Les participants à un séminaire, tenu hier à Tunis, ont souligné les répercussions négatives de la migration irrégulière, notamment le renforcement sécuritaire de la surveillance des frontières sur les revenus des pêcheurs dans plusieurs régions côtières de la Tunisie.
Le séminaire, organisé à l’initiative du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) avec la participation de chercheurs et d’universitaires de Tunisie et d’Italie, a été axé autour de la question des « modes de vie et des formes de résistance en Méditerranée face aux politiques d’externalisation des frontières ».
Romdhane Ben Amor, porte-parole du FTDES, a indiqué que ce séminaire représente une occasion permettant de mettre en lumière la situation en Méditerranée dans son ensemble, dans le cadre des politiques imposées par l’Union européenne (UE), notamment l’externalisation des frontières et la réduction des flux migratoires irréguliers.
Il a estimé que ces « politiques ont eu un impact négatif sur les droits des migrants en mer, notamment dans les pays de départ, en particulier les pays du Sud », selon ses propos. Il a souligné leurs répercussions négatives sur la situation socio-économique des pêcheurs Tunisiens en raison de la baisse de leurs revenus liés à la pêche réglementée.
Romdhane Ben Amor a ajouté que « si les approches européennes axées sur le renforcement de la surveillance sécuritaire ont donné des résultats satisfaisants pour les pays du Nord de la Méditerranée, avec une réduction de plus de 65 % des flux de migration irrégulière par rapport à l’année précédente selon les autorités italiennes, ces nouvelles politiques ont eu un impact négatif important sur les catégories les plus vulnérables, à savoir les migrants et les pêcheurs ».
Nécessité de revoir les politiques de coopération avec l’UE
Il a indiqué que les pêcheurs estiment que les priorités sont davantage axées sur le volet sécuritaire pour contrer les traversées illégales (clandestines) plutôt que sur la lutte contre la pêche illégale, l’épuisement des ressources marines et la pollution croissante des mers, notamment avec l’augmentation des déchets plastiques.
Il a rappelé que le Forum a déjà mené des études sur la situation des pêcheurs dans les régions de Zarzis, Monastir et Kerkennah, et a souligné que leur situation est devenue très difficile en raison de la hausse des températures de l’eau de mer et de l’augmentation de la pollution marine dans le golfe de Gabès, qui s’est étendue aux côtes de Zarzis et Kerkennah.
Il a ajouté que l’augmentation de la pêche illégale menace de détruire une grande partie de la communauté des pêcheurs, dont la situation sociale s’est compliquée à cause des nouvelles approches de gestion de la migration irrégulière.
Romdhane Ben Amor estime « nécessaire de revoir les politiques de coopération avec l’Union européenne en matière de migration irrégulière, qui, selon le Forum, doit être une priorité absolue ». Il a proposé que cette révision passe par la mise en place d’une politique nationale de migration qui privilégie les intérêts tunisiens, les droits et la dignité des migrants, tout en donnant la priorité à la protection des communautés vulnérables en première ligne, qui ont été fortement affectées par les conséquences des politiques d’externalisation des frontières.
Les participants ont fondé leur analyse du phénomène de l’augmentation de la migration irrégulière sur le projet « Ermenautica Saperi in rotta », un projet de recherche en Méditerranée issu d’idées d’étudiants, de chercheurs et de professeurs en anthropologie.