ressources aux programmes qui appuient l’innovation, favorisent l’adoption par les entreprises de pratiques responsables et encouragent l’intégration des entreprises du secteur à des chaînes logistiques touristiques faiblement émettrices de carbone et durables. C’est ainsi qu’un deuxième panel a été axé sur l’écosystème du secteur du tourisme durable en Tunisie.
Les représentants de Greenovi, du DMO Mahdia, de Leaders International, du Groupement d’Intérêt Economique MDINTI et la directrice RSE et développement durable à la STB ont parlé notamment de l’accès au financement jugé par les participants comme difficile en Tunisie, en soulignant que le Programme d’appui aux initiatives entrepreneuriales est un mécanisme permettant de résoudre une partie de cette problématique en permettant aux porteurs de projets de passer à l’œuvre et de réaliser leur rêve. Ils ont également mis l’accent sur l’importance de la durabilité qui est devenue une nécessité pour les entreprises aujourd’hui.
Projets touristiques durables
L’objectif est de favoriser l’accès à des financements pour les projets touristiques durables, quelle que soit leur taille. Les pouvoirs publics peuvent intervenir directement au travers de subventions et de prêts bonifiés sur critère environnemental, pour financer le démarrage et les premières phases de projets durables proposés par les entreprises, ainsi que les entreprises disposées à intégrer des pratiques durables à leurs opérations courantes. Ils peuvent aussi encourager l’adoption d’instruments de financement écologiques pour les projets touristiques.
Des aides adaptées aux petites entreprises touristiques peuvent se justifier dans les cas où elles servent des objectifs de protection de l’environnement et de durabilité. Il faut veiller à ne pas évincer le secteur privé. On peut faire appel à des instruments de financement indirects (cautionnement public) pour pallier l’absence de garanties liées à la production d’actifs immatériels fondés sur des services et à l’adoption progressive de processus plus respectueux de l’environnement. D’autres pistes consistent à favoriser les partenariats public-privé pour financer les investissements dans des infrastructures durables et la rénovation, et à mettre au point des mécanismes de répartition des risques afin d’encourager la participation du secteur privé au financement du développement du tourisme durable.
Les stratégies du secteur privé peuvent contribuer à combler le déficit d’investissement dans le tourisme durable ; une politique active de ciblage et d’accompagnement des investisseurs soucieux de l’environnement est donc recommandée. Les entreprises touristiques doivent être mieux informées des arguments économiques justifiant l’adoption de pratiques durables, et encouragées à tenir compte des répercussions de leurs interventions sur l’environnement. Des critères environnementaux et sociaux doivent être intégrés aux politiques et programmes intéressant le tourisme, y compris aux mesures de facilitation et de promotion de l’investissement dans le secteur.
Kamel BOUAOUINA