La chasse est une passion multiple et riche en émotions intenses. Elle n’est pas qu’un loisir, elle vous emmène bien au-delà. C’est une aventure unique qui transporte les hommes et les femmes d’aujourd’hui aux confins de leurs origines. Elle fait ressurgir et exacerber instincts et émotions enfouis au plus profond, permettant ainsi une véritable communion avec la nature comme le souligne Hafedh Loussaief, un grand passionné de chasse.
Le Temps.news : Partir à la chasse, cela signifie également partir à la quête d’un animal. La chasse s’arrête-t-elle à l’acte final de tuer un animal ? Du coup de fusil au coup de fourchette, y a-t-il un plaisir ?
Hafedh Lousseif : C’est un rituel annuel. A chaque ouverture de la saison de chasse , on se prépare. Après plusieurs mois d’inactivité, il est important de remettre votre arme en service, préparer les munitions et la tenue, jeter un coup d’œil à la météo. Chaque type de chasse a ses spécificités, mais dans tout les cas c’est un exercice sportif. Se remettre dans de bonnes conditions physiques avant l’ouverture de la chasse est important car ça nous permet de chasser plus longtemps et en meilleure forme. Il faut aussi remettre les chiens de chasse en forme. Tel un sportif de haut niveau, le chien a lui aussi besoin de préparation pour partir à la quête du petit gibier. Deux ou trois randonnées à la campagne en compagnie de l’auxiliaire sont ainsi très utiles avant l’ouverture. Avant chaque début de saison, il faut absolument consulter l’arrêté du ministère de l’agriculture organisant la saison de chasse. Ceci nous permet de préparer nos plans de chasse des différentes espèces dans le respect de la loi. Et bien entendu, le permis de chasser en cours de validité doit être sur soi en action de chasse.
À l’heure du départ, il fait en général encore noir, dernière vérification de l’équipement. Fusil sur l’épaule et gilet multi-poches remplis de munitions, tabouret, bouteilles d’eau, gamelle… tout est fin prêt. Chasser c’est aussi partager en plus de sa passion, un moment de convivialité avec des gens qu’on apprécie.
Les retours de chasse sont tout aussi mémorables car tout le monde raconte ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu et l’explique avec beaucoup d’émotions. C’est comme si on vivait en temps réel une autre chasse. Lorsqu’on se met à table pour déguster le déjeuner composé de différents mets ramenés par les membres de l’équipe il y a de l’ambiance. Chacun raconte ses tirs, ses coups d’éclat, ses ratés, ses rencontres imprévues, ses aventures…La chasse permet tout cela. L’important n’est pas seulement le résultat numérique, mais aussi le fait de faire un tour dans la nature, voir du gibier, partager des moments inoubliables avec ses amis..
Quelle différence y a t il entre le bon et le mauvais chasseur ?
La chasse, c’est un sport et un art à la fois. Les chasseurs se voient de plus en plus en protecteurs de la nature et de la biodiversité. La chasse est une passion, et elle ne doit jamais être motivée par la cupidité. Un bon chasseur n’est pas nécessairement celui qui prélève le plus de gibier. Chaque sortie est une aventure qui ne se termine pas forcément par un coup de feu. Un bon chasseur est une personne éthique et responsable dans la pratique de la chasse.
Un bon chasseur connaît les lois et les règlements relatifs à la chasse, les limites de prélèvements, les périodes de chasse, les zones de chasse autorisées et celle interdites, les armes autorisées, et les règles de sécurité. Un chasseur est une personne qui manipule une arme à feu, il doit avoir les compétences nécessaires lui permettant d’utiliser son équipement de chasse de manière efficace, éthique et en toute sécurité. Les règles de sécurité doivent être prises très au sérieux pour éviter les accidents qui restent malheureusement encore présents.
Cela peut inclure l’utilisation de vêtements de sécurité (fluorescents), le transport des armes de manière sécurisée, la posture et la manipulation de l’arme en présence d’autres personnes…Un bon chasseur comprend l’importance de la conservation de la faune et de la flore et pratique une chasse respectueuse de l’environnement préservant le biotope et l’habitat des animaux. Il doit avoir un minimum de connaissances sur la vie, l’alimentation, les habitudes et la reproduction des animaux.
Mais plusieurs chasseurs ne sont pas formés ?
Nos chasseurs ne sont malheureusement pas formés. Il n‘y a aucun examen ni évaluation de connaissances à subir avant l’obtention du permis de chasse. Le résultat, des chasseurs qui ne connaissent pas le gibier, la réglementation, la reproduction des espèces. En France, comme ailleurs, l’examen du permis de chasser est obligatoire. Il comprend deux parties : la théorie et la pratique. Pour être reçu, le candidat doit obtenir un minimum de 25 points sur 31 et avoir répondu correctement à plusieurs questions portant sur la faune sauvage et ses habitats, la chasse en elle-même, les lois et règlements concernant la police de la chasse et la protection de la nature, ainsi que sur les armes et les munitions. Notre association régionale de chasse a pris conscience de cette grave lacune. Elle est en train de préparer en partenariat avec la fédération des associations de chasse un projet pour instaurer un examen pour l’obtention du permis de chasse.
Le braconnage est-ce une menace pour la faune ?
Le braconnage représente une des plus grandes menaces pour les espèces. Et le danger est d’autant plus grand que les bandes organisées se durcissent et se multiplient, les moyens utilisés pour le braconnage sont de plus en plus sophistiqués, tandis que les politiques de lutte restent globalement insuffisantes. On parle déjà de la disparition probable de plusieurs espèces d’ici à 2050 qui ont pourtant un rôle à jouer dans la nature. Le braconnage est une pratique illégale qui consiste à chasser ou à pêcher des animaux sans autorisation ou en violation des lois et des réglementations en vigueur. Cette pratique peut avoir de graves conséquences sur la faune et l’environnement, car il peut contribuer à la réduction des populations d’espèces animales et à la perturbation des écosystèmes.
Il y’a plusieurs types de braconniers: les chasseurs détenteurs d’un permis de chasse qui pratiquent la « chasse » dans des zones interdites ou pendant les périodes de fermeture. Personnellement je considère ces pseudo chasseurs qui se procurent un bien qui ne leur appartient pas plutôt comme des voleurs! Il y a aussi les non détenteurs de permis de chasse qui utilisent des armes illégales et pratiquent la chasse de jour comme de nuit. Un autre groupe de braconniers non moins nocifs est constitué de personnes qui ne possèdent pas d’armes mais qui tuent ou capturent des animaux par d’autres moyens prohibés causant souvent des ravages dans la faune. Le braconnage peut également être associé à d’autres activités illégales telles que le trafic d’animaux ou la vente du gibier .En somme, le braconnage est une pratique illégale néfaste qui doit être combattue par tous les moyens. Malheureusement le constat est amer sachant que le phénomène ne fait que croître du fait entre autres de l’insuffisance des moyens matériels et humains mis en place par les autorités pour y faire face.
Est-ce que le changement climatique a impacté la chasse
Sûrement !!Ces dernières années nous constatons une régression significative du taux de prélèvement en petit gibier notamment la perdrix et le lièvre et même du gibier migrateur. Cette situation est due en grande partie aux perturbations climatiques en plus de l’action de l’homme, qui se manifeste par le braconnage, la destruction des écosystèmes, l’urbanisation ainsi que la pollution des milieux sans oublier l’évolution des pratiques agricoles caractérisée par l’usage intensif et abusif des pesticides (dont les herbicides particulièrement nocifs aussi bien par leur action directe qu’indirecte) et des engrais chimiques.Les pesticides accumulés le long de la chaîne alimentaire, présentent un risque à long-terme pour les espèces chassables notamment sur la fertilité. Les insecticides et herbicides à large spectre réduisent les sources de nourriture et l’habitat pour les animaux. Compte tenu de toutes ces pressions sur les populations de gibier, seule une gestion stricte est à même de garantir une chasse durable et permettrait de pérenniser l’agrément apporté aux chasseurs.
La chasse, est-ce une passion de père en fils ?
La chasse est aussi une passion qui se transmet de père en fils. Elle permet à un parent ou grand parent de faire découvrir la chasse aux plus jeunes, en leur transmettant le savoir-faire et l’art de chasser. Les enfants de chasseurs sont en général passionnés de chasse. Mon fils ne ratait pas une seule sortie en ma compagnie chaque fois que cela lui était possible. Malheureusement, la législation interdit aux enfants de chasseurs d’utiliser l’arme de leurs parents, même en leur présence. Sur ce point, il est vrai que la réglementation est trop rigide. À mon avis et celui de la majorité des chasseurs cette interdiction devrait être levée.
Interview par Kamel BOUAOUINA