Le gaspillage alimentaire devient de plus en plus flagrant chez les Tunisiens. Ce gaspillage a sûrement ses aspects négatifs sur l’économie nationale, la société et l’environnement. En effet, selon un rapport récent, publié par l’Association Racines et Développement Durable (RDD), pour une famille tunisienne composée de 5 personnes, on enregistre une perte financière d’environ 85 dinars par mois et qui atteint jusqu’à 340 dinars durant le mois de ramadan. Face à cette situation, il est impératif de comprendre ce phénomène pour mieux agir contre ses effets.
Le même rapport précise que « les principaux aliments gaspillés par les ménages tunisiens sont le pain avec un taux de gaspillage de 15,7%, les produits céréaliers (10,2%), les légumes (6,5%), les fruits (4,2%), les produits laitiers (2,3%) et les viandes (1,9%). » Les aliments gaspillés sont en majorité jetés en tant que déchets constituant ainsi une source de pollution significative, notamment avec les modes actuels de la gestion des déchets, caractérisés par des faibles taux de couverture de la collecte et le recours quasi automatique à la mise en décharge.
Des chiffres alarmants
D’autres chiffres sont aussi significatifs, comme ceux de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), révélant que « chaque tunisien jette annuellement 172 kilos d’aliments à la poubelle. Ce chiffre démontre l’ampleur du gaspillage alimentaire sous nos cieux. Un fléau qui prend des proportions alarmantes surtout durant le mois de Ramadan. » La Tunisie occupe la première place en termes de gaspillage alimentaire au Maghreb et la deuxième place dans le monde arabe, selon le rapport de l’Indice de gaspillage alimentaire pour l’année 2024 publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement.
La FAO, l’INC et le Ministère tunisien de l’Agriculture ont réalisé des études récentes dans le cadre du projet « Réduction des pertes et gaspillage alimentaire et développement des chaînes de valeur pour la sécurité alimentaire en Egypte et en Tunisie ». Ces études ont fait ressortir que « les Tunisiens jettent plus de 113 mille tonnes de pain chaque année, soit 42 kg/ménage/an. Le 1/3 des plats préparés est jeté durant le mois de Ramadan. Le gaspillage coûte aux ménages tunisiens 5% de leurs dépenses alimentaires. En outre, 68% des déchets ménagers en Tunisie sont organiques et le pays ne recycle que 5% seulement. 67% des restaurants universitaires jettent les restes des plats. 93% des étudiants gaspillent du pain et 70% déclarent prendre plus que leurs besoins. Ainsi, on peut dire que le gaspillage alimentaire représente en moyenne environ 12% des dépenses alimentaires et 3,6 % du total des dépenses effectuées par le Tunisien.
Des conséquences graves
Il va sans dire que le gaspillage pèse lourd sur le budget de l’Etat, étant donné qu’une grande partie des produits alimentaires gaspillés sont subventionnés et souvent importés en devises : environ 22% des subventions allouées à la farine pour la fabrication du pain sont gaspillés. De même, le pain gaspillé coûte environ 100 millions de dinars à la collectivité nationale, soit environ 22,2% des 450 millions de dinars alloués par le budget de l’état pour subventionner la farine du pain. Les experts sont unanimes quant aux répercussions environnementales du gaspillage alimentaire, lequel peut contribuer aux émissions des gaz à effet de serre, au dérèglement des écosystèmes, à la consommation excessive des ressources de l’eau, à l’érosion des sols et à la perte de la biodiversité.
Aussi faut-il que le gouvernement pense à des moyens efficaces pour lutter contre ce phénomène. Mais avant tout, les Tunisiens sont appelés à changer leurs habitudes alimentaires et leur vision de l’environnement, en adoptant de nouveaux régimes alimentaires et, partant, en réduisant la quantité de la nourriture jetée quotidiennement dans les poubelles.
Hechmi KHALLADI